Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 18-26.785
- ECLI:FR:CCASS:2020:C300947
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 17 décembre 2020
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 23 novembre 2018Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 décembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 947 F-D
Pourvoi n° M 18-26.785
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 DÉCEMBRE 2020
La société [...], société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 18-26.785 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société Aia ingénierie, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
5°/ à la société Cabinet d'études structures métalliques d'Aquitaine (CESMA), société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
6°/ à M. O... U..., domicilié [...] , Ingénieur profession libérale,
7°/ à la société Batscop, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
En présence de :
- la société Foncière Paris Nord, société anonyme, dont le siège est [...] ,
La société [...] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les sociétés Lacaton et Vassal, Puech et Savoy, Aia ingénierie et Cabinet d'études structures métalliques (CESMA) ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La société [...], demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La société [...], demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les sociétés Lacaton et Vassal, Puech et Savoy, Aia ingénierie et CESMA, demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société [...], de la SCP Boulloche, avocat des sociétés Lacaton et Vassal, Puech et Savoy, Aia ingénierie, CESMA de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société [...], après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société [...] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société [...].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 2018), la société Foncière Paris Nord (la société FPN), est détentrice des parts de la société [...], elle-même copropriétaire de bâtiments.
3. La société [...] est une filiale de la société luxembourgeoise Orco Property Group (la société OPG).
4. La société FPN a mandaté la société Lacaton et Vassal, maîtres d'oeuvre, aux fins de procéder à une étude de faisabilité de la réhabilitation du site, puis les sociétés FPN et OPG lui ont confié une étude d'aménagement pour la restructuration des bâtiments.
5. La société Lacaton et Vassal a remis une étude et une esquisse pour la rénovation et l'extension d'un bâtiment.
6. Sur la base de ces études, la société [...], dénommé le promoteur, a confié une mission complète de maîtrise d'oeuvre à un groupement dont la société Lacaton et Vassal était le mandataire (le Groupement), afin de procéder à la transformation et à la rénovation des bâtiments.
7. La société [...], maître de l'ouvrage, a conclu avec la société [...] un contrat de promotion immobilière, assorti de conditions suspensives, dont celle de l'obtention d'un permis de construire.
8. La société [...] a résilié le contrat de promotion immobilière le 2 mai 2014, ce que la société [...] a accepté le 19 mai 2014 sans en informer le Groupement.
9. Le Groupement a mis en demeure le promoteur de régler les factures impayées, puis a prononcé la résiliation du contrat de maîtrise d'oeuvre le 20 octobre 2014 aux torts de la société [...].
10. Le Groupement a assigné le promoteur, le maître de l'ouvrage et la société FPN en condamnation solidaire à lui payer diverses sommes.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal de la société [...], le premier moyen du pourvoi incident de la société [...] et le moyen unique du pourvoi incident du Groupement, ci-après annexés
11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
12. La société [...] fait grief à l'arrêt de la condamner, solidairement avec la société [...], à payer diverses sommes au Groupement, de dire que
la société [...] garantira la société [...] des sommes qu'elle serait amenée à payer elle-même, directement, tant au titre des sommes restant dues à titre principal au Groupement, qu'à celui de l'indemnité de résiliation, alors :
« 1°/ que le promoteur immobilier, qui s'oblige envers le maître d'un ouvrage à faire procéder, pour un prix convenu, à la réalisation d'un programme de
construction d'un ou de plusieurs édifices, et a le pouvoir d'accomplir, à concurrence de ce prix convenu, au nom du maître de l'ouvrage, tous les actes qu'exige la réalisation du programme, est seul tenu de régler les sommes dues au titre des marchés de louage d'ouvrage qu'il est chargé de conclure à cette fin ; que le fait que le promoteur agisse en qualité de mandataire du maître de l'ouvrage ne revient nullement à imposer à ce dernier d'exécuter les obligations financières qui pèsent sur le promoteur, en tant que pivot effectif de l'opération, et pour lesquelles il est rémunéré ; qu'en l'espèce, pour condamner la société [...], solidairement avec la société [...], à régler les sommes dues au groupement de maîtrise d'oeuvre, et la condamner à garantir intégralement la société [...] à ce titre, la cour d'appel s'est fondée sur l'obligation du maître de l'ouvrage d'exécuter les engagements contractés en son nom par le promoteur immobilier, méconnaissant ainsi les règles applicables au contrat de promotion immobilière, en violation des articles 1831-1 et 1831-2 du code civil, et des articles L. 221-1 et L. 221-2 du code de la construction et de l'habitation ;
2°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 6.1 du contrat de maîtrise d'oeuvre stipulait que « pour la mission qui lui est confiée, le maître d'oeuvre est rémunéré, exclusivement par le promoteur immobilier (
) », et qu'en vertu de l'article 4.1 du contrat de promotion immobilière la société [...] s'était engagée à « signer les marchés, et régler les sommes dues aux entrepreneurs, aux fournisseurs, aux maîtres d'oeuvre et aux bureaux d'étude ou de contrôle, et d'une façon générale aux différents intervenants et à leurs sous-traitants, sous sa propre responsabilité, sans que le maître de l'ouvrage puisse en rien être recherché à ce titre, ce à quoi le Promoteur s'oblige expressément, et devra, en tant que de besoin, obliger les intervenants » ; que les parties étaient ainsi convenues que la société [...] ne pouvait, en aucun cas, même en cas de défaut de paiement du prix convenu au promoteur, être tenue, à quelque titre que ce soit, du paiement des sommes dues au groupement de maîtrise d'oeuvre, ni à l'égard du groupement lui-même, ni à l'égard de la société [...], qui s'est engagée à en assumer l'entière responsabilité ; qu'en condamnant néanmoins la société [...], solidairement avec la société [...], à régler les sommes dues au groupement de maîtrise d'oeuvre, et à garantir intégralement la société [...] à ce titre, la cour d'appel, qui a méconnu la loi des parties, a donc violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ qu'en présence de clauses incompatibles ou contradictoires, le juge est tenu de rechercher la commune intention des parties, pour déterminer, le cas échéant, celle qui doit prévaloir ; qu'en l'espèce, à supposer que les clauses des articles 4.1 du contrat de promotion immobilière et 6.1 du contrat de maîtrise d'oeuvre, selon lesquelles, d'une part, la société [...] s'était engagée à « signer les marchés, et régler les sommes dues aux entrepreneurs, aux fournisseurs, aux maîtres d'oeuvre et aux bureaux d'étude ou de contrôle, et d'une façon générale aux différents intervenants et à leurs sous-traitants, sous sa propre responsabilité, sans que le maître de l'ouvrage puisse en rien être recherché à ce titre, ce à quoi le Promoteur s'oblige expressément, et devra, en tant que de besoin, obliger les intervenants », et « pour la mission qui lui est confiée, le maître d'oeuvre est rémunéré, exclusivement par le promoteur immobilier (
) », et stipulant d'autre part, « le maître d'ouvrage est tenu d'exécuter les engagements contractés en son nom par le promoteur en vertu des pouvoirs qu'il tient des présentes », fussent incompatibles ou contradictoires, il appartenait alors à la cour d'appel de rechercher la commune intention des parties ; qu'en se bornant à faire prévaloir la seconde sur les premières, sans procéder à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°/ subsidiairement, que le prix convenu dans le contrat de promotion immobilière, qui doit permettre au promoteur de gérer l'opération de construction envisagée dans ses aspects matériels, juridiques, administratifs et financiers, comprend le prix de la réalisation des constructions et de l'ensemble des actes nécessaires à la réalisation du programme, et, notamment, les honoraires des maîtres d'oeuvre liés à l'exécution de l'opération ; que le maître de l'ouvrage ne peut donc pas, en sus de ce prix dû au promoteur, être tenu de régler directement les honoraires des maîtres d'oeuvre, dès lors qu'ils sont inclus dans le prix convenu ; qu'en l'espèce, la société [...] a rappelé que la première échéance de prix de 528 000 euros TTC, due à la signature du contrat, devait, notamment, permettre de rémunérer les prestations du groupement relatives à la préparation des études et du dossier de demande de permis de construire, c'est-à-dire les phases d'APS (avant-projet sommaire) et de DPC (dépôt de permis de construire) ; qu'elle ne pouvait donc, à la fois, être condamnée à payer cette somme de 528 000 euros TTC à la société [...], et en sus, être condamnée, solidairement avec la société [...], à payer les sommes dues au groupement au titre de ces phases d'APS (avant projet sommaire) et de DPC (dépôt de permis de construire), et à garantir intégralement la société [...] à ce titre ; qu'en condamnant néanmoins la société [...] à ce double paiement, la cour d'appel a donc violé les articles 1831-1 et 1831-2 du code civil, et les articles L. 221-1 et L. 221-2 du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la Cour
13. La société [...], n'ayant pas invoqué dans ses conclusions un risque de double paiement, le moyen, pris en sa quatrième branche, est nouveau, mélangé de fait et droit et, partant, irrecevable.
