Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 21-17.290
- ECLI:FR:CCASS:2023:C100325
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 17 mai 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, du 06 avril 2021Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Cassation
Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 325 F-D
Pourvoi n° C 21-17.290
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
1°/ M. [T] [X], domicilié [Adresse 2],
2°/ M. [R] [X], domicilié [Adresse 5],
3°/ M. [J] [X], domicilié [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° C 21-17.290 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [K] [D], domicilié [Adresse 4],
2°/ à la société MMA IARD, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [X], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [D], de la société MMA IARD, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 6 avril 2021), par acte reçu le 10 juillet 2009 par M. [D], notaire, (le notaire), Mme [H] a fait donation à ses trois enfants, MM. [T] [X], [R] [X] et [J] [X] (les consorts [X]) de la nue-propriété de parts sociales d'un groupement forestier.
2. Mme [H] est décédée le 2 janvier 2017.
3. Estimant que le paiement des droits qu'ils ont acquittés était dû à une faute du notaire, les consorts [X] l'ont assigné, avec la société MMA IARD (l'assureur), en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
4. Les consorts [X] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre le notaire et l'assureur, alors « que le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets, notamment quant aux incidences fiscales, de l'acte auquel il prête son concours ; que, dans leurs écritures d'appel, les consorts [X] ont fait valoir que ne pouvait leur être opposée la baisse, en 2012, du montant des abattements fiscaux, dès lors que, « nonobstant les seuils légaux d'abattements fiscaux en vigueur en 2009 ou post 2012, (en) ne conseillant pas utilement de recourir au régime « Monichon » pour bénéficier des avantages en résultant dans le cadre du groupement forestier, le notaire savait que ses clients avaient usé de l'ensemble des abattements légaux et ne pourraient au décès de leur mère, sur l'autre partie du patrimoine bénéficier d'un abattement de 100 000 euros par successible », d'autant que « les abattements pour donation sont renouvelables tous les 10 ans jusqu'à 79 ans (avant 2012), et tous les 15 ans toujours jusqu'à 79 ans (depuis 2012), et que leur mère, feue Mme [X], était âgé de 92 ans lors de la donation de 2009 » ; qu'ils ont ajouté que « c'était au notaire instrumentaire, qui connaissait la famille [X] et son patrimoine, d'attirer leur attention sur les dispositifs fiscaux et successoraux en leur indiquant qu'en ne recourant pas au dispositif Monichon, ils ne pourraient plus prétendre à [quelque] abattement que ce soit sur l'autre partie du patrimoine dont ils hériteraient » ; qu'en se bornant à relever que « le régime Monichon ne présentait aucun avantage à l'époque où l'acte a été passé, le 10 juillet 2009 », sans se prononcer sur ces chefs de conclusions, établissant le contraire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
5. Il résulte de ce texte que le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets, notamment quant aux incidences fiscales, de l'acte auquel il prête son concours.
6. Pour écarter tout manquement du notaire à ses obligations, l'arrêt énonce qu'en 2009 les abattements fiscaux étaient de 156 359 euros pour chaque donataire, renouvelable tous les 6 ans, de sorte qu'au regard à la valeur de la propriété, la transmission des parts du groupement en nue-propriété n'impliquait aucun droit de mutation et qu'il n'était donc pas nécessaire de recourir à l'article 793, 1°, du code général des impôts (dit « amendement Monichon ») permettant, sous condition de garanties de gestion durable pendant trente ans, une exonération des droits à hauteur des 3/4 de la valeur des parcelles forestières, cumulable avec l'abattement général. L'arrêt en déduit que le « dispositif Monichon » ne présentait aucun avantage à l'époque où l'acte a été dressé, de sorte qu'il ne saurait y avoir violation du devoir d'information et de conseil du notaire et que le préjudice allégué par les consorts [X], à savoir le paiement des droits de succession, n'était que la conséquence de réformes ultérieures du droit des successions.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le notaire n'avait pas manqué à son devoir de conseil concernant les incidences fiscales en vigueur à la date de l'acte qu'il instrumentait, en omettant d'indiquer aux parties qu'en ne recourant pas au dispositif Monichon ils ne pourraient plus prétendre à un abattement sur l'autre fraction du patrimoine successoral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 06 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. [D] et la société MMA IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [D] et la société MMA IARD et les condamne à payer à MM. [T] [X], [R] [X] et [J] [X] la somme de 3 000 euros ;
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Cassation
Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 325 F-D
Pourvoi n° C 21-17.290
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
1°/ M. [T] [X], domicilié [Adresse 2],
2°/ M. [R] [X], domicilié [Adresse 5],
3°/ M. [J] [X], domicilié [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° C 21-17.290 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [K] [D], domicilié [Adresse 4],
2°/ à la société MMA IARD, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [X], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [D], de la société MMA IARD, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 6 avril 2021), par acte reçu le 10 juillet 2009 par M. [D], notaire, (le notaire), Mme [H] a fait donation à ses trois enfants, MM. [T] [X], [R] [X] et [J] [X] (les consorts [X]) de la nue-propriété de parts sociales d'un groupement forestier.
