jeudi 8 décembre 2022

L'objet du litige

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 novembre 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 807 F-D

Pourvoi n° M 21-20.518




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022

1°/ M. [E] [H], domicilié [Adresse 4],

2°/ M. [S] [H], domicilié [Adresse 3], [Localité 5],

3°/ M. [G] [H], domicilié [Adresse 2], [Localité 5],

ont formé le pourvoi n° M 21-20.518 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 2), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [O] [N], épouse [L] [I],

2°/ à M. [F] [L] [I],

domiciliés tous deux [Adresse 2], [Localité 5],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les cinq moyens de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de MM. [H], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [L] [I], après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 14 avril 2021), M. [E] [H], M. [S] [H] et M. [G] [H] ont assigné M. et Mme [L] [I] en rétablissement du libre accès à deux pièces, dont la propriété leur a été attribuée par partage du 22 avril 1974, situées respectivement au rez-de-chaussée et au premier étage d'un immeuble dont les autres lots ont été acquis par Mme [L] [I] suivant acte du 23 juin 1988, en remise, sous astreinte, d'un double des clés de la porte principale de l'immeuble, de deux portails et de la porte donnant accès à la cour arrière acquise par Mme [L] [I] par partage du 27 mai 1999, ainsi qu'en indemnisation du dommage, selon eux, causé par la privation de propriété.

2. Reconventionnellement, M. et Mme [L] [I] ont demandé le retrait d'objets encombrant le hall d'entrée de l'immeuble et la réalisation de travaux d'isolation.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. MM. [H] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de remise, sous astreinte, d'un double des clés de la porte d'entrée principale et de la porte d'accès à la cour arrière, alors :

« 1°/ qu'il est prohibé au juge de dénaturer les actes de procédure figurant au dossier ; qu'en l'espèce, dans leur acte d'appel du 31 juillet 2018, les époux [L] [I] avaient expressément limité leur recours, d'une part, aux chefs du jugement du 20 février 2018 allouant aux consorts [H] les sommes de 5.000 € à titre de dommages et intérêts, de 3.000 € au titre des frais irrépétibles et au paiement des dépens, ainsi qu'à la disposition les déboutant de leurs demandes reconventionnelles et, d'autre part, au chef du jugement du 3 juillet 2018 leur faisant obligation, sous astreinte, de fournir aux consorts [H] les doubles des clés des deux portails en bois permettant l'accès à la cour ; qu'étaient dès lors devenus définitifs les chefs des jugements entrepris faisant obligation sous astreinte aux parties adverses d'une part de remettre aux consorts [H] les doubles des clés de la porte d'entrée principale, de la porte permettant l'accès au grenier et de la porte donnant sur la cour arrière de l'immeuble ou de leur en laisser libre accès avec cette précision que, si le système de fermeture existant fonctionnait sans clé, la partie la plus diligente pourrait faire poser un système d'ouverture et, d'autre part, de laisser libre l'accès à la pièce leur appartenant située au premier étage de l'immeuble litigieux ; qu'en affirmant au commémoratif de sa décision, après avoir cité l'intégralité des chefs de dispositifs des jugements des 20 février et 3 juillet 2018, que « Mme [N] et M. [L] [I] ont interjeté appel des chefs des deux jugements » et en énonçant ensuite, au dispositif de sa décision, qu'elle « infirm[ait] le jugement en ses dispositions déférés à la cour sauf en ce qu'il a dit que [les époux [L] [I]] doivent laisser libre l'accès à la pièce appartenant [au consorts [H]] située au premier étage de l'immeuble », la cour d'appel, qui s'est clairement déclarée saisie de l'intégralité des dispositions des jugements entrepris, a dénaturé l'acte d'appel et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu'en infirmant les jugements entrepris en ce qu'ils avaient, d'une part, fait obligation aux époux [L] [I], sous astreinte, de remettre aux consorts [H] les doubles des clés de la porte d'entrée principale de l'immeuble et de la porte d'accès au jardin et de leur en laisser le libre accès avec cette précision que si le système fonctionnait sans clé, la partie la plus diligente pourra faire poser un système de fermeture, et, d'autre part, prononcé une astreinte pour garantir l'exécution de leur obligation de laisser libre l'accès de la pièce appartenant aux consorts [H] au premier étage de l'immeuble, autant de dispositions qui ne lui étaient pas dévolues, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4, 562 et 901 du code de procédure civile :

5. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

6. Aux termes du deuxième, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

7. Selon le troisième, la déclaration d'appel mentionne les chefs du jugement critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

8. Pour rejeter la demande de remise d'un double des clés de la porte principale de la maison et de la porte d'accès à la cour arrière, par infirmation du jugement du 20 février 2018 rectifié par jugement du 3 juillet 2018, l'arrêt retient que, par déclaration du 31 juillet 2018, M. et Mme [L] [I] ont interjeté appel des chefs des deux décisions dont il énumère l'ensemble des dispositions.

9. En statuant ainsi, alors qu'aux termes de la déclaration d'appel, seuls étaient critiqués le rejet des demandes de M. et Mme [L] [I] et leur condamnation, d'une part, à la remise, sous astreinte, d'un double des clés des deux portails, d'autre part, au paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige au regard de l'effet dévolutif de l'appel limité dont elle était saisie, a violé les textes susvisés.

Et sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

10. MM. [H] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande indemnitaire, alors « que le juge ne peut méconnaître les termes du litige ; qu'en l'espèce, les parties s'accordaient sur le fait que le droit à réparation des consorts [H] au titre de la privation de propriété depuis l'année 2012 était acquis en son principe, les époux [L] [I] faisant exclusivement valoir que les condamnations au paiement de la somme de 5.000 € de dommages et intérêts et de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile apparaissent totalement démesurées compte tenu de l'intérêt du litige et du [fait que] les consorts [H] ne sont propriétaires que d'une pièce au rez-de-chaussée devenue cave et d'une pièce à usage de débarras à l'étage, par laquelle on accède par la chambre de M. et Mme [L] [I] [et que] ces pièces ne sont quasiment jamais utilisées et utilisables pour MM. [H] ; que, pour justifier sa décision sur la demande indemnitaire des consorts [H], la cour d'appel a considéré que ni leur préjudice de privation de jouissance des pièces litigieuses ni l'existence d'une faute des époux [L] [I] quant à leur accès à l'immeuble par la porte d'entrée principale et par la porte arrière n'étaient établis ; que cependant les parties s'accordaient sur le fait que seul le montant de la condamnation prononcée par le premier juge était dans le débat ; que par suite la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

11. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

12. Pour rejeter la demande indemnitaire, l'arrêt retient que la privation de jouissance invoquée n'est pas démontrée.

13. En statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions, M. et Mme [L] [I] soutenaient que le montant de l'indemnisation accordée à ce titre par les premiers juges était excessif, sans contester le préjudice dans son existence même, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [E] [H], M. [S] [H] et M. [G] [H] en remise, sous astreinte, d'un double des clés de la porte d'entrée principale et de la porte d'accès à la cour arrière et en indemnisation au titre de l'atteinte au droit de propriété, l'arrêt rendu le 14 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;

Condamne M. et Mme [L] [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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