14. La cour d'appel a relevé que l'article 1831-2 du code civil dispose que « le contrat de promotion immobilière emporte pouvoir pour le promoteur de conclure les contrats, recevoir les travaux, liquider les marchés et généralement celui d'accomplir, à concurrence du prix global convenu, au nom du maître de l'ouvrage, tous les actes qu'exige la réalisation du programme. Toutefois, le promoteur n'engage le maître de l'ouvrage, par les emprunts qu'il contracte ou par les actes de disposition qu'il passe, qu'en vertu d'un mandat spécial contenu dans le contrat ou dans un acte postérieur. Le maître de l'ouvrage est tenu d'exécuter les engagements contractés en son nom par le promoteur en vertu des pouvoirs que celui-ci tient de la loi ou de la convention ».
15. Elle a retenu que l'article 4.1 du contrat de promotion immobilière stipulait que « le maître d'ouvrage est tenu d'exécuter les engagements contractés en son nom par le promoteur en vertu des pouvoirs qu'il tient des présentes ».
16. La cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue de rechercher la commune intention des parties, que, sauf à violer les dispositions légales de l'article 1831-2 du code civil et reprises dans la disposition contractuelle précitée, la société [...] était tenue des engagements contractuels du promoteur envers la maîtrise d'oeuvre.
17. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal
18. La société [...] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au Groupement de maîtrise d'oeuvre, une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision
cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui serait prononcée sur les deux premiers moyens et/ou sur le troisième moyen, en ce que la cour d'appel a condamné la société [...] à verser certaines sommes au groupement de maîtrise d'oeuvre, entraînera la cassation, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, du chef de dispositif qui a condamné la société [...] à payer au groupement de maîtrise d'oeuvre une indemnité de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
2°/ en toute hypothèse, que la défense à une action en justice ne peut
dégénérer en abus lorsque sa légitimité est reconnue, même partiellement, par le juge ; qu'en l'espèce, les moyens de défense opposés par la société [...] ont été partiellement accueillis par le tribunal et par la cour d'appel, qui ont rejeté les demandes du groupement de maîtrise d'oeuvre en paiement des honoraires afférant à la phase Apd-Pro ; qu'en condamnant néanmoins la société [...] au paiement d'une indemnité de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ en toute hypothèse, que le défendeur à une action en justice ne peut être condamné à réparer le préjudice qui résulte, pour le demandeur, de son comportement procédural, que s'il a commis une faute susceptible de faire dégénérer en abus son droit de se défendre en justice ; que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'un abus du droit d'agir ou de se défendre en justice ; qu'en l'espèce, pour condamner la société [...] au paiement d'une indemnité de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, la cour d'appel s'est fondée sur les nombreuses objections de la société [...], qui ne pouvait ignorer qu'elles étaient infondées ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'abus du droit de la société [...] de se défendre en justice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°/ en toute hypothèse, que le défendeur à une action en justice ne peut être condamné à réparer le préjudice qui résulte, pour le demandeur, de son comportement procédural, que s'il a commis une faute susceptible de faire dégénérer en abus son droit de se défendre en justice ; que la durée de la procédure, ou le retard apporté à son issue, ne suffit pas, à lui seul, sans intention dilatoire, à caractériser une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir ou de se défendre en justice ; qu'en l'espèce, pour condamner la société [...] au paiement d'une indemnité de 20 000 euros à titre de
dommages-intérêts pour résistance abusive, la cour d'appel s'est bornée à relever le non respect du calendrier de procédure fixé lors de l'audience du tribunal de commerce de Paris du 22 juin 2016, sans constater l'intention dilatoire de la société [...] ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'abus du droit de la société [...] de se défendre en justice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
5°/ en toute hypothèse, que le défendeur à une action en justice ne peut être condamné à réparer le préjudice qui résulte, pour le demandeur, de son comportement procédural, que s'il a commis une faute susceptible de faire dégénérer en abus son droit de se défendre en justice ; qu'à supposer que le retard apporté à une procédure suffise à caractériser l'abus du droit d'agir ou se défendre en justice, encore faut-il que ce retard soit significatif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le tribunal avait fixé une date de plaidoiries au 28 septembre 2016, finalement reportée, à la demande de la société [...], au 12 octobre 2016, de sorte que la demande de report de la société [...] n'avait allongé la procédure que de 14 jours ; qu'en considérant néanmoins qu'en faisant subir à la procédure un retard de quatorze jours dans un calendrier procédural d'une durée de presque 4 ans, la société [...] avait commis une faute faisant dégénérer en abus son droit de se défendre en justice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
19. D'une part, la cassation n'étant pas prononcée sur les trois premiers moyens, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.
20. D'autre part, la cour d'appel a retenu que la société [...] n'avait pas respecté le calendrier de procédure fixé lors de l'audience du 22 juin 2016, ce qui constituait une faute justifiant l'allocation de dommages-intérêts générés par les retards ayant affecté la résolution du litige et que le jugement devait être confirmé en ce qu'il avait condamné la société [...] au paiement d'une indemnité de 20 000 euros à ce titre.
21. Il ne résulte pas de cette motivation que la cour d'appel ait alloué une somme à titre de dommages-intérêts pour abus du droit de la société [...] de se défendre en justice.
