Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 20-19.782
- ECLI:FR:CCASS:2022:C201187
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 17 novembre 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, du 02 juillet 2020Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 novembre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1187 FS-B
Pourvoi n° R 20-19.782
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 NOVEMBRE 2022
La société Mecajet, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-19.782 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société RGY concept, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mecajet, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société RGY concept, de la société Axa France IARD, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, en présence de Mme Anton, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, M. Besson, Mme Durin-Karsenty, MM. Martin, Delbano, Mmes Vendryes, Isola, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, MM. Cardini, Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Latreille, Bonnet, Philippart, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 2 juillet 2020) et les productions, la société Mecajet a confié à la société RGY concept (la société RGY) la réalisation des plans des appareils de chauffage-climatisation devant équiper des navettes ferroviaires dont la fabrication lui était commandée.
2. La société Mecajet, invoquant avoir subi un préjudice en raison d'une erreur de cotation des plans, a assigné la société RGY et son assureur, la société Axa France Iard (la société Axa), devant un tribunal de commerce qui les a condamnées solidairement à lui payer une certaine somme à titre indemnitaire.
3. La société RGY a interjeté un appel principal de ce jugement.
4. La société Axa, intimée, n'a pas constitué avocat.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Mecajet fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement et de rejeter toutes ses demandes, alors « que l'appel d'une partie ne produit effet à l'égard des autres parties condamnées ne s'étant pas jointes à l'instance qu'en cas d'indivisibilité ; que la société Axa, condamnée en première instance, n'a pas relevé appel ni constitué avocat devant la cour d'appel ; qu'en infirmant le jugement en son entier et en faisant ainsi produire au seul appel de la société RGY effet à l'égard de la société Axa cependant que les condamnations solidaires de l'assuré et de son assureur à indemniser la société Mecajet n'étaient pas indivisibles, la cour d'appel a violé l'article 553 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 553 du code de procédure civile :
6. Aux termes de ce texte, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance ; l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.
7. Il en résulte qu'en l'absence d'impossibilité d'exécuter simultanément deux décisions concernant les parties au litige, l'indivisibilité, au sens de l'article 553 du code de procédure civile, n'étant pas caractérisée, l'appel de l'une des parties ne peut pas produire effet à l'égard d'une partie défaillante.
8. Pour débouter la société Mecajet de sa demande de condamnation solidaire de la société RGY et de la société Axa, l'arrêt retient que la société RGY ne peut être tenue de réparer les conséquences financières subies par la société Mecajet pour assurer la reprise des désordres des châssis mis en production.
9. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence d'impossibilité de poursuivre simultanément l'exécution du jugement ayant condamné la société Axa et de l'arrêt déboutant la société Mecajet de sa demande de condamnation de la société RGY, l'appel de cette dernière ne pouvait produire effet à l'égard de la société Axa, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. La société Mecajet fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à déclarer la société RGY responsable du désordre constaté le 5 mai 2017 et de la condamner solidairement avec son assureur, la société Axa, à l'indemniser de son entier préjudice, soit à lui payer les sommes de 258 675 euros et de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la société Mecajet fondait ses demandes sur les articles 1217 et 1231-1 du code civil et que la société RGY justifiait sa prétention au rejet des demandes de la société Mecajet sur une prétendue absence de lien de causalité entre la faute qu'elle avait commise et les dépenses engagées par la société Mecajet ; qu'aucune des parties n'a donc évoqué l'exigence de la prévisibilité du dommage en matière de responsabilité contractuelle ; qu'en se fondant ainsi d'office sur l'article 1231-3 du code civil sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
11. Aux termes de ce texte, le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
12. Pour rejeter les demandes de la société Mecajet, l'arrêt retient que si la société RGY pouvait prévoir que l'erreur de cotation de ses plans entraînerait une impossibilité de mettre en oeuvre les composants mécaniques réalisés sur la base de ceux-ci, elle ne pouvait en revanche prévoir ni que la société Mecajet choisirait de passer outre la phase de réalisation d'un prototype et d'engager directement la production de 20 châssis pour gagner sur les délais de mise en oeuvre impartis par le marché, ni qu'elle mettrait tout en oeuvre, à savoir l'engagement de deux sociétés d'ingénierie tierces et la remise en production en urgence de nombreuses pièces, pour sauver son marché face à un partenaire commercial tel que la société Eurotunnel, de sorte que les préjudices dont la société Mecajet réclame réparation constituent des dommages que la société RGY, dont il n'est pas soutenu qu'elle avait commis une faute lourde ou dolosive, ne pouvait pas prévoir au sens de l'article 1231-3 du code civil.
13. En statuant ainsi, en faisant d'office application au litige de l'article 1231-3 du code civil, la prévisibilité du dommage n'ayant pas été invoquée par les parties dans le débat sur le lien de causalité entre la faute de la société RGY et le préjudice allégué par la société Mecajet, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à présenter leurs observations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.
