Lu sur la dernière "Lettre de la Cour de cassation" :
Application de clauses contractuelles de suspension du paiement des loyers en cas de fermeture de résidences de tourisme par les pouvoirs publics afin de lutter contre la propagation du virus covid-19
Au fil de ses arrêts, la Cour de cassation poursuit son examen de l’incidence de l’interdiction de recevoir du public résultant de l’état d’urgence sanitaire sur les rapports entre les parties au contrat de bail commercial.
Après avoir admis l’application du droit commun des contrats et exclu l'inexécution par les bailleurs de leur obligation de délivrance ainsi que la perte partielle de la chose louée (3e Civ., 30 juin 2022, pourvois n° 21-20.190, publié au Bulletin et au Rapport, n° 21-20.127, publié au Bulletin et n° 21-19.889 ; mentionnés dans la lettre n° 8 de la troisième civile), elle a, dans les deux arrêts commentés, examiné, dans le contexte de résidences de tourisme, la question de la portée de clauses de suspension de paiement des loyers.
En l’occurrence, en raison de l'interdiction de recevoir du public, les locataires exploitantes de deux résidences de tourisme ont avisé leurs bailleurs respectifs de leur décision de suspendre le paiement des loyers. Ceux-ci ont alors agi en référé afin d’obtenir leur condamnation au paiement de provisions égales au montant des arriérés locatifs.
Or, en application de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ne peut accorder une provision au créancier que dans le cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
Les preneuses se sont donc prévalues de l'existence de contestations sérieuses tenant à la stipulation au bail d’une clause selon laquelle le paiement des loyers serait suspendu dans les cas où "la non sous-location du bien" (pourvoi n° 22-12.753) ou "l'indisponibilité du bien" (pourvoi n° 21-21.867) résulterait, notamment, “de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telle qu'incendie de l'immeuble…) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale".
La Cour de cassation a approuvé les cours d'appel d'avoir, sans interpréter les contrats, relevé que les clauses de suspension des loyers prévues aux baux ne pouvaient recevoir application qu'en cas de survenance de circonstances exceptionnelles affectant le bien lui-même et non sa seule exploitation.
Ces deux arrêts s’inscrivent dans la droite ligne de ceux rendus le 30 juin dernier aux termes desquels la caractérisation de la notion même de perte de la chose louée, au sens de l’article 1722 du code civil, est exclue au motif que la mesure générale et temporaire d’interdiction de recevoir du public est sans lien direct avec la destination contractuelle des locaux loués.
En raison du grand nombre de propriétaires-bailleurs des lots composant les résidences de tourisme, de la présence habituelle de clauses de suspension du paiement des loyers dans les baux concernés et du nombre important de contentieux similaires, la portée des décisions rendues doit être soulignée.
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