mardi 19 janvier 2021

Le juge ne peut refuser de statuer sur une demande dont il admet le bien-fondé en son principe, au motif de l'insuffisance des preuves fournies par une partie

 Note V. Mazeaud, GP 2021-2, p. 23.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 juillet 2020




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 660 F-P+B+I

Pourvoi n° T 19-16.100

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. et Mme X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 mars 2019.






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020

1°/ M. V... X...,

2°/ Mme D... X...,

tous deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° T 19-16.100 contre le jugement rendu le 31 août 2018 par le tribunal d'instance de Dreux, dans le litige les opposant :

1°/ à la société Gedia Seml Gaz-Electricité, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société OPH Habitat Drouais, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme X..., de Me Balat, avocat de la société OPH Habitat Drouais, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Gedia Seml Gaz-Electricité, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Dreux, 31 août 2018), rendu en dernier ressort, une fuite du ballon d'eau chaude du logement loué par M. et Mme X... à l'OPH Habitat Drouais a eu lieu en mai 2015.

2. Par ordonnance du 22 Mars 2017, la juridiction de proximité de Dreux a enjoint à M. et Mme X... de payer la somme de 1 735 euros à la société Gedia, auprès de laquelle ils avaient conclu un contrat de fourniture d'eau.

3. M. et Mme X... ont formé opposition à cette injonction le 4 avril 2017 et ont fait assigner l'OPH Habitat Drouais afin d'obtenir sa condamnation à les garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme X... font grief au jugement de les débouter de leur demande de condamnation à l'égard de la société Gedia et de préciser que l'ordonnance n° 95/17/260 produirait effet alors « que le jugement qui statue sur l'opposition formée à l'encontre d'une ordonnance d'injonction de payer se substitue à celle-ci ; qu'en jugeant que l'ordonnance d'injonction de payer du 22 mars 2017 qui avait condamné les époux X... à payer la somme de 1 735 euros à la société Gedia, devait produire effet, la cour d'appel a méconnu l'article 1420 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1420 du code de procédure civile :

5. Aux termes de ce texte, le jugement du tribunal se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer.

6. Le jugement, après avoir dit recevable l'opposition formée par M. et Mme X..., et les avoir déboutés de leurs demandes, précise que l'ordonnance n° 95/17/260 en date du 22 mars 2017 produira effet.

7. En statuant ainsi, alors que l'ordonnance portant injonction de payer, qui n'est une décision qu'en l'absence d'opposition, ne pouvait reprendre ses effets, le tribunal a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. et Mme X... font grief au jugement de les débouter de leur demande tendant à obtenir la condamnation de l'OPH Habitat Drouais à les garantir de leur condamnation au titre du surplus de consommation d'eau résultant de la rupture du ballon d'eau chaude qui lui était imputable alors « que le juge doit évaluer, au besoin en recourant à une expertise, le préjudice dont l'existence est acquise ; qu'en retenant, pour écarter la demande des époux X... tendant à obtenir la condamnation de l'OPH Habitat Drouais à prendre en charge la surconsommation d'eau due à la fuite du ballon d'eau chaude dont il avait été jugé responsable en sa qualité de bailleur, que les pièces versées aux débats ne se rapportaient pas à la période à laquelle avait eu lieu le dégât des eaux (jugement page 6, dernier al.) quand l'existence d'une fuite et partant d'une surconsommation était acquise aux débats de sorte qu'il lui appartenait d'évaluer le préjudice subi par les preneurs, le tribunal a violé l'article 4 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code civil :

9. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer sur une demande dont il admet le bien-fondé en son principe, au motif de l'insuffisance des preuves fournies par une partie.

10. Pour rejeter la demande de condamnation de l'OPH Habitat Drouais, le jugement, après avoir retenu que la responsabilité de l'OPH Habitat Drouais doit être retenue au titre du dégât des eaux subi par les époux X... puis, dans un paragraphe sur la réparation du dommage, après avoir examiné les factures d'eau produites, retient qu'aucune des deux factures dont le montant est contesté par les époux X... ne couvre la période à laquelle a eu lieu le dégât des eaux en date du 4 mai 2015 de sorte qu'ils seront déboutés de leur demande de condamnation à l'égard de l'OPH Habitat Drouais, n'établissant pas la preuve de l'existence du préjudice lié au dégât des eaux, au titre d'une éventuelle surconsommation d'eau.

11. En statuant ainsi, en refusant d'évaluer le montant d'un dommage dont elle avait constaté l'existence en son principe, le tribunal a violé le texte susvisé.

Sur la demande de mise hors de cause la société Gedia

12. Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause de la société Gedia.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la seconde branche du second moyen, la Cour :

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Gedia ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit recevable l'opposition formée par M. et Mme X..., le jugement rendu le 31 août 2018, entre les parties, par le tribunal d'instance de Dreux ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire d'Evreux ;

Condamne la société Gedia et l'OPH Habitat Drouais aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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