mercredi 7 juin 2023

Limites de la réparation des erreurs ou omissions matérielles affectant un jugement

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 mai 2023




Rejet


Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 502 F-D

Pourvoi n° U 21-20.916




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023

La société Plumcocq sport et beauté, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-20.916 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2021 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à la société SCI Euro Invest, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Plumcocq sport et beauté, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société SCI Euro Invest, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 7 juin 2021), titulaire d'un bail commercial consenti par la société SCI Euro Invest, la société Plumcocq sport et beauté a saisi un juge des loyers commerciaux à fin d'obtenir la fixation du loyer du bail renouvelé au prix initial.

2. Par jugement du 9 novembre 2017, le juge a maintenu au prix initial le loyer du bail renouvelé.

3. Sur l'appel de la société Plumcocq sport et beauté, la cour d'appel a infirmé le jugement et condamné la société SCI Euro Invest au remboursement d'une somme correspondant à l'excédent des loyers perçus.

4. Invoquant une erreur matérielle affectant le calcul de la somme correspondant à l'excédent des loyers, la société Plumcocq sport et beauté a saisi la cour d'appel d'une requête en rectification d'erreur matérielle.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société Plumcocq sport et beauté fait grief à l'arrêt de la débouter de sa requête en rectification d'erreur matérielle, alors :

« 1°/ que les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ; qu'en refusant de rectifier l'erreur qui entache l'arrêt du 5 novembre 2020, ayant pour origine une mention erronée contenue dans les conclusions d'appel de la société Plumcocq à son propre détriment, quand cette circonstance, qui ne constitue pas l'omission d'un acte de procédure incombant à cette partie, ne faisait pas obstacle à la demande de rectification d'erreur matérielle formulée par elle, la cour d'appel a violé l'article 462 du code de procédure civile ;

2°/ que les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ; que l'interdiction faite au juge de méconnaître l'objet du litige et de statuer ultra petita, ne fait pas obstacle à la faculté pour lui de rectifier une erreur matérielle ayant pour origine une mention erronée dans les conclusions d'appel d'un créancier par minoration de la somme qu'il a réclamée ; qu'en refusant néanmoins de rectifier l'erreur qui entache l'arrêt du 5 novembre 2020, après avoir constaté que le calcul qui avait été présenté par la société Plumcocq comporte une erreur s'agissant du calcul du loyer du bail renouvelé sur la période du 1er octobre 2017 au 31 mai 2019, la société preneuse ayant calculé le loyer du bail renouvelé sur la base de 29 mois au lieu de 20 mois, diminuant d'autant, à son détriment, le trop versé », au motif inopérant que la cour d'appel ne peut statuer au-delà de la demande de la requérante, cette dernière, qui a refusé de rectifier l'erreur matérielle dont elle constatait pourtant l'existence en fait, a violé les articles 4 et 462 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. L'article 462 du code de procédure civile autorise la réparation des erreurs ou omissions matérielles affectant un jugement, mais ne permet pas aux parties de revenir sur une omission qui leur est imputable (Soc., 19 février 2014, pourvoi n° 12-21.993).

7. Il résulte de ce texte que si les erreurs et omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l'a rendue, celle-ci ne peut ni modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision ni procéder à une nouvelle appréciation des éléments de la cause (2e Civ., 2 décembre 2021, pourvoi n° 20-16.840).

8. Ayant relevé, pour rejeter la requête en rectification matérielle, que même si la somme demandée par la société portait sur un calcul de loyer renouvelé sur la base de vingt-neuf au lieu de vingt mois, diminuant d'autant, à son détriment, le trop-versé de loyer, la juridiction ne pouvait statuer au-delà de la demande de la requérante, et que la rectification demandée ne constituait pas une erreur matérielle sauf à modifier les droits et obligations des parties, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu à rectification d'erreur matérielle.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Plumcocq sport et beauté aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Plumcocq sport et beauté et la condamne à payer à la société SCI Euro Invest la somme de 3 000 euros ;

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