22. Le moyen manque donc en fait.
Sur le cinquième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
23. La société [...] fait grief à l'arrêt de dire que le jugement a rejeté la demande en paiement de 528 000 euros formée par la société [...] et de la condamner à verser à la société [...] les sommes de 528 000 euros et 1 584 000 euros, alors :
« 1°/ que le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que le jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 novembre 2016, rectifié par le jugement du 20 avril 2017, a ordonné, à la demande de la société [...], le sursis à statuer sur la cession de créance de la société [...] et renvoyé l'affaire à l'audience collégiale du 31 mai 2017 à 14 h ; que la société [...] a fait valoir qu'ayant décidé de surseoir à statuer sur la cession de créance intervenue entre la société [...] et la société [...] , le tribunal ne pouvait condamner néanmoins la société [...] à verser à la société [...] la somme de 528 000 euros TTC, qui faisait l'objet de la cession de créance litigieuse ; qu'en énonçant cependant, pour condamner la société [...] à payer la somme faisant l'objet de la cession de créance litigieuse que le tribunal avait rejeté la demande de sursis à statuer, pourtant été clairement ordonnée, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
2°/ que le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que le jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 novembre 2016, rectifié par le jugement du 20 avril 2017, a condamné la société [...] à verser à la société [...] la somme de 528 000 euros au titre du permis de construire ; que la société [...] a fait valoir qu'ayant décidé de surseoir à statuer sur la cession de créance intervenue entre la société [...] et la société [...] , le tribunal ne pouvait néanmoins condamner la société [...] à verser à la société [...] la somme de 528 000 euros TTC, qui faisait l'objet de la cession de créance litigieuse ; qu'en énonçant que le tribunal avait débouté la société [...] de sa demande en paiement de la somme de 528 000 euros, qui avait pourtant été accueillie, la cour d'appel a, derechef, violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
3°/ que les obligations contractées sous conditions suspensives, qui dépendent d'un événement futur et incertain, n'existent pas, et ne peuvent donc pas être exécutées, avant la survenance de cet événement ; que la société [...] avait fait valoir que l'article 3 du contrat de promotion immobilière prévoyait, à défaut de réalisation des conditions suspensives, une résiliation sans indemnité de part et d'autre, sous la seule réserve du paiement des prestations réalisées par la société [...], ce qui excluait le paiement des échéances selon les modalités prévues par l'article 10 du contrat, dont la deuxième échéance de 1 584 000 euros TTC, qui ne correspondait pas à la seule rémunération des prestations réalisées par le promoteur ; que la cour d'appel a constaté que les conditions suspensives du contrat de promotion immobilière n'avaient pas été réalisées à la date de la résiliation du 2 mai 2014 de sorte l'obligation au paiement de le deuxième échéance de 1 584 000 euros TTC, qui était subordonnée à leur réalisation, n'existait pas ; qu'en condamnant néanmoins la société [...] à verser à la société [...] la somme correspondant à cette deuxième échéance
rendue inexistante par l'absence de réalisation des conditions suspensives, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations violant ainsi les articles 1134 du code civil, 1168 et 1181 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°/ subsidiairement, que le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, l'article 10 du contrat de promotion immobilière stipulait que « Le prix sera versé par le maître de l'ouvrage au promoteur suivant les modalités suivantes : 2,5 % du prix, soit 440.000 euros HT (cinq cent vingt-huit mille euros TTC), à la signature des présentes ; 7,5 % du prix, soit 1.320.000 euros HT (un million cinq cent quatre-vingt-quatre mille euros TTC), à l'obtention du permis de construire ; 30 % du prix, soit 5 280 000 euros (six millions trois cent trente-six mille euros TTC), au démarrage du chantier ; (
) » ; qu'il résultait clairement de cette clause que la seconde échéance du prix, fixée à 7,5 % du prix soit 1 584 000 euros TTC, n'était exigible qu'à l'obtention du permis de construire, intervenue le 23 septembre 2014, de sorte qu'elle ne l'était pas à la date de la résiliation du contrat intervenue le 2 mai 2014, quelle que soit la date du dépôt du permis ; qu'en retenant néanmoins, pour condamner la société [...] au paiement de la deuxième échéance du prix de 1 584 000 euros TTC, que le dépôt du permis de construire était antérieur à la date de résiliation du contrat de promotion immobilière, lorsque cette somme n'était exigible qu'à obtention dudit permis, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat, violant ainsi l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
5°/ que l'article 10 du contrat de promotion immobilière stipulait que « Le prix sera versé par le maître de l'ouvrage au promoteur suivant les modalités suivantes : 2,5 % du prix, soit 440.000 euros HT (cinq cent vingt-huit mille euros TTC), à la signature des présentes ; 7,5 % du prix, soit 1.320.000 euros HT (un million cinq cent quatre-vingt-quatre mille euros TTC), à l'obtention du permis de construire ; 30 % du prix, soit 5 280 000 euros (six millions trois cent trente-six mille euros TTC), au démarrage du chantier ; (
) » ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la société [...] au versement de la deuxième échéance de 1 584 000 euros TTC, que le permis de construire avait été déposé et obtenu, et que la société [...] était redevable de ces prestations réalisées, sans rechercher, comme le faisait valoir la société [...], si ces différentes échéances devaient permettre de financer les phases et prestations suivantes, et non de rémunérer les prestations antérieures réalisées, de sorte que le versement de la deuxième échéance de 1 584 000 euros TTC, due à l'obtention du permis de construire, devait financer les travaux à accomplir jusqu'au démarrage du chantier, correspondant à la troisième échéance de prix, et n'avait donc pas pour objet de rémunérer l'obtention du permis de construire, qui, financée par la première échéance 528 000 euros TTC, ne faisait que conditionner l'exigibilité du financement de la phase à venir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
24. La cour d'appel a relevé, procédant à la recherche prétendument omise, que l'article 10 du contrat de promotion immobilière stipulait que le prix dû par le maître de l'ouvrage au promoteur était de 2,5 % du prix (528 000 euros) à la signature du contrat et de 7,5 % (1 584 000 euros) à l'obtention du permis de construire.
25. Elle a constaté que le contrat de promotion immobilière avait été conclu le 17 février 2014, que la demande de permis de construire avait été déposée le 31 mars 2014 et que le permis de construire avait été obtenu le 23 septembre 2014, postérieurement à la résiliation du contrat de promotion intervenue le 2 mai 2014.
26. Elle a pu en déduire, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, que la société [...] était redevable envers la société [...] des deux prestations entièrement réalisées, soit les sommes de 528 000 euros et de 1 584 000 euros.
27. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le deuxième moyen du pourvoi incident de la société [...]
