Note C. Sizaire, Constr.-urb. 2023-7/8, p. 35.
Note A. Caston, GP 2023-31, p. 53.
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-10.393
- ECLI:FR:CCASS:2023:C300396
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 08 juin 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, du 04 octobre 2021Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 juin 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 396 FS-B
Pourvoi n° B 22-10.393
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023
La société Sovel promotion, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-10.393 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2021 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre - section 1), dans le litige l'opposant à la Société française des travaux et d'aménagement Guyane (SFTAG), société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Sovel promotion, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Société française de travaux d'aménagement Guyane, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 octobre 2021), suivant marché à forfait du 23 décembre 2011, la société Sovel promotion a confié à la Société française des travaux et d'aménagement Guyane (la SFTAG) l'exécution de travaux de construction d'un immeuble à usage d'habitation.
2. Le maître de l'ouvrage a notifié à l'entreprise un décompte général définitif lui réclamant un solde de 671 471,54 euros, que l'entreprise a contesté en invoquant un solde en sa faveur de 781 813,96 euros.
3. La SFTAG a assigné la société Sovel promotion en paiement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La société Sovel promotion fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SFTAG la somme de 298 573,15 euros au titre de la retenue de 5 % sur le marché à forfait ainsi que la somme de 781 573,15 euros, alors « que dans le cadre d'un marché de construction à forfait, les réclamations portant sur des travaux supplémentaires sont soumises à acceptation écrite ou approbation expresse et non équivoque du maître de l'ouvrage, seules les réclamations autres que celles portant sur des travaux supplémentaires pouvant faire l'objet d'une acceptation tacite par celui-ci lorsqu'elles ne sont pas contestées ; que la cour d'appel a constaté que les travaux dont la société SFTAG sollicitait le paiement consistaient en des "changements apportés au projet, en moins ou en plus dans le volume, la technique, le choix des matériaux ou des prestations", ainsi qu'en "un nombre considérable d'adaptations, de corrections du projet" (ibid.), ce dont il résultait que la société SFTAG justifiait le différentiel de prix entre le forfait initial et le coût final des travaux par la réalisation de travaux supplémentaires, soumis, comme tels, à acceptation expresse du maître de l'ouvrage, laquelle ne pouvait dès lors, résulter de son silence ; qu'en jugeant néanmoins que la société Sovel, par son silence durant 30 jours, "était réputé avoir accepté le solde du prix des travaux fixé par [la société SFTAG]", la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait qu'une acceptation par écrit ou une approbation expresse et non équivoque des travaux supplémentaires était nécessaire, a violé l'article 1793 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1793 du code civil :
5. En application de ce texte, lorsqu'un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un ouvrage, il ne peut réclamer le paiement de travaux supplémentaires que si ces travaux ont été préalablement autorisés par écrit et leur prix préalablement convenu avec le maître de l'ouvrage ou si celui-ci les a acceptés de manière expresse et non équivoque, une fois réalisés.
6. La procédure contractuelle de clôture des comptes mise en place par les parties ne peut prévaloir sur la qualification donnée au contrat.
7. Il en résulte que, dans un marché à forfait, le silence gardé par le maître de l'ouvrage à réception du mémoire définitif de l'entreprise ou le non-respect par celui-ci de la procédure de clôture des comptes ne vaut pas acceptation expresse et non équivoque des travaux supplémentaires dont celle-ci réclame le paiement.
8. Pour condamner la société Sovel promotion à payer à la SFTAG les sommes qu'elle réclamait, l'arrêt retient que les parties se sont soumises, conformément au marché, à la procédure d'établissement du décompte définitif telle que définie par la norme NF P 03-001 et qu'à défaut de toute réponse du maître de l'ouvrage dans le délai de trente jours dont il disposait pour accepter ou refuser les observations de l'entreprise, celui-ci est réputé avoir accepté le solde du prix des travaux chiffré par cette dernière.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les parties étaient convenues d'un prix forfaitaire et que l'entrepreneur réclamait, au-delà de ce prix, le paiement de travaux supplémentaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que qu'il condamne la société Sovel promotion à payer à la Société française des travaux d'aménagement Guyane la somme de 298 573,15 euros au titre de la retenue de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2018 capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et la somme de 781 573,15 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2014 et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt rendu le 4 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la Société française des travaux et d'aménagement Guyane aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société française des travaux et d'aménagement Guyane et la condamne à payer à la société Sovel promotion la somme de 3 000 euros ;
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 juin 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 396 FS-B
Pourvoi n° B 22-10.393
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023
La société Sovel promotion, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-10.393 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2021 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre - section 1), dans le litige l'opposant à la Société française des travaux et d'aménagement Guyane (SFTAG), société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Sovel promotion, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Société française de travaux d'aménagement Guyane, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 octobre 2021), suivant marché à forfait du 23 décembre 2011, la société Sovel promotion a confié à la Société française des travaux et d'aménagement Guyane (la SFTAG) l'exécution de travaux de construction d'un immeuble à usage d'habitation.
