lundi 4 janvier 2021

La société MDR n'avait pas fourni de cautionnement lors de la signature du sous-traité pour garantir le paiement des sommes dues au sous-traitant

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 décembre 2020




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 946 F-D

Pourvoi n° A 18-16.011





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 DÉCEMBRE 2020


La société Montpelliéraine de rénovation, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 18-16.011 contre l'arrêt rendu le 1er mars 2018 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre A), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Spie Batignolles Sud Est, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Spie Tondella,

2°/ à la société Socotec, société anonyme, dont le siège est [...] ,

3°/ à M. W... Q..., domicilié [...] ,

4°/ à la société Allianz Global Corporate & Specialty, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société AGF IARD,

5°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), société anonyme, dont le siège est [...] ,

6°/ à M. F... P..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SLM maîtrise d'ouvrage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

7°/ à l'AFUL Espace Saint-Charles, association foncière urbaine libre, dont le siège est [...] ,

8°/ à la société Generali, société anonyme, dont le siège est [...] ,

9°/ à la société EURL [...], société à responsabilité limitée à associé unique, dont le siège est [...] ,

10°/ à la société Recalde, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

11°/ à la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon, dont le siège est [...] ,

12°/ à la société [...] , société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

L'association foncière urbaine libre AFUL Espace Saint-Charles et la société Spie Batignolles Sud Est ont chacune formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La société Montpelliéraine de rénovation, demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

L'association foncière urbaine libre AFUL Espace Saint-Charles, demanderesse au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La société Spie Batignolles Sud Est, demanderesse au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Montpelliéraine de rénovation, de la SCP Richard, avocat de l'AFUL Espace Saint-Charles, de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Spie Batignolles Sud Est, de la SCP Boulloche, avocat de l'EURL [...], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Socotec, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Montpelliéraine de rénovation (la société MDR) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le liquidateur de la société SLM maîtrise d'ouvrage, la société Generali et la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon (la Caisse d'épargne).

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 1er mars 2018), la société foncière Saint-Charles, propriétaire d'une ancienne clinique, a entrepris de la transformer en appartements et locaux commerciaux.

3. Elle a confié une mission de maîtrise d'oeuvre à un groupement constitué de M. Q..., assuré auprès de la SMABTP, et de l'EURL [...] (l'EURL), et le contrôle technique à la société Socotec.

4. Les acquéreurs des lots ont constitué l'association foncière urbaine libre Espace Saint-Charles (l'AFUL), qui s'est substituée à la société Foncière Saint-Charles comme maître d'ouvrage pour les contrats et marchés.

5. L'AFUL a confié une mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrage à la société SLM, depuis en liquidation judiciaire, et les travaux de réhabilitation à la société MDR, qui a sous-traité l'intégralité des travaux à la société Spie Tondella, aux droits de laquelle