Enoncé du moyen
28. La société [...] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de condamnation de la société [...] en paiement de la somme de 2 520 000 euros au titre de l'indemnité de résiliation de 10 % prévue par l'article 22 du contrat de promotion immobilière ou la somme de 1 260 000 euros au titre de l'indemnité de résiliation de 5 % prévue par l'article 22 du contrat de promotion immobilière si la cour devait juger que les « conditions suspensives » pertinentes n'étaient pas remplies, alors :
« 1°/ que, tenu de respecter lui-même le principe du contradictoire, le juge ne peut soulever d'office un moyen de droit sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu 'en soulevant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que la résiliation du contrat de promotion immobilière a fait l'objet d'un accord entre les deux parties, la société [...] reconnaissant qu'elle n'était plus en mesure de continuer sa mission et qu'il n'y avait dès lors pas lieu de faire application des dispositions de l'article 22 du contrat susvisé, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
2°/ que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu 'en réponse à la lettre datée du 2 mai 2014 par laquelle la société [...] notifiait à la société [...] sa volonté de résilier en application de l'article 22 intitulé « Résiliation en cas de manquement grave » le contrat de promotion immobilière avec effet immédiat, la société [...] adressait le 19 mai 2014 à la société [...] une lettre rédigée en ces termes : « J'accuse bonne réception de votre courrier en date du 2 mai 2014 selon lequel vous nous notifiez la résiliation du contrat de promotion immobilière liant [...] à votre société [...]. Il est exact que A..., et plus généralement, sa maison mère, Orco Property Group, ont connu ou vont connaître prochainement un remaniement substantiel de leurs équipes dirigeantes. Ce remaniement aura notamment pour conséquence un arrêt de nos activités en France. De ce fait, et bien que nous le regrettions, nous ne pouvons que prendre acte de votre décision. Aussi, il est de mon devoir de vous rappeler que notre société a dument procédé au dépôt du permis de construire en vue de la réalisation de l'opération de réhabilitation de l'immeuble « Le Bonaparte ». Ce dépôt de PC avait fait l'objet d'une facturation d'une société tierce à savoir B... R... pour un montant de 440.000 euros, montant dont vous seriez toujours redevable envers cette société, selon nos informations. Aussi, et à toutes fins utiles, du fait de la résiliation de ce contrat, K... sera désormais seul dépositaire et futur unique bénéficiaire du permis de construire déposé le 3 mars 2014 en la municipalité du Blanc-Mesnil et actuellement en cours d'instruction » ; qu 'en déduisant des termes de cette correspondance que la résiliation du contrat de promotion immobilière avait fait l'objet d'un accord entre les deux parties exclusif de toute mise en oeuvre de l'article 22 de la convention relative à la résiliation de la convention, la cour d'appel a dénaturé la lettre adressée le 19 mai 2014 par la société [...] à la société [...] et a violé le principe susvisé.
3°/ que dans ses conclusions d'appel la société [...] faisait valoir que contrairement à ce qu'avait jugé le tribunal de commerce de Paris, les conditions suspensives prévues à l'article 3 du contrat de promotion immobilière ne concernaient que la phase de réalisation du projet et non la phase de conception puisque cette phase faisait partie intégrante de l'objet même de la convention qui était de lancer les études devant permettre d'aboutir à la délivrance du permis de construire ; qu 'il était précisé que l'accomplissement de la phase de conception tenait à « l'obtention du permis de construire purgé de tous recours » cette circonstance s'étant trouvée vérifiée, que la phase de conception devait déjà donner lieu au règlement par la société [...] d'échéances correspondant aux premières fractions du prix et que la société [...], en décidant de résilier le contrat le 2 mai 2014 avait par là-même reconnu son existence ; qu'il était ajouté que la phase de conception n'était ainsi soumise à aucune condition suspensive de sorte qu'en procédant à cette résiliation postérieurement au dépôt de la demande de permis de construire en date du 31 mars 2014, la société [...] était tenue au paiement de l'indemnité de résiliation prévue par l'article 22 du contrat de promotion immobilière ; qu 'en ne répondant pas à ce moyen la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
4°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu 'il était stipulé aux termes de l'article 22 du contrat de promotion immobilière : « Résiliation préalablement à l'ordre de démarrage des travaux. Dans le cas où les conditions suspensives ne seraient pas réalisées dans le délai susvisé, éventuellement prorogé d'un commun accord entre les parties, le présent contrat pourra être résilié et le maître d'ouvrage devra rembourser au promoteur en sus du montant de la totalité des dépenses engagées par le promoteur dans le cadre du présent contrat (honoraires de maîtrise d'oeuvre et autres prestataires
), majorés de la TVA au taux en vigueur dans un délai de trente jours à compter de la demande qui en serait faite par le promoteur accompagnée des justificatifs, d'une indemnité égale à 5 % du montant total du prix TTC du présent contrat ; que les parties étaient ainsi convenues que dans l'hypothèse où les conditions suspensives ne seraient pas réalisées, la société [...], en cas de résiliation du contrat, demeurait tenue d'une indemnité de résiliation égale à 5 % du montant total du prix TTC ; qu 'en énonçant, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, que « la résiliation est intervenue en mai 2014 soit cinq mois avant l'obtention du permis de construire, avant donc la réalisation des conditions suspensives de sorte que l'indemnité de résiliation ne s'applique pas », la cour d'appel a méconnu la loi des parties et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
29. La cour d'appel a relevé que, dans sa lettre du 2 mai 2014, emportant résiliation du contrat de promotion immobilière, la société [...] avait exposé qu'elle considérait que la société [...] n'était plus à même de remplir ses obligations de promoteur, n'ayant plus les ressources humaines, juridiques et techniques pour honorer ce contrat, et que, dans une lettre du 19 mai 2014, la société [...] reconnaissait qu'elle allait subir un remaniement substantiel de ses équipes dirigeantes, avec, pour conséquence, un arrêt de ses activités en France, et prenait donc acte de la décision de résiliation tout en rappelant que la somme de 440 000 euros lui restait due.
30. Elle a retenu, sans violer le principe de la contradiction et par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'imprécision des termes de la lettre du 19 mai 2014 rendait nécessaire, qu'il résultait de ces lettres que la résiliation avait fait l'objet d'un accord entre les deux parties, la société [...] reconnaissant qu'elle n'était plus en mesure de continuer sa mission.
31. Elle a pu en déduire, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, qu'il n'y avait pas lieu de faire application des dispositions de l'article 22 du contrat de promotion immobilière et que la demande en paiement d'une indemnité de résiliation formée par la société [...] devait être rejetée.
32. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen du pourvoi incident de la société [...]
33. La société [...] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 201 000 euros formée à l'encontre de la société [...], alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'il était stipulé aux termes de l'article 22 du contrat de promotion immobilière : « Résiliation préalablement à l'ordre de démarrage des travaux. Dans le cas où les conditions suspensives ne seraient pas réalisées dans le délai susvisé, éventuellement prorogé d'un commun accord entre les parties, le présent contrat pourra être résilié et le maître d'ouvrage devra rembourser au promoteur en sus du montant de la totalité des dépenses engagées par le promoteur dans le cadre du présent contrat (honoraires de maîtrise d'oeuvre et autres prestataires
), majorés de la TVA au taux en vigueur dans un délai de trente jours à compter de la demande qui en serait faite par le promoteur accompagnée des justificatifs, d'une indemnité égale à 5 % du montant total du prix du présent contrat ; que les parties étaient ainsi convenues que dans l'hypothèse où les conditions suspensives ne seraient pas réalisées, la société [...], en cas de résiliation du contrat, était tenue de rembourser le promoteur de la totalité des dépenses engagées par le promoteur dans le cadre du contrat de promotion immobilière, dont les honoraires de maîtrise d'oeuvre ; qu 'il s'évince des constatations de l'arrêt que la société [...] ne justifiait d'aucune faute imputable à la société [...] ; qu 'en déboutant néanmoins la société [...] de sa demande aux fins de voir condamner la société [...] à lui rembourser les sommes acquittées au titre des factures adressées par le groupement [...] le 16 janvier 2014 et le 10 février 2014, soit la somme globale de 201.000 euros, la cour d'appel a méconnu la loi des parties et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
34. La cour d'appel a retenu que la société [...] réclamait la condamnation du Groupement à lui verser la somme de 201 000 euros à titre de restitution, à la suite de la caducité du contrat de maîtrise d'oeuvre, des sommes acquittées au titre des factures du 16 janvier 2014 et du 10 février 2014 qu'elle avait réglées au Groupement, mais que, le contrat de maîtrise d'oeuvre ayant été résilié en octobre 2014 aux torts de la société [...], le jugement devait être confirmé en ce qu'il avait rejeté cette demande.
35. Elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
CIV. 3
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 décembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 947 F-D
Pourvoi n° M 18-26.785
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 DÉCEMBRE 2020
La société [...], société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 18-26.785 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société Aia ingénierie, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
5°/ à la société Cabinet d'études structures métalliques d'Aquitaine (CESMA), société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
6°/ à M. O... U..., domicilié [...] , Ingénieur profession libérale,
7°/ à la société Batscop, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
En présence de :
- la société Foncière Paris Nord, société anonyme, dont le siège est [...] ,
La société [...] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les sociétés Lacaton et Vassal, Puech et Savoy, Aia ingénierie et Cabinet d'études structures métalliques (CESMA) ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La société [...], demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La société [...], demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les sociétés Lacaton et Vassal, Puech et Savoy, Aia ingénierie et CESMA, demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société [...], de la SCP Boulloche, avocat des sociétés Lacaton et Vassal, Puech et Savoy, Aia ingénierie, CESMA de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société [...], après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société [...] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société [...].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 2018), la société Foncière Paris Nord (la société FPN), est détentrice des parts de la société [...], elle-même copropriétaire de bâtiments.
3. La société [...] est une filiale de la société luxembourgeoise Orco Property Group (la société OPG).
4. La société FPN a mandaté la société Lacaton et Vassal, maîtres d'oeuvre, aux fins de procéder à une étude de faisabilité de la réhabilitation du site, puis les sociétés FPN et OPG lui ont confié une étude d'aménagement pour la restructuration des bâtiments.
5. La société Lacaton et Vassal a remis une étude et une esquisse pour la rénovation et l'extension d'un bâtiment.
6. Sur la base de ces études, la société [...], dénommé le promoteur, a confié une mission complète de maîtrise d'oeuvre à un groupement dont la société Lacaton et Vassal était le mandataire (le Groupement), afin de procéder à la transformation et à la rénovation des bâtiments.
7. La société [...], maître de l'ouvrage, a conclu avec la société [...] un contrat de promotion immobilière, assorti de conditions suspensives, dont celle de l'obtention d'un permis de construire.
8. La société [...] a résilié le contrat de promotion immobilière le 2 mai 2014, ce que la société [...] a accepté le 19 mai 2014 sans en informer le Groupement.
9. Le Groupement a mis en demeure le promoteur de régler les factures impayées, puis a prononcé la résiliation du contrat de maîtrise d'oeuvre le 20 octobre 2014 aux torts de la société [...].
10. Le Groupement a assigné le promoteur, le maître de l'ouvrage et la société FPN en condamnation solidaire à lui payer diverses sommes.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal de la société [...], le premier moyen du pourvoi incident de la société [...] et le moyen unique du pourvoi incident du Groupement, ci-après annexés
11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
12. La société [...] fait grief à l'arrêt de la condamner, solidairement avec la société [...], à payer diverses sommes au Groupement, de dire que
la société [...] garantira la société [...] des sommes qu'elle serait amenée à payer elle-même, directement, tant au titre des sommes restant dues à titre principal au Groupement, qu'à celui de l'indemnité de résiliation, alors :
« 1°/ que le promoteur immobilier, qui s'oblige envers le maître d'un ouvrage à faire procéder, pour un prix convenu, à la réalisation d'un programme de
construction d'un ou de plusieurs édifices, et a le pouvoir d'accomplir, à concurrence de ce prix convenu, au nom du maître de l'ouvrage, tous les actes qu'exige la réalisation du programme, est seul tenu de régler les sommes dues au titre des marchés de louage d'ouvrage qu'il est chargé de conclure à cette fin ; que le fait que le promoteur agisse en qualité de mandataire du maître de l'ouvrage ne revient nullement à imposer à ce dernier d'exécuter les obligations financières qui pèsent sur le promoteur, en tant que pivot effectif de l'opération, et pour lesquelles il est rémunéré ; qu'en l'espèce, pour condamner la société [...], solidairement avec la société [...], à régler les sommes dues au groupement de maîtrise d'oeuvre, et la condamner à garantir intégralement la société [...] à ce titre, la cour d'appel s'est fondée sur l'obligation du maître de l'ouvrage d'exécuter les engagements contractés en son nom par le promoteur immobilier, méconnaissant ainsi les règles applicables au contrat de promotion immobilière, en violation des articles 1831-1 et 1831-2 du code civil, et des articles L. 221-1 et L. 221-2 du code de la construction et de l'habitation ;
2°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 6.1 du contrat de maîtrise d'oeuvre stipulait que « pour la mission qui lui est confiée, le maître d'oeuvre est rémunéré, exclusivement par le promoteur immobilier (
) », et qu'en vertu de l'article 4.1 du contrat de promotion immobilière la société [...] s'était engagée à « signer les marchés, et régler les sommes dues aux entrepreneurs, aux fournisseurs, aux maîtres d'oeuvre et aux bureaux d'étude ou de contrôle, et d'une façon générale aux différents intervenants et à leurs sous-traitants, sous sa propre responsabilité, sans que le maître de l'ouvrage puisse en rien être recherché à ce titre, ce à quoi le Promoteur s'oblige expressément, et devra, en tant que de besoin, obliger les intervenants » ; que les parties étaient ainsi convenues que la société [...] ne pouvait, en aucun cas, même en cas de défaut de paiement du prix convenu au promoteur, être tenue, à quelque titre que ce soit, du paiement des sommes dues au groupement de maîtrise d'oeuvre, ni à l'égard du groupement lui-même, ni à l'égard de la société [...], qui s'est engagée à en assumer l'entière responsabilité ; qu'en condamnant néanmoins la société [...], solidairement avec la société [...], à régler les sommes dues au groupement de maîtrise d'oeuvre, et à garantir intégralement la société [...] à ce titre, la cour d'appel, qui a méconnu la loi des parties, a donc violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ qu'en présence de clauses incompatibles ou contradictoires, le juge est tenu de rechercher la commune intention des parties, pour déterminer, le cas échéant, celle qui doit prévaloir ; qu'en l'espèce, à supposer que les clauses des articles 4.1 du contrat de promotion immobilière et 6.1 du contrat de maîtrise d'oeuvre, selon lesquelles, d'une part, la société [...] s'était engagée à « signer les marchés, et régler les sommes dues aux entrepreneurs, aux fournisseurs, aux maîtres d'oeuvre et aux bureaux d'étude ou de contrôle, et d'une façon générale aux différents intervenants et à leurs sous-traitants, sous sa propre responsabilité, sans que le maître de l'ouvrage puisse en rien être recherché à ce titre, ce à quoi le Promoteur s'oblige expressément, et devra, en tant que de besoin, obliger les intervenants », et « pour la mission qui lui est confiée, le maître d'oeuvre est rémunéré, exclusivement par le promoteur immobilier (
) », et stipulant d'autre part, « le maître d'ouvrage est tenu d'exécuter les engagements contractés en son nom par le promoteur en vertu des pouvoirs qu'il tient des présentes », fussent incompatibles ou contradictoires, il appartenait alors à la cour d'appel de rechercher la commune intention des parties ; qu'en se bornant à faire prévaloir la seconde sur les premières, sans procéder à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°/ subsidiairement, que le prix convenu dans le contrat de promotion immobilière, qui doit permettre au promoteur de gérer l'opération de construction envisagée dans ses aspects matériels, juridiques, administratifs et financiers, comprend le prix de la réalisation des constructions et de l'ensemble des actes nécessaires à la réalisation du programme, et, notamment, les honoraires des maîtres d'oeuvre liés à l'exécution de l'opération ; que le maître de l'ouvrage ne peut donc pas, en sus de ce prix dû au promoteur, être tenu de régler directement les honoraires des maîtres d'oeuvre, dès lors qu'ils sont inclus dans le prix convenu ; qu'en l'espèce, la société [...] a rappelé que la première échéance de prix de 528 000 euros TTC, due à la signature du contrat, devait, notamment, permettre de rémunérer les prestations du groupement relatives à la préparation des études et du dossier de demande de permis de construire, c'est-à-dire les phases d'APS (avant-projet sommaire) et de DPC (dépôt de permis de construire) ; qu'elle ne pouvait donc, à la fois, être condamnée à payer cette somme de 528 000 euros TTC à la société [...], et en sus, être condamnée, solidairement avec la société [...], à payer les sommes dues au groupement au titre de ces phases d'APS (avant projet sommaire) et de DPC (dépôt de permis de construire), et à garantir intégralement la société [...] à ce titre ; qu'en condamnant néanmoins la société [...] à ce double paiement, la cour d'appel a donc violé les articles 1831-1 et 1831-2 du code civil, et les articles L. 221-1 et L. 221-2 du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la Cour
13. La société [...], n'ayant pas invoqué dans ses conclusions un risque de double paiement, le moyen, pris en sa quatrième branche, est nouveau, mélangé de fait et droit et, partant, irrecevable.
