mardi 6 décembre 2022

Irrecevabilité à présenter devant la Cour de cassation un moyen incompatible avec la thèse développée devant les juges du fond

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 novembre 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 839 F-D

Pourvoi n° B 21-21.383




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022

M. [V] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 21-21.383 contre l'arrêt rendu le 26 juillet 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [D] [Y], domicilié [Adresse 3],

2°/ à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], pris en qualité d'assureur de M. [Y],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [F], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la SMABTP, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 26 juillet 2021), le 30 octobre 2006, M. [F] a conclu avec M. [Y], un marché portant sur l'exécution de travaux de gros oeuvre, électricité, carrelage, charpente-couverture, plomberie, menuiserie bois, peinture, dans une maison d'habitation comprenant deux logements accolés.

2. Se plaignant de désordres, M. [F] a saisi la SMABTP, assureur de M. [Y], qui a fait diligenter une expertise le 27 juin 2015 par le cabinet Saretec construction en l'absence de son assuré.

3. Une seconde expertise amiable, demandée par M. [F], a été réalisée, le 30 décembre 2016, par la société Fidestim en l'absence de M. [Y].

4. M. [F] a assigné M. [Y] et la SMABTP en indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen,

Enoncé du moyen

5. M. [F] fait grief à l'arrêt de condamner in solidum M. [Y] et la SMABTP à lui payer la somme de 5 642,63 euros au titre de la réparation des désordres relevant de la garantie décennale et de condamner M. [Y] à lui payer la somme de 4 832,50 euros au titre de la réparation des autres désordres, alors :

« 1°/ que le juge ne peut se fonder exclusivement sur les expertises non contradictoires réalisées à la demande des parties, à moins qu'elles ne soient corroborées par des éléments de preuve extérieurs et non viciés, ces éléments ne pouvant être constitués par une autre expertise amiable souffrant du même défaut de contradiction ; qu'en se fondant exclusivement sur deux rapports d'expertises dont elle a constaté qu'elles avaient été réalisées de façon non contradictoire à la demande de chacune des parties, la cour a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que pour rejeter la demande d'expertise judiciaire et se fonder exclusivement sur les rapports d'expertise non contradictoires, la cour a retenu que ceux-ci avaient été réalisés par des techniciens expérimentés et qu'ils étaient suffisamment complets et argumentés ; qu'en se déterminant ainsi, la cour, s'étant fondée sur des éléments intrinsèques aux rapports litigieux, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en ne confrontant pas les expertises à des éléments extérieurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ que les juges sont tenus d'évaluer le préjudice à la date à laquelle ils statuent ; qu'en se fondant exclusivement sur les rapports d'expertise du 27 juin 2015 et du 30 décembre 2016, sans prendre en compte l'aggravation du dommage survenue après ces opérations d'expertise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, ayant soutenu devant la cour d'appel que plusieurs expertises non contradictoires démontraient l'ensemble des désordres qu'il avait subis dans la construction de son immeuble, M. [F] n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen incompatible avec la thèse qu'il a développée devant les juges du fond.

7. En deuxième lieu, c'est dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire que la cour d'appel a rejeté la demande d'expertise présentée par M. [F].

8. En troisième lieu, M. [F] n'ayant pas développé dans ses conclusions d'appel en quoi consistait l'aggravation de ses préjudices, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision.

9. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le second moyen,

Enoncé du moyen

10. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral, alors :

« 1°/ qu'en jugeant que M [F] ne rapportait pas la preuve de la perte de chance de louer son bien alors qu'elle avait antérieurement jugé que les désordres affectant ce bien portaient atteinte à la solidité de l'ouvrage et le rendaient impropre à sa destination et de pas avoir tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;
2°/ qu'en jugeant que l'indemnisation des dommages immatériels comme la privation de jouissance ou le préjudice moral n'était pas prévue aux termes du contrat d'assurance souscrit par M. [Y] auprès de la SMABTP alors que le contrat prévoyait au contraire expressément qu'il garantissait les conséquences pécuniaires en cas de dommages immatériels, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis dudit contrat, en violation du principe interdisant au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour
11. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a retenu, abstraction faite d'un motif surabondant sur la garantie de l'assureur, que la perte de chance de louer le bien affecté des désordres n'était pas établie.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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