mardi 6 juin 2023

Notion de chose jugée

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 363 F-D

Pourvoi n° J 22-15.805




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023

1°/ Mme [C] [R], épouse [S],

2°/ M. [D] [S],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° J 22-15.805 contre l'arrêt rendu le 24 février 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 1), dans le litige les opposant à la société Fortis Lease, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [S], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Fortis Lease, et après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Delbano, conseiller doyen rapporteur, Mme Farrenq-Nési, conseiller, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 février 2022), la société Batical, aux droits de laquelle intervient la société Fortis Lease (la banque), a consenti à la société civile immobilière des Hauts de Flandre (la SCI), depuis placée en liquidation judiciaire, un contrat de crédit-bail portant sur un ensemble immobilier, avec le cautionnement divis de plusieurs de ses associés, dont M. [S] et Mme [R] son épouse.

2. La SCI a contesté les conditions de résiliation du contrat à la suite de la délivrance d'un commandement de payer visant la clause résolutoire et, par arrêt du 5 septembre 2013, une cour d'appel a constaté la résiliation du contrat de crédit-bail, a condamné la banque à payer à la SCI une certaine somme au titre de l'avance stipulée et a condamné la SCI à payer à la banque diverses sommes au titre de l'indemnité de résiliation et des préloyers impayés, avec compensation des créances réciproques au titre de l'avance preneur et de l'indemnité de résiliation.

3. Les cautions de la SCI ayant parallèlement contesté devant un tribunal de grande instance le commandement de payer du 18 mai 2007 et la validité des cautionnements, la banque demandant reconventionnellement la condamnation en paiement des cautions, une cour d'appel a, par arrêts du 10 mars 2016, condamné plusieurs cautions dans la limite de leurs engagements respectifs et a débouté la banque de ses demandes formées contres les autres cautions, parmi lesquelles M. [S] et Mme [R], après avoir notamment considéré que la banque ne pouvait plus se prévaloir d'aucune créance contre elles après compensation.

4. La banque a ensuite assigné M. [S] et Mme [R] devant un tribunal de grande instance, aux fins de paiement de la dette de la SCI, dans la proportion de leurs parts dans le capital.

Examen des moyens

Sur le premier moyen Enoncé du moyen

5. M. [S] et Mme [R] font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée et du principe de la concentration des moyens et de les condamner à payer la somme de 61 484,69 euros à la société Fortis Lease, alors « que l'identité de cause de deux demandes est à rechercher dans les faits générateurs du litige ; que l'appel en paiement des associés d'une SCI, en cette qualité, et l'appel en paiement de ces mêmes associés en leur qualité de cautions garantissant la dette de la société civile, partagent la même cause, dès lors que ces deux actions sont déclenchées par l'inexécution de la SCI débitrice ; que pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée et du principe de la concentration des moyens, la cour d'appel a retenu que l'action engagée contre M. et Mme [S] pris en leur qualité d'associés d'une SCI et l'action en paiement exercée contre eux en leur qualité de cautions de la SCI n'avaient pas la même cause ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil :

6. Aux termes de ce texte, l' autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

7. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que quand bien même la demande tend à obtenir paiement de la créance résultant du défaut d'exécution du bail, les deux actions n'ont pas la même cause dès lors qu'il est réclamé l'exécution de l'engagement de caution ou celle de l'obligation résultant de la qualité d'associé d'une SCI en application de l'article 1857 du code civil, s'agissant de deux engagements indépendants et autonomes.

8. En statuant ainsi, alors que les deux actions reposaient sur la même cause, procédant de la défaillance de la SCI dans l'exécution du contrat de crédit-bail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :


CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la société Fortis Lease aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fortis Lease et la condamne à payer à M. [S] et Mme [R] la somme globale de 3 000 euros ;

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