Note S. Bertolaso, RCA 2023-6, p. 27.
Conseil d'État - 7ème - 2ème chambres réunies
- N° 463881
- ECLI:FR:CECHR:2023:463881.20230412
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du mercredi 12 avril 2023
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société SMA a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner plusieurs intervenants à l'opération de construction du collège Georges Sand situé à La Motte Servolex à lui verser la somme de 791 226 euros augmentée des intérêts et de leur capitalisation au titre des réclamations n°s 23, 24 et 28. Par un jugement n° 1600428 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a, notamment, condamné M. F... E..., la société Patriarche et Co et la société Les fils d'J... D... à lui verser la somme de 785 824,91 euros hors taxes au titre des désordres identifiés sous les numéros 23 et 28, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 4,518 % et des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2016.
Par un arrêt n° 20LY00111 du 10 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel formé par la société Les fils d'J... D..., réformé ce jugement, notamment en ramenant le montant de la somme que le tribunal administratif de Grenoble a condamné M. E..., la société Patriarche et Co et la société Les fils d'J... D... à verser à la société SMA à la somme de 395 613 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2016 et de leur capitalisation.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 mai et 10 août 2022 et 14 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SMA demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il limite l'indemnité qui lui a été allouée à la somme de 395 613 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, de porter au montant de 451 294,49 euros hors taxes, majorée d'un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 4,518 % ainsi que des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2016 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 21 janvier 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, la somme que M. E..., la société Patriarche et Co et la société Les fils d'J... D... ont été condamnés à lui verser ;
3°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société SMA, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Les fils d'J... D... et à la société Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. E... et de la société Patriarche et Co ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de divers désordres apparus après la réception des travaux de construction du collège George-Sand à La Motte-Servolex, le département de la Savoie, maître d'ouvrage, et son assureur au titre de la police " dommages ouvrage ", la société SMA, ont conclu une transaction le 4 mai 2015 aux termes de laquelle le département a accepté de se désister de son action engagée contre cette société et, réciproquement, cette dernière a accepté de l'indemniser notamment de la somme de 791 226 euros au titre des désordres identifiés sous les numéros 23, 24 et 28 affectant l'étanchéité de la toiture. Une quittance subrogative a été signée le 17 juillet 2015 par le département au profit de son assureur.
2. A la demande de la société SMA, ainsi subrogée dans les droits du département, le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du 18 novembre 2019, notamment condamné M. E... et la société Patriarche et Co, maître d'œuvre, et la société Les fils d'J... D..., entrepreneur, à lui verser la somme de 785 824,91 euros hors taxes au titre des désordres identifiés sous les numéros 23 et 28, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts au taux légal, et condamné la société Les fils d'J... D... à garantir M. E... et la société Patriarche et Co à hauteur de 90 % des condamnations mises à leur charge. Sur l'appel formé par la société Les fils d'J... D..., la cour administrative d'appel de Lyon a, par un arrêt du 10 mars 2022, ramené le montant de la condamnation à la somme de 395 613 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation. La société SMA se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il limite l'indemnité qui lui a été allouée à cette dernière somme.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 1346-4 du code civil : " La subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu'il a payé, la créance et ses accessoires, à l'exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ".
4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que la subrogation a lieu dans la mesure de ce qui a été payé et dans la limite de la créance détenue par l'assuré contre le responsable.
5. Saisi d'un recours subrogatoire exercé par l'assureur subrogé dans les droits de son assuré contre le tiers débiteur, il revient au juge, si les conditions d'engagement de la responsabilité du tiers débiteur sont remplies, de déterminer le droit à réparation de l'assuré, avant de déterminer les droits de l'assureur subrogé, qui ne peuvent excéder le montant de l'indemnité d'assurance qu'il a versée à son assuré. Si le juge retient un partage de responsabilité en raison d'une faute commise par l'assuré, ce partage doit être appliqué à l'assiette constituée par l'évaluation du préjudice subi par l'assuré et non au montant de l'indemnité versée par l'assureur à son assuré.
6. En appliquant le partage de responsabilité qu'elle retenait, en raison d'une faute commise par le département de la Savoie, au montant de l'indemnité d'assurance versée par la société SMA au département au titre de la transaction mentionnée au point 1, alors qu'il lui appartenait, en application des principes mentionnés aux points 4 et 5, d'appliquer ce partage au montant de l'évaluation du préjudice subi par le département, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que les articles 1er et 3 de l'arrêt attaqué doivent être annulés en tant qu'ils limitent l'indemnité allouée à la société SMA à la somme de 395 613 euros.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Les fils d'J... D... et G... et A..., ainsi que de M. E... la somme de 1 000 euros à verser chacun à la société SMA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société SMA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 10 mars 2022 sont annulés en tant qu'ils limitent l'indemnité allouée à la société SMA à la somme de 395 613 euros.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La société Les fils d'J... D..., la société Patriarche et Co et M. E... verseront chacun une somme de 1 000 euros à la société SMA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par les sociétés Les fils d'J... D... et G... et A... ainsi que par M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société SMA, à la société Les fils d'J... D..., à la société Patriarche et Co et à M. F... E....
Copie en sera adressée à la société Construction Métalliques Industries, à Me Meynet, liquidateur judiciaire de la société Isomir, à la société Keops ingénierie, à la société Mignola carrelage, représentée par la SCP BTSG et la SELARL Etude Bouvet et Guyonnet, mandataires judiciaires, à la société Socotec, à la société Spie Batignolles Sud-Est, à la société Toit et Charpente Domenget et à la société Fontaines Carrelages, représentée par Me Roumezi, liquidateur judiciaire.