2. Mme [H] est décédée le 2 janvier 2017.
3. Estimant que le paiement des droits qu'ils ont acquittés était dû à une faute du notaire, les consorts [X] l'ont assigné, avec la société MMA IARD (l'assureur), en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
4. Les consorts [X] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre le notaire et l'assureur, alors « que le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets, notamment quant aux incidences fiscales, de l'acte auquel il prête son concours ; que, dans leurs écritures d'appel, les consorts [X] ont fait valoir que ne pouvait leur être opposée la baisse, en 2012, du montant des abattements fiscaux, dès lors que, « nonobstant les seuils légaux d'abattements fiscaux en vigueur en 2009 ou post 2012, (en) ne conseillant pas utilement de recourir au régime « Monichon » pour bénéficier des avantages en résultant dans le cadre du groupement forestier, le notaire savait que ses clients avaient usé de l'ensemble des abattements légaux et ne pourraient au décès de leur mère, sur l'autre partie du patrimoine bénéficier d'un abattement de 100 000 euros par successible », d'autant que « les abattements pour donation sont renouvelables tous les 10 ans jusqu'à 79 ans (avant 2012), et tous les 15 ans toujours jusqu'à 79 ans (depuis 2012), et que leur mère, feue Mme [X], était âgé de 92 ans lors de la donation de 2009 » ; qu'ils ont ajouté que « c'était au notaire instrumentaire, qui connaissait la famille [X] et son patrimoine, d'attirer leur attention sur les dispositifs fiscaux et successoraux en leur indiquant qu'en ne recourant pas au dispositif Monichon, ils ne pourraient plus prétendre à [quelque] abattement que ce soit sur l'autre partie du patrimoine dont ils hériteraient » ; qu'en se bornant à relever que « le régime Monichon ne présentait aucun avantage à l'époque où l'acte a été passé, le 10 juillet 2009 », sans se prononcer sur ces chefs de conclusions, établissant le contraire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
5. Il résulte de ce texte que le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets, notamment quant aux incidences fiscales, de l'acte auquel il prête son concours.
6. Pour écarter tout manquement du notaire à ses obligations, l'arrêt énonce qu'en 2009 les abattements fiscaux étaient de 156 359 euros pour chaque donataire, renouvelable tous les 6 ans, de sorte qu'au regard à la valeur de la propriété, la transmission des parts du groupement en nue-propriété n'impliquait aucun droit de mutation et qu'il n'était donc pas nécessaire de recourir à l'article 793, 1°, du code général des impôts (dit « amendement Monichon ») permettant, sous condition de garanties de gestion durable pendant trente ans, une exonération des droits à hauteur des 3/4 de la valeur des parcelles forestières, cumulable avec l'abattement général. L'arrêt en déduit que le « dispositif Monichon » ne présentait aucun avantage à l'époque où l'acte a été dressé, de sorte qu'il ne saurait y avoir violation du devoir d'information et de conseil du notaire et que le préjudice allégué par les consorts [X], à savoir le paiement des droits de succession, n'était que la conséquence de réformes ultérieures du droit des successions.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le notaire n'avait pas manqué à son devoir de conseil concernant les incidences fiscales en vigueur à la date de l'acte qu'il instrumentait, en omettant d'indiquer aux parties qu'en ne recourant pas au dispositif Monichon ils ne pourraient plus prétendre à un abattement sur l'autre fraction du patrimoine successoral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 06 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. [D] et la société MMA IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [D] et la société MMA IARD et les condamne à payer à MM. [T] [X], [R] [X] et [J] [X] la somme de 3 000 euros ;
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