Condamne la société RGY concept et la société Axa France IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société RGY concept et la société Axa France IARD et les condamne in solidum à payer à la société Mecajet la somme de 3 000 euros ;
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 novembre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1187 FS-B
Pourvoi n° R 20-19.782
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 NOVEMBRE 2022
La société Mecajet, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-19.782 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société RGY concept, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mecajet, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société RGY concept, de la société Axa France IARD, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, en présence de Mme Anton, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, M. Besson, Mme Durin-Karsenty, MM. Martin, Delbano, Mmes Vendryes, Isola, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, MM. Cardini, Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Latreille, Bonnet, Philippart, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 2 juillet 2020) et les productions, la société Mecajet a confié à la société RGY concept (la société RGY) la réalisation des plans des appareils de chauffage-climatisation devant équiper des navettes ferroviaires dont la fabrication lui était commandée.
2. La société Mecajet, invoquant avoir subi un préjudice en raison d'une erreur de cotation des plans, a assigné la société RGY et son assureur, la société Axa France Iard (la société Axa), devant un tribunal de commerce qui les a condamnées solidairement à lui payer une certaine somme à titre indemnitaire.
3. La société RGY a interjeté un appel principal de ce jugement.
4. La société Axa, intimée, n'a pas constitué avocat.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Mecajet fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement et de rejeter toutes ses demandes, alors « que l'appel d'une partie ne produit effet à l'égard des autres parties condamnées ne s'étant pas jointes à l'instance qu'en cas d'indivisibilité ; que la société Axa, condamnée en première instance, n'a pas relevé appel ni constitué avocat devant la cour d'appel ; qu'en infirmant le jugement en son entier et en faisant ainsi produire au seul appel de la société RGY effet à l'égard de la société Axa cependant que les condamnations solidaires de l'assuré et de son assureur à indemniser la société Mecajet n'étaient pas indivisibles, la cour d'appel a violé l'article 553 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 553 du code de procédure civile :
6. Aux termes de ce texte, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance ; l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.
7. Il en résulte qu'en l'absence d'impossibilité d'exécuter simultanément deux décisions concernant les parties au litige, l'indivisibilité, au sens de l'article 553 du code de procédure civile, n'étant pas caractérisée, l'appel de l'une des parties ne peut pas produire effet à l'égard d'une partie défaillante.
8. Pour débouter la société Mecajet de sa demande de condamnation solidaire de la société RGY et de la société Axa, l'arrêt retient que la société RGY ne peut être tenue de réparer les conséquences financières subies par la société Mecajet pour assurer la reprise des désordres des châssis mis en production.
9. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence d'impossibilité de poursuivre simultanément l'exécution du jugement ayant condamné la société Axa et de l'arrêt déboutant la société Mecajet de sa demande de condamnation de la société RGY, l'appel de cette dernière ne pouvait produire effet à l'égard de la société Axa, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. La société Mecajet fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à déclarer la société RGY responsable du désordre constaté le 5 mai 2017 et de la condamner solidairement avec son assureur, la société Axa, à l'indemniser de son entier préjudice, soit à lui payer les sommes de 258 675 euros et de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la société Mecajet fondait ses demandes sur les articles 1217 et 1231-1 du code civil et que la société RGY justifiait sa prétention au rejet des demandes de la société Mecajet sur une prétendue absence de lien de causalité entre la faute qu'elle avait commise et les dépenses engagées par la société Mecajet ; qu'aucune des parties n'a donc évoqué l'exigence de la prévisibilité du dommage en matière de responsabilité contractuelle ; qu'en se fondant ainsi d'office sur l'article 1231-3 du code civil sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
11. Aux termes de ce texte, le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
12. Pour rejeter les demandes de la société Mecajet, l'arrêt retient que si la société RGY pouvait prévoir que l'erreur de cotation de ses plans entraînerait une impossibilité de mettre en oeuvre les composants mécaniques réalisés sur la base de ceux-ci, elle ne pouvait en revanche prévoir ni que la société Mecajet choisirait de passer outre la phase de réalisation d'un prototype et d'engager directement la production de 20 châssis pour gagner sur les délais de mise en oeuvre impartis par le marché, ni qu'elle mettrait tout en oeuvre, à savoir l'engagement de deux sociétés d'ingénierie tierces et la remise en production en urgence de nombreuses pièces, pour sauver son marché face à un partenaire commercial tel que la société Eurotunnel, de sorte que les préjudices dont la société Mecajet réclame réparation constituent des dommages que la société RGY, dont il n'est pas soutenu qu'elle avait commis une faute lourde ou dolosive, ne pouvait pas prévoir au sens de l'article 1231-3 du code civil.
13. En statuant ainsi, en faisant d'office application au litige de l'article 1231-3 du code civil, la prévisibilité du dommage n'ayant pas été invoquée par les parties dans le débat sur le lien de causalité entre la faute de la société RGY et le préjudice allégué par la société Mecajet, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à présenter leurs observations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.
Condamne la société RGY concept et la société Axa France IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société RGY concept et la société Axa France IARD et les condamne in solidum à payer à la société Mecajet la somme de 3 000 euros ;
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