Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 19-13.377
- ECLI:FR:CCASS:2023:C100335
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 17 mai 2023
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 27 septembre 2018Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Cassation partielle
Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 335 F-D
Pourvoi n° G 19-13.377
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
Mme [M] [O], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 19-13.377 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre B), dans le litige l'opposant à la société Jyske Bank A/S, prise en son établissement principal en France sis [Adresse 1] , dont le siège est [Adresse 3] (Danemark), défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Jyske Bank A/S, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 septembre 2018), suivant offre acceptée le 25 septembre 2007 et acte authentique du 10 décembre 2007, la société Jyske Bank A/S (la banque) a consenti à Mme [O] (l'emprunteuse) un prêt in fine multi-devises d'un montant de 250 000 euros ou « l'équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, Dollars américains ou Yens japonais », garanti par une hypothèque, d'une durée de dix ans, à un taux d'intérêt variable indexé sur le « Jyske Bank Funding Rate » majoré de 1,5 point.
2. Ce prêt a été tiré pour un montant de 412 650 francs suisses. Le 9 août 2011, la banque a procédé à la conversion en euros.
3. Invoquant l'irrégularité d'une telle conversion, l'irrégularité du taux effectif global, le manquement de la banque à ses devoirs d'information, de conseil et de mise en garde ainsi que le caractère abusif de clauses stipulant un taux variable et une faculté de conversion au bénéfice de la banque, l'emprunteuse l'a assignée en annulation de la conversion et des effets des clauses réputées non écrites, déchéance du droit aux intérêts et indemnisation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. L'emprunteuse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages et intérêts pour manquement de la banque à son devoir d'information et de conseil, alors « que le banquier est tenu de délivrer à son client une information sincère et complète quant à l'opération envisagée, en ce compris ses inconvénients et ses caractéristiques les moins favorables ; qu'en retenant que la banque n'avait pas manqué à son obligation d'information au motif que la déclaration souligne, notamment, "qu'emprunter dans une devise étrangère peut être considéré comme un risque élevé", que le placement effectué ne "garantira aucun rendement" et peut donner lieu à une perte en capital, et que le bien immobilier constitué en garantie "peut être en danger". La circonstance que les informations sont préi-mprimées ne les prive pas d'effectivité", sans rechercher comme elle y était invitée, si l'établissement bancaire avait informé l'emprunteuse sur le risque de variabilité du coût, du risque de dégradation des taux variables, et présenté des données prospectives à titre indicatif, notamment les moins favorables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
6. Lorsqu'elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger.
7. Pour écarter tout manquement de la banque à son devoir d'information, l'arrêt retient qu'une information claire, précise et compréhensible a été donnée à l'emprunteur par l'offre de prêt et par la déclaration de compréhension, laquelle soulignait qu'emprunter dans une devise étrangère pouvait être considéré comme un risque élevé, que le placement effectué ne garantissait aucun rendement et pouvait donner lieu à une perte en capital et que le bien immobilier constitué en garantie pouvait être en danger.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni à l'emprunteur des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur un manquement de la banque à son devoir d'information, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamne Mme [O] aux dépens, l'arrêt rendu le 27 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. ;
Condamne société Jyske Bank A/S aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Jyske Bank A/S et la condamne à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros ;
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Cassation partielle
Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 335 F-D
Pourvoi n° G 19-13.377
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
Mme [M] [O], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 19-13.377 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre B), dans le litige l'opposant à la société Jyske Bank A/S, prise en son établissement principal en France sis [Adresse 1] , dont le siège est [Adresse 3] (Danemark), défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Jyske Bank A/S, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 septembre 2018), suivant offre acceptée le 25 septembre 2007 et acte authentique du 10 décembre 2007, la société Jyske Bank A/S (la banque) a consenti à Mme [O] (l'emprunteuse) un prêt in fine multi-devises d'un montant de 250 000 euros ou « l'équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, Dollars américains ou Yens japonais », garanti par une hypothèque, d'une durée de dix ans, à un taux d'intérêt variable indexé sur le « Jyske Bank Funding Rate » majoré de 1,5 point.
2. Ce prêt a été tiré pour un montant de 412 650 francs suisses. Le 9 août 2011, la banque a procédé à la conversion en euros.
3. Invoquant l'irrégularité d'une telle conversion, l'irrégularité du taux effectif global, le manquement de la banque à ses devoirs d'information, de conseil et de mise en garde ainsi que le caractère abusif de clauses stipulant un taux variable et une faculté de conversion au bénéfice de la banque, l'emprunteuse l'a assignée en annulation de la conversion et des effets des clauses réputées non écrites, déchéance du droit aux intérêts et indemnisation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. L'emprunteuse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages et intérêts pour manquement de la banque à son devoir d'information et de conseil, alors « que le banquier est tenu de délivrer à son client une information sincère et complète quant à l'opération envisagée, en ce compris ses inconvénients et ses caractéristiques les moins favorables ; qu'en retenant que la banque n'avait pas manqué à son obligation d'information au motif que la déclaration souligne, notamment, "qu'emprunter dans une devise étrangère peut être considéré comme un risque élevé", que le placement effectué ne "garantira aucun rendement" et peut donner lieu à une perte en capital, et que le bien immobilier constitué en garantie "peut être en danger". La circonstance que les informations sont préi-mprimées ne les prive pas d'effectivité", sans rechercher comme elle y était invitée, si l'établissement bancaire avait informé l'emprunteuse sur le risque de variabilité du coût, du risque de dégradation des taux variables, et présenté des données prospectives à titre indicatif, notamment les moins favorables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
6. Lorsqu'elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger.
7. Pour écarter tout manquement de la banque à son devoir d'information, l'arrêt retient qu'une information claire, précise et compréhensible a été donnée à l'emprunteur par l'offre de prêt et par la déclaration de compréhension, laquelle soulignait qu'emprunter dans une devise étrangère pouvait être considéré comme un risque élevé, que le placement effectué ne garantissait aucun rendement et pouvait donner lieu à une perte en capital et que le bien immobilier constitué en garantie pouvait être en danger.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni à l'emprunteur des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur un manquement de la banque à son devoir d'information, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamne Mme [O] aux dépens, l'arrêt rendu le 27 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. ;
Condamne société Jyske Bank A/S aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Jyske Bank A/S et la condamne à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros ;
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