14. La cour d'appel a relevé que l'article 1831-2 du code civil dispose que « le contrat de promotion immobilière emporte pouvoir pour le promoteur de conclure les contrats, recevoir les travaux, liquider les marchés et généralement celui d'accomplir, à concurrence du prix global convenu, au nom du maître de l'ouvrage, tous les actes qu'exige la réalisation du programme. Toutefois, le promoteur n'engage le maître de l'ouvrage, par les emprunts qu'il contracte ou par les actes de disposition qu'il passe, qu'en vertu d'un mandat spécial contenu dans le contrat ou dans un acte postérieur. Le maître de l'ouvrage est tenu d'exécuter les engagements contractés en son nom par le promoteur en vertu des pouvoirs que celui-ci tient de la loi ou de la convention ».
15. Elle a retenu que l'article 4.1 du contrat de promotion immobilière stipulait que « le maître d'ouvrage est tenu d'exécuter les engagements contractés en son nom par le promoteur en vertu des pouvoirs qu'il tient des présentes ».
16. La cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue de rechercher la commune intention des parties, que, sauf à violer les dispositions légales de l'article 1831-2 du code civil et reprises dans la disposition contractuelle précitée, la société [...] était tenue des engagements contractuels du promoteur envers la maîtrise d'oeuvre.
17. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal
18. La société [...] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au Groupement de maîtrise d'oeuvre, une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision
cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui serait prononcée sur les deux premiers moyens et/ou sur le troisième moyen, en ce que la cour d'appel a condamné la société [...] à verser certaines sommes au groupement de maîtrise d'oeuvre, entraînera la cassation, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, du chef de dispositif qui a condamné la société [...] à payer au groupement de maîtrise d'oeuvre une indemnité de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
2°/ en toute hypothèse, que la défense à une action en justice ne peut
dégénérer en abus lorsque sa légitimité est reconnue, même partiellement, par le juge ; qu'en l'espèce, les moyens de défense opposés par la société [...] ont été partiellement accueillis par le tribunal et par la cour d'appel, qui ont rejeté les demandes du groupement de maîtrise d'oeuvre en paiement des honoraires afférant à la phase Apd-Pro ; qu'en condamnant néanmoins la société [...] au paiement d'une indemnité de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ en toute hypothèse, que le défendeur à une action en justice ne peut être condamné à réparer le préjudice qui résulte, pour le demandeur, de son comportement procédural, que s'il a commis une faute susceptible de faire dégénérer en abus son droit de se défendre en justice ; que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'un abus du droit d'agir ou de se défendre en justice ; qu'en l'espèce, pour condamner la société [...] au paiement d'une indemnité de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, la cour d'appel s'est fondée sur les nombreuses objections de la société [...], qui ne pouvait ignorer qu'elles étaient infondées ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'abus du droit de la société [...] de se défendre en justice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°/ en toute hypothèse, que le défendeur à une action en justice ne peut être condamné à réparer le préjudice qui résulte, pour le demandeur, de son comportement procédural, que s'il a commis une faute susceptible de faire dégénérer en abus son droit de se défendre en justice ; que la durée de la procédure, ou le retard apporté à son issue, ne suffit pas, à lui seul, sans intention dilatoire, à caractériser une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir ou de se défendre en justice ; qu'en l'espèce, pour condamner la société [...] au paiement d'une indemnité de 20 000 euros à titre de
dommages-intérêts pour résistance abusive, la cour d'appel s'est bornée à relever le non respect du calendrier de procédure fixé lors de l'audience du tribunal de commerce de Paris du 22 juin 2016, sans constater l'intention dilatoire de la société [...] ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'abus du droit de la société [...] de se défendre en justice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
5°/ en toute hypothèse, que le défendeur à une action en justice ne peut être condamné à réparer le préjudice qui résulte, pour le demandeur, de son comportement procédural, que s'il a commis une faute susceptible de faire dégénérer en abus son droit de se défendre en justice ; qu'à supposer que le retard apporté à une procédure suffise à caractériser l'abus du droit d'agir ou se défendre en justice, encore faut-il que ce retard soit significatif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le tribunal avait fixé une date de plaidoiries au 28 septembre 2016, finalement reportée, à la demande de la société [...], au 12 octobre 2016, de sorte que la demande de report de la société [...] n'avait allongé la procédure que de 14 jours ; qu'en considérant néanmoins qu'en faisant subir à la procédure un retard de quatorze jours dans un calendrier procédural d'une durée de presque 4 ans, la société [...] avait commis une faute faisant dégénérer en abus son droit de se défendre en justice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
19. D'une part, la cassation n'étant pas prononcée sur les trois premiers moyens, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.
20. D'autre part, la cour d'appel a retenu que la société [...] n'avait pas respecté le calendrier de procédure fixé lors de l'audience du 22 juin 2016, ce qui constituait une faute justifiant l'allocation de dommages-intérêts générés par les retards ayant affecté la résolution du litige et que le jugement devait être confirmé en ce qu'il avait condamné la société [...] au paiement d'une indemnité de 20 000 euros à ce titre.
21. Il ne résulte pas de cette motivation que la cour d'appel ait alloué une somme à titre de dommages-intérêts pour abus du droit de la société [...] de se défendre en justice.