2. Le maître de l'ouvrage a notifié à l'entreprise un décompte général définitif lui réclamant un solde de 671 471,54 euros, que l'entreprise a contesté en invoquant un solde en sa faveur de 781 813,96 euros.
3. La SFTAG a assigné la société Sovel promotion en paiement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La société Sovel promotion fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SFTAG la somme de 298 573,15 euros au titre de la retenue de 5 % sur le marché à forfait ainsi que la somme de 781 573,15 euros, alors « que dans le cadre d'un marché de construction à forfait, les réclamations portant sur des travaux supplémentaires sont soumises à acceptation écrite ou approbation expresse et non équivoque du maître de l'ouvrage, seules les réclamations autres que celles portant sur des travaux supplémentaires pouvant faire l'objet d'une acceptation tacite par celui-ci lorsqu'elles ne sont pas contestées ; que la cour d'appel a constaté que les travaux dont la société SFTAG sollicitait le paiement consistaient en des "changements apportés au projet, en moins ou en plus dans le volume, la technique, le choix des matériaux ou des prestations", ainsi qu'en "un nombre considérable d'adaptations, de corrections du projet" (ibid.), ce dont il résultait que la société SFTAG justifiait le différentiel de prix entre le forfait initial et le coût final des travaux par la réalisation de travaux supplémentaires, soumis, comme tels, à acceptation expresse du maître de l'ouvrage, laquelle ne pouvait dès lors, résulter de son silence ; qu'en jugeant néanmoins que la société Sovel, par son silence durant 30 jours, "était réputé avoir accepté le solde du prix des travaux fixé par [la société SFTAG]", la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait qu'une acceptation par écrit ou une approbation expresse et non équivoque des travaux supplémentaires était nécessaire, a violé l'article 1793 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1793 du code civil :
5. En application de ce texte, lorsqu'un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un ouvrage, il ne peut réclamer le paiement de travaux supplémentaires que si ces travaux ont été préalablement autorisés par écrit et leur prix préalablement convenu avec le maître de l'ouvrage ou si celui-ci les a acceptés de manière expresse et non équivoque, une fois réalisés.
6. La procédure contractuelle de clôture des comptes mise en place par les parties ne peut prévaloir sur la qualification donnée au contrat.
7. Il en résulte que, dans un marché à forfait, le silence gardé par le maître de l'ouvrage à réception du mémoire définitif de l'entreprise ou le non-respect par celui-ci de la procédure de clôture des comptes ne vaut pas acceptation expresse et non équivoque des travaux supplémentaires dont celle-ci réclame le paiement.
8. Pour condamner la société Sovel promotion à payer à la SFTAG les sommes qu'elle réclamait, l'arrêt retient que les parties se sont soumises, conformément au marché, à la procédure d'établissement du décompte définitif telle que définie par la norme NF P 03-001 et qu'à défaut de toute réponse du maître de l'ouvrage dans le délai de trente jours dont il disposait pour accepter ou refuser les observations de l'entreprise, celui-ci est réputé avoir accepté le solde du prix des travaux chiffré par cette dernière.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les parties étaient convenues d'un prix forfaitaire et que l'entrepreneur réclamait, au-delà de ce prix, le paiement de travaux supplémentaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que qu'il condamne la société Sovel promotion à payer à la Société française des travaux d'aménagement Guyane la somme de 298 573,15 euros au titre de la retenue de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2018 capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et la somme de 781 573,15 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2014 et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt rendu le 4 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la Société française des travaux et d'aménagement Guyane aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société française des travaux et d'aménagement Guyane et la condamne à payer à la société Sovel promotion la somme de 3 000 euros ;
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