ECLI:FR:CECHR:2023:463881.20230412
La société SMA a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner plusieurs intervenants à l'opération de construction du collège Georges Sand situé à La Motte Servolex à lui verser la somme de 791 226 euros augmentée des intérêts et de leur capitalisation au titre des réclamations n°s 23, 24 et 28. Par un jugement n° 1600428 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a, notamment, condamné M. F... E..., la société Patriarche et Co et la société Les fils d'J... D... à lui verser la somme de 785 824,91 euros hors taxes au titre des désordres identifiés sous les numéros 23 et 28, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 4,518 % et des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2016.
Par un arrêt n° 20LY00111 du 10 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel formé par la société Les fils d'J... D..., réformé ce jugement, notamment en ramenant le montant de la somme que le tribunal administratif de Grenoble a condamné M. E..., la société Patriarche et Co et la société Les fils d'J... D... à verser à la société SMA à la somme de 395 613 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2016 et de leur capitalisation.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 mai et 10 août 2022 et 14 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SMA demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il limite l'indemnité qui lui a été allouée à la somme de 395 613 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, de porter au montant de 451 294,49 euros hors taxes, majorée d'un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 4,518 % ainsi que des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2016 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 21 janvier 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, la somme que M. E..., la société Patriarche et Co et la société Les fils d'J... D... ont été condamnés à lui verser ;
3°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société SMA, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Les fils d'J... D... et à la société Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. E... et de la société Patriarche et Co ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de divers désordres apparus après la réception des travaux de construction du collège George-Sand à La Motte-Servolex, le département de la Savoie, maître d'ouvrage, et son assureur au titre de la police " dommages ouvrage ", la société SMA, ont conclu une transaction le 4 mai 2015 aux termes de laquelle le département a accepté de se désister de son action engagée contre cette société et, réciproquement, cette dernière a accepté de l'indemniser notamment de la somme de 791 226 euros au titre des désordres identifiés sous les numéros 23, 24 et 28 affectant l'étanchéité de la toiture. Une quittance subrogative a été signée le 17 juillet 2015 par le département au profit de son assureur.
2. A la demande de la société SMA, ainsi subrogée dans les droits du département, le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du 18 novembre 2019, notamment condamné M. E... et la société Patriarche et Co, maître d'œuvre, et la société Les fils d'J... D..., entrepreneur, à lui verser la somme de 785 824,91 euros hors taxes au titre des désordres identifiés sous les numéros 23 et 28, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts au taux légal, et condamné la société Les fils d'J... D... à garantir M. E... et la société Patriarche et Co à hauteur de 90 % des condamnations mises à leur charge. Sur l'appel formé par la société Les fils d'J... D..., la cour administrative d'appel de Lyon a, par un arrêt du 10 mars 2022, ramené le montant de la condamnation à la somme de 395 613 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation. La société SMA se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il limite l'indemnité qui lui a été allouée à cette dernière somme.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 1346-4 du code civil : " La subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu'il a payé, la créance et ses accessoires, à l'exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ".
4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que la subrogation a lieu dans la mesure de ce qui a été payé et dans la limite de la créance détenue par l'assuré contre le responsable.
5. Saisi d'un recours subrogatoire exercé par l'assureur subrogé dans les droits de son assuré contre le tiers débiteur, il revient au juge, si les conditions d'engagement de la responsabilité du tiers débiteur sont remplies, de déterminer le droit à réparation de l'assuré, avant de déterminer les droits de l'assureur subrogé, qui ne peuvent excéder le montant de l'indemnité d'assurance qu'il a versée à son assuré. Si le juge retient un partage de responsabilité en raison d'une faute commise par l'assuré, ce partage doit être appliqué à l'assiette constituée par l'évaluation du préjudice subi par l'assuré et non au montant de l'indemnité versée par l'assureur à son assuré.
6. En appliquant le partage de responsabilité qu'elle retenait, en raison d'une faute commise par le département de la Savoie, au montant de l'indemnité d'assurance versée par la société SMA au département au titre de la transaction mentionnée au point 1, alors qu'il lui appartenait, en application des principes mentionnés aux points 4 et 5, d'appliquer ce partage au montant de l'évaluation du préjudice subi par le département, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que les articles 1er et 3 de l'arrêt attaqué doivent être annulés en tant qu'ils limitent l'indemnité allouée à la société SMA à la somme de 395 613 euros.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Les fils d'J... D... et G... et A..., ainsi que de M. E... la somme de 1 000 euros à verser chacun à la société SMA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société SMA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 10 mars 2022 sont annulés en tant qu'ils limitent l'indemnité allouée à la société SMA à la somme de 395 613 euros.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La société Les fils d'J... D..., la société Patriarche et Co et M. E... verseront chacun une somme de 1 000 euros à la société SMA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par les sociétés Les fils d'J... D... et G... et A... ainsi que par M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société SMA, à la société Les fils d'J... D..., à la société Patriarche et Co et à M. F... E....
Copie en sera adressée à la société Construction Métalliques Industries, à Me Meynet, liquidateur judiciaire de la société Isomir, à la société Keops ingénierie, à la société Mignola carrelage, représentée par la SCP BTSG et la SELARL Etude Bouvet et Guyonnet, mandataires judiciaires, à la société Socotec, à la société Spie Batignolles Sud-Est, à la société Toit et Charpente Domenget et à la société Fontaines Carrelages, représentée par Me Roumezi, liquidateur judiciaire.
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