22. Le moyen manque donc en fait.
Sur le cinquième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
23. La société [...] fait grief à l'arrêt de dire que le jugement a rejeté la demande en paiement de 528 000 euros formée par la société [...] et de la condamner à verser à la société [...] les sommes de 528 000 euros et 1 584 000 euros, alors :
« 1°/ que le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que le jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 novembre 2016, rectifié par le jugement du 20 avril 2017, a ordonné, à la demande de la société [...], le sursis à statuer sur la cession de créance de la société [...] et renvoyé l'affaire à l'audience collégiale du 31 mai 2017 à 14 h ; que la société [...] a fait valoir qu'ayant décidé de surseoir à statuer sur la cession de créance intervenue entre la société [...] et la société [...] , le tribunal ne pouvait condamner néanmoins la société [...] à verser à la société [...] la somme de 528 000 euros TTC, qui faisait l'objet de la cession de créance litigieuse ; qu'en énonçant cependant, pour condamner la société [...] à payer la somme faisant l'objet de la cession de créance litigieuse que le tribunal avait rejeté la demande de sursis à statuer, pourtant été clairement ordonnée, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
2°/ que le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que le jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 novembre 2016, rectifié par le jugement du 20 avril 2017, a condamné la société [...] à verser à la société [...] la somme de 528 000 euros au titre du permis de construire ; que la société [...] a fait valoir qu'ayant décidé de surseoir à statuer sur la cession de créance intervenue entre la société [...] et la société [...] , le tribunal ne pouvait néanmoins condamner la société [...] à verser à la société [...] la somme de 528 000 euros TTC, qui faisait l'objet de la cession de créance litigieuse ; qu'en énonçant que le tribunal avait débouté la société [...] de sa demande en paiement de la somme de 528 000 euros, qui avait pourtant été accueillie, la cour d'appel a, derechef, violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
3°/ que les obligations contractées sous conditions suspensives, qui dépendent d'un événement futur et incertain, n'existent pas, et ne peuvent donc pas être exécutées, avant la survenance de cet événement ; que la société [...] avait fait valoir que l'article 3 du contrat de promotion immobilière prévoyait, à défaut de réalisation des conditions suspensives, une résiliation sans indemnité de part et d'autre, sous la seule réserve du paiement des prestations réalisées par la société [...], ce qui excluait le paiement des échéances selon les modalités prévues par l'article 10 du contrat, dont la deuxième échéance de 1 584 000 euros TTC, qui ne correspondait pas à la seule rémunération des prestations réalisées par le promoteur ; que la cour d'appel a constaté que les conditions suspensives du contrat de promotion immobilière n'avaient pas été réalisées à la date de la résiliation du 2 mai 2014 de sorte l'obligation au paiement de le deuxième échéance de 1 584 000 euros TTC, qui était subordonnée à leur réalisation, n'existait pas ; qu'en condamnant néanmoins la société [...] à verser à la société [...] la somme correspondant à cette deuxième échéance
rendue inexistante par l'absence de réalisation des conditions suspensives, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations violant ainsi les articles 1134 du code civil, 1168 et 1181 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°/ subsidiairement, que le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, l'article 10 du contrat de promotion immobilière stipulait que « Le prix sera versé par le maître de l'ouvrage au promoteur suivant les modalités suivantes : 2,5 % du prix, soit 440.000 euros HT (cinq cent vingt-huit mille euros TTC), à la signature des présentes ; 7,5 % du prix, soit 1.320.000 euros HT (un million cinq cent quatre-vingt-quatre mille euros TTC), à l'obtention du permis de construire ; 30 % du prix, soit 5 280 000 euros (six millions trois cent trente-six mille euros TTC), au démarrage du chantier ; (
) » ; qu'il résultait clairement de cette clause que la seconde échéance du prix, fixée à 7,5 % du prix soit 1 584 000 euros TTC, n'était exigible qu'à l'obtention du permis de construire, intervenue le 23 septembre 2014, de sorte qu'elle ne l'était pas à la date de la résiliation du contrat intervenue le 2 mai 2014, quelle que soit la date du dépôt du permis ; qu'en retenant néanmoins, pour condamner la société [...] au paiement de la deuxième échéance du prix de 1 584 000 euros TTC, que le dépôt du permis de construire était antérieur à la date de résiliation du contrat de promotion immobilière, lorsque cette somme n'était exigible qu'à obtention dudit permis, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat, violant ainsi l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
5°/ que l'article 10 du contrat de promotion immobilière stipulait que « Le prix sera versé par le maître de l'ouvrage au promoteur suivant les modalités suivantes : 2,5 % du prix, soit 440.000 euros HT (cinq cent vingt-huit mille euros TTC), à la signature des présentes ; 7,5 % du prix, soit 1.320.000 euros HT (un million cinq cent quatre-vingt-quatre mille euros TTC), à l'obtention du permis de construire ; 30 % du prix, soit 5 280 000 euros (six millions trois cent trente-six mille euros TTC), au démarrage du chantier ; (
) » ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la société [...] au versement de la deuxième échéance de 1 584 000 euros TTC, que le permis de construire avait été déposé et obtenu, et que la société [...] était redevable de ces prestations réalisées, sans rechercher, comme le faisait valoir la société [...], si ces différentes échéances devaient permettre de financer les phases et prestations suivantes, et non de rémunérer les prestations antérieures réalisées, de sorte que le versement de la deuxième échéance de 1 584 000 euros TTC, due à l'obtention du permis de construire, devait financer les travaux à accomplir jusqu'au démarrage du chantier, correspondant à la troisième échéance de prix, et n'avait donc pas pour objet de rémunérer l'obtention du permis de construire, qui, financée par la première échéance 528 000 euros TTC, ne faisait que conditionner l'exigibilité du financement de la phase à venir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
24. La cour d'appel a relevé, procédant à la recherche prétendument omise, que l'article 10 du contrat de promotion immobilière stipulait que le prix dû par le maître de l'ouvrage au promoteur était de 2,5 % du prix (528 000 euros) à la signature du contrat et de 7,5 % (1 584 000 euros) à l'obtention du permis de construire.
25. Elle a constaté que le contrat de promotion immobilière avait été conclu le 17 février 2014, que la demande de permis de construire avait été déposée le 31 mars 2014 et que le permis de construire avait été obtenu le 23 septembre 2014, postérieurement à la résiliation du contrat de promotion intervenue le 2 mai 2014.
26. Elle a pu en déduire, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, que la société [...] était redevable envers la société [...] des deux prestations entièrement réalisées, soit les sommes de 528 000 euros et de 1 584 000 euros.
27. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le deuxième moyen du pourvoi incident de la société [...]
