Note, J.-M. Pastor, AJDA 2022, p. 2501.
Avis n° 462156 du 19 décembre 2022
Version initiale
Le Conseil d'Etat, (Section du contentieux, 7e et 2e chambres réunies),
Sur le rapport de la 7e chambre de la section du contentieux,
Vu la procédure suivante :
Par un arrêt nos 19MA03382, 19MA03517 du 7 mars 2022, enregistré le 8 mars 2022 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Marseille, avant de statuer sur les requêtes de la commune de Pérols et de M. A… contre le jugement n° 1700932 du 23 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a condamné M. A… à verser à la commune de Pérols la somme de 137 408, 25 euros TTC au titre des désordres affectant la crèche « Les Pitchouns », avec intérêts au taux légal et capitalisation, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code justice administrative, de transmettre les dossiers de ces requêtes au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1° Au regard des garanties de compensation intégrale apportées par le fonctionnement du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, les collectivités territoriales doivent-elles être présumées bénéficier d'un remboursement intégral de la taxe sur la valeur ajoutée grevant le coût des travaux de reprise qu'elles doivent engager ?
2° Le montant de l'indemnité versée par la personne condamnée à réparer le préjudice résultant des désordres affectant l'ouvrage doit-il dès lors exclure le montant de la taxe sur la valeur ajoutée grevant le coût des travaux de réfection, charge étant à la collectivité qui demande l'indemnisation de son préjudice toutes taxes comprises de justifier qu'elle n'a pu ou ne pourra bénéficier d'une compensation intégrale de la taxe par le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ?
Le ministre de l'intérieur et des outre-mer a présenté des observations, enregistrées le 15 septembre 2022.
M. A… a présenté des observations, enregistrées le 5 octobre 2022.
La demande d'avis a été communiquée à la commune de Pérols, à la société CBTP Sud Atlas, à la société Revêtement du Sud Proceram, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes ;
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
- La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. A…,
Rend l'avis suivant :
1. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 256 B du code général des impôts : « Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence. » ;
2. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales : « Les attributions ouvertes chaque année par la loi à partir des ressources du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée des collectivités territoriales visent à compenser la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales et leurs groupements sur leurs dépenses d'investissement ainsi que sur leurs dépenses pour : / 1° L'entretien des bâtiments publics et de la voirie ; / (…) » ;
3. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations.
4. Il résulte des dispositions de l'article 256 B du code général des impôts que les collectivités territoriales ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs. Si, en vertu des dispositions de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée vise à compenser la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales notamment sur leurs dépenses d'investissement, il ne modifie pas le régime fiscal des opérations de ces collectivités. Ainsi, ces dernières dispositions ne font pas obstacle à ce que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux de réfection d'un immeuble soit incluse dans le montant de l'indemnité due par les constructeurs à une collectivité territoriale, maître d'ouvrage, alors même que celle-ci peut bénéficier de sommes issues de ce fonds pour cette catégorie de dépenses.
Le présent avis sera notifié à la commune de Pérols, à M. A…, à la société CBTP Sud Atlas, à la société Revêtement du Sud Proceram, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.
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