mercredi 10 octobre 2018

Absence de mandat écrit de l'agent immobilier

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 26 septembre 2018
N° de pourvoi: 16-25.184
Publié au bulletin Cassation partielle

Mme Batut (président), président
Me Haas, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte authentique des 31 mars et 4 avril 2008, M. B... (le promettant) a consenti, par l'intermédiaire de la société Consultants immobilier (l'agent immobilier), une promesse unilatérale de vente au bénéfice de Mme X..., portant sur un immeuble situé à Paris, moyennant le prix de 4 100 000 euros ; qu'une indemnité d'immobilisation de 410 000 euros correspondant à 10 % du prix était prévue au cas où la vente, dont la réitération était fixée au 30 juin 2008, n'aurait pas lieu ; que, sur ce montant, la somme de 205 000 euros a été versée par l'agent immobilier au notaire, pour le compte de Mme X... ; que, par acte sous seing privé du 18 juin 2008, celle-ci s'est substitué M. Z... dans ses droits dans la promesse unilatérale de vente ; que l'option n'ayant pas été levée, le notaire a versé la somme de 205 000 euros au promettant à titre d'indemnité d'immobilisation ; que l'agent immobilier a assigné Mme X... et M. Z... en remboursement de cette somme ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que l'agent immobilier fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement, alors, selon le moyen, que les règles édictées par l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et son décret d'application, qui font notamment interdiction à un agent immobilier de recevoir, détenir et remettre une somme d'argent sans mandat exprès, n'ont vocation à s'appliquer qu'aux conventions portant sur la vente d'un bien ou l'une des opérations visées à l'article 1er de la loi et ne s'appliquent pas à un contrat de prêt, quand bien même ce dernier serait consenti par l'agent immobilier, lequel contrat emporte nécessairement l'obligation par l'emprunteur de restituer la somme prêtée ; qu'en l'espèce, en relevant, pour dire que l'agent immobilier ne disposait pas de créance sur Mme X... et sur M. Z..., que la remise des fonds au notaire, à défaut de mandat exprès de Mme X..., était illicite, après avoir pourtant relevé que les fonds en cause avaient été prêtés à Mme X... par l'agent immobilier, ce dont il se déduisait nécessairement que Mme X... était tenue de les lui restituer, peu important que leur remise au notaire ait été illicite au regard de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et de son décret d'application dès lors que ces dispositions ne s'appliquaient pas au contrat de prêt, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé, par fausse application, les articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 76 du décret du 20 janvier 1972 et, par refus d'application, les articles 1875 et 1902 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'agent immobilier avait disposé des fonds prêtés à Mme X... en les remettant au notaire pour le paiement d'une partie de l'indemnité d'immobilisation convenue dans la promesse unilatérale de vente, et que, titulaire d'un mandat non exclusif de vente émanant du promettant, il ne disposait d'aucun mandat écrit de celle-ci l'autorisant à procéder de la sorte, la cour d'appel en a exactement déduit que cette remise de fonds était illicite ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la seconde branche du moyen :

Vu l'article 1902 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande en paiement, l'arrêt retient que, la remise des fonds par l'agent immobilier étant illicite, celui-ci ne dispose d'aucune créance ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le caractère illicite, mais non immoral, de ce versement ne privait pas l'agent immobilier de son droit à restitution de la seule somme par lui remise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de la somme de 205 300 euros formée par la société Consultants immobilier contre Mme X... et M. Z..., l'arrêt rendu le 14 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne Mme X... et M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

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