Enoncé du moyen
28. La société [...] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de condamnation de la société [...] en paiement de la somme de 2 520 000 euros au titre de l'indemnité de résiliation de 10 % prévue par l'article 22 du contrat de promotion immobilière ou la somme de 1 260 000 euros au titre de l'indemnité de résiliation de 5 % prévue par l'article 22 du contrat de promotion immobilière si la cour devait juger que les « conditions suspensives » pertinentes n'étaient pas remplies, alors :
« 1°/ que, tenu de respecter lui-même le principe du contradictoire, le juge ne peut soulever d'office un moyen de droit sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu 'en soulevant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que la résiliation du contrat de promotion immobilière a fait l'objet d'un accord entre les deux parties, la société [...] reconnaissant qu'elle n'était plus en mesure de continuer sa mission et qu'il n'y avait dès lors pas lieu de faire application des dispositions de l'article 22 du contrat susvisé, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
2°/ que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu 'en réponse à la lettre datée du 2 mai 2014 par laquelle la société [...] notifiait à la société [...] sa volonté de résilier en application de l'article 22 intitulé « Résiliation en cas de manquement grave » le contrat de promotion immobilière avec effet immédiat, la société [...] adressait le 19 mai 2014 à la société [...] une lettre rédigée en ces termes : « J'accuse bonne réception de votre courrier en date du 2 mai 2014 selon lequel vous nous notifiez la résiliation du contrat de promotion immobilière liant [...] à votre société [...]. Il est exact que A..., et plus généralement, sa maison mère, Orco Property Group, ont connu ou vont connaître prochainement un remaniement substantiel de leurs équipes dirigeantes. Ce remaniement aura notamment pour conséquence un arrêt de nos activités en France. De ce fait, et bien que nous le regrettions, nous ne pouvons que prendre acte de votre décision. Aussi, il est de mon devoir de vous rappeler que notre société a dument procédé au dépôt du permis de construire en vue de la réalisation de l'opération de réhabilitation de l'immeuble « Le Bonaparte ». Ce dépôt de PC avait fait l'objet d'une facturation d'une société tierce à savoir B... R... pour un montant de 440.000 euros, montant dont vous seriez toujours redevable envers cette société, selon nos informations. Aussi, et à toutes fins utiles, du fait de la résiliation de ce contrat, K... sera désormais seul dépositaire et futur unique bénéficiaire du permis de construire déposé le 3 mars 2014 en la municipalité du Blanc-Mesnil et actuellement en cours d'instruction » ; qu 'en déduisant des termes de cette correspondance que la résiliation du contrat de promotion immobilière avait fait l'objet d'un accord entre les deux parties exclusif de toute mise en oeuvre de l'article 22 de la convention relative à la résiliation de la convention, la cour d'appel a dénaturé la lettre adressée le 19 mai 2014 par la société [...] à la société [...] et a violé le principe susvisé.
3°/ que dans ses conclusions d'appel la société [...] faisait valoir que contrairement à ce qu'avait jugé le tribunal de commerce de Paris, les conditions suspensives prévues à l'article 3 du contrat de promotion immobilière ne concernaient que la phase de réalisation du projet et non la phase de conception puisque cette phase faisait partie intégrante de l'objet même de la convention qui était de lancer les études devant permettre d'aboutir à la délivrance du permis de construire ; qu 'il était précisé que l'accomplissement de la phase de conception tenait à « l'obtention du permis de construire purgé de tous recours » cette circonstance s'étant trouvée vérifiée, que la phase de conception devait déjà donner lieu au règlement par la société [...] d'échéances correspondant aux premières fractions du prix et que la société [...], en décidant de résilier le contrat le 2 mai 2014 avait par là-même reconnu son existence ; qu'il était ajouté que la phase de conception n'était ainsi soumise à aucune condition suspensive de sorte qu'en procédant à cette résiliation postérieurement au dépôt de la demande de permis de construire en date du 31 mars 2014, la société [...] était tenue au paiement de l'indemnité de résiliation prévue par l'article 22 du contrat de promotion immobilière ; qu 'en ne répondant pas à ce moyen la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
4°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu 'il était stipulé aux termes de l'article 22 du contrat de promotion immobilière : « Résiliation préalablement à l'ordre de démarrage des travaux. Dans le cas où les conditions suspensives ne seraient pas réalisées dans le délai susvisé, éventuellement prorogé d'un commun accord entre les parties, le présent contrat pourra être résilié et le maître d'ouvrage devra rembourser au promoteur en sus du montant de la totalité des dépenses engagées par le promoteur dans le cadre du présent contrat (honoraires de maîtrise d'oeuvre et autres prestataires
), majorés de la TVA au taux en vigueur dans un délai de trente jours à compter de la demande qui en serait faite par le promoteur accompagnée des justificatifs, d'une indemnité égale à 5 % du montant total du prix TTC du présent contrat ; que les parties étaient ainsi convenues que dans l'hypothèse où les conditions suspensives ne seraient pas réalisées, la société [...], en cas de résiliation du contrat, demeurait tenue d'une indemnité de résiliation égale à 5 % du montant total du prix TTC ; qu 'en énonçant, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, que « la résiliation est intervenue en mai 2014 soit cinq mois avant l'obtention du permis de construire, avant donc la réalisation des conditions suspensives de sorte que l'indemnité de résiliation ne s'applique pas », la cour d'appel a méconnu la loi des parties et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
29. La cour d'appel a relevé que, dans sa lettre du 2 mai 2014, emportant résiliation du contrat de promotion immobilière, la société [...] avait exposé qu'elle considérait que la société [...] n'était plus à même de remplir ses obligations de promoteur, n'ayant plus les ressources humaines, juridiques et techniques pour honorer ce contrat, et que, dans une lettre du 19 mai 2014, la société [...] reconnaissait qu'elle allait subir un remaniement substantiel de ses équipes dirigeantes, avec, pour conséquence, un arrêt de ses activités en France, et prenait donc acte de la décision de résiliation tout en rappelant que la somme de 440 000 euros lui restait due.
30. Elle a retenu, sans violer le principe de la contradiction et par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'imprécision des termes de la lettre du 19 mai 2014 rendait nécessaire, qu'il résultait de ces lettres que la résiliation avait fait l'objet d'un accord entre les deux parties, la société [...] reconnaissant qu'elle n'était plus en mesure de continuer sa mission.
31. Elle a pu en déduire, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, qu'il n'y avait pas lieu de faire application des dispositions de l'article 22 du contrat de promotion immobilière et que la demande en paiement d'une indemnité de résiliation formée par la société [...] devait être rejetée.
32. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen du pourvoi incident de la société [...]
33. La société [...] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 201 000 euros formée à l'encontre de la société [...], alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'il était stipulé aux termes de l'article 22 du contrat de promotion immobilière : « Résiliation préalablement à l'ordre de démarrage des travaux. Dans le cas où les conditions suspensives ne seraient pas réalisées dans le délai susvisé, éventuellement prorogé d'un commun accord entre les parties, le présent contrat pourra être résilié et le maître d'ouvrage devra rembourser au promoteur en sus du montant de la totalité des dépenses engagées par le promoteur dans le cadre du présent contrat (honoraires de maîtrise d'oeuvre et autres prestataires
), majorés de la TVA au taux en vigueur dans un délai de trente jours à compter de la demande qui en serait faite par le promoteur accompagnée des justificatifs, d'une indemnité égale à 5 % du montant total du prix du présent contrat ; que les parties étaient ainsi convenues que dans l'hypothèse où les conditions suspensives ne seraient pas réalisées, la société [...], en cas de résiliation du contrat, était tenue de rembourser le promoteur de la totalité des dépenses engagées par le promoteur dans le cadre du contrat de promotion immobilière, dont les honoraires de maîtrise d'oeuvre ; qu 'il s'évince des constatations de l'arrêt que la société [...] ne justifiait d'aucune faute imputable à la société [...] ; qu 'en déboutant néanmoins la société [...] de sa demande aux fins de voir condamner la société [...] à lui rembourser les sommes acquittées au titre des factures adressées par le groupement [...] le 16 janvier 2014 et le 10 février 2014, soit la somme globale de 201.000 euros, la cour d'appel a méconnu la loi des parties et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
34. La cour d'appel a retenu que la société [...] réclamait la condamnation du Groupement à lui verser la somme de 201 000 euros à titre de restitution, à la suite de la caducité du contrat de maîtrise d'oeuvre, des sommes acquittées au titre des factures du 16 janvier 2014 et du 10 février 2014 qu'elle avait réglées au Groupement, mais que, le contrat de maîtrise d'oeuvre ayant été résilié en octobre 2014 aux torts de la société [...], le jugement devait être confirmé en ce qu'il avait rejeté cette demande.
35. Elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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