vendredi 16 décembre 2022

Coût des travaux exécutés d’office par une commune sur le fondement d’un arrêté de péril imminent, annulé par le juge administratif : l’action fondée sur l’enrichissement sans cause est possible

 Lu sur la dernière "Lettre de la Cour de cassation" :

Coût des travaux exécutés d’office par une commune sur le fondement d’un arrêté de péril imminent, annulé par le juge administratif : l’action fondée sur l’enrichissement sans cause est possible

3E CIV., 26 OCTOBRE 2022, POURVOI N° 21-12.674, PUBLIÉ AU BULLETIN

Au vu du rapport d’un expert désigné par la juridiction administrative en application de l’article L. 511-3 du code de la construction, alors applicable, le maire d’une commune a pris, sur le fondement de cette disposition, un arrêté de péril imminent ordonnant aux copropriétaires d’un immeuble d’effectuer un certain nombre de travaux, puis, face à leur inertie, a fait réaliser lui-même ces travaux, jugés nécessaires à la cessation de l’état de péril.

La juridiction administrative a annulé l'arrêté de péril imminent pour la quasi-totalité des travaux en estimant que, faute de preuve d’un péril grave et imminent, les mesures ordonnées excédaient celles que le maire pouvaient prescrire sur le fondement de l’article L. 511-3 précité. Les titres de recette et le titre exécutoire émis par la commune pour en obtenir le remboursement ont, par suite, également été annulés.

La commune a alors assigné le syndicat des copropriétaires en paiement du coût des travaux réalisés, sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

La cour d’appel ayant accueilli cette demande, le syndicat des copropriétaires a saisi la Cour de cassation d’un pourvoi.

Si la réunion des trois conditions matérielles de l’action fondée sur l’enrichissement sans cause (l’enrichissement du débiteur, l’appauvrissement du créancier et la corrélation entre les deux) n’était pas discutée, celle des deux conditions juridiques propres à cette action l’était.

En premier lieu, la question se posait de savoir si l’enrichissement des copropriétaires résultant des travaux effectués par la commune était ou non dépourvu de cause. Sur ce point, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir jugé que, en raison de l’effet rétroactif de l’annulation de l’arrêté de péril imminent, celui-ci était censé n’avoir jamais existé, de sorte que l’appauvrissement de la commune ne trouvait pas sa cause dans l’accomplissement, par celle-ci, d’une obligation légale. L’appauvrissement de la commune et l’enrichissement corrélatif des copropriétaires étaient donc bien dépourvus de cause.

Décision - Pourvoi n°12-27.823 | Cour de cassation

En second lieu, la Cour de cassation précise la portée du principe de subsidiarité de l’action fondée sur l’enrichissement sans cause.

Selon ce principe, l’action fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut être admise pour suppléer à une autre action que le demandeur ne peut intenter par suite d’une prescription, d’une déchéance ou forclusion, par l’effet de l’autorité de la chose jugée, ou encore parce qu’il ne peut apporter les preuves qu’elle exige ou par suite de tout autre obstacle de droit (3e Civ., 29 avril 1971, Bull. civ. III, n° 277).

Le syndicat des copropriétaires faisait valoir que, la commune n'étant plus en droit d'émettre un titre exécutoire pour recouvrer le coût des travaux réalisés en exécution des dispositions annulées de l'arrêté de péril imminent, la cour d'appel avait méconnu le principe de subsidiarité de l'action fondée sur l'enrichissement injustifié en lui permettant de tenir en échec les règles impératives sanctionnées par l’annulation de l’arrêté de péril imminent.  

Dans un précédent arrêt du 5 juillet 2018 (3e Civ., 5 juillet 2008, pourvoi n° 12-27.823, Bull. 2018, III, n° 83), la Cour de cassation a énoncé que, la commune n'agit pour le compte et aux frais du propriétaire que lorsqu'elle fait régulièrement usage des pouvoirs d'exécution d'office qui lui sont reconnus et que, dès lors, l'irrégularité de la procédure résultant de l'illégalité de l'arrêté de péril fait obstacle à ce que soit mis à la charge du propriétaire, sur le fondement des dispositions particulières du code de la construction et de l’habitation, le coût des travaux ordonnés par cet arrêté et exécutés d'office par la commune.

Fallait-il en déduire de ce que la commune ne pouvait pas non plus agir sur le fondement de l’enrichissement sans cause qu’il existait un obstacle de droit au succès de l’action exercée sur ce fondement ?

L’arrêt commenté, refusant une telle analyse, énonce que le fait, pour le maire, de ne pas pouvoir délivrer un titre exécutoire afin de mettre à la charge du propriétaire, sur le fondement des dispositions code de la construction et de l’habitation, le coût des travaux exécutés d’office par la commune en exécution de l’arrêté de péril annulé, ne fait pas obstacle à l’exercice de l’action de la commune fondée sur l’enrichissement sans cause.

Si la commune n’a pu emprunter la voie de l’article L. 511-3 de code de la construction et de l’habitation, elle n’a pas cherché à éluder l’application de ce texte, dont elle entendait au contraire se prévaloir. La Cour de cassation en a déduit qu’elle ne se trouvait pas face à un obstacle de droit la privant de l’action de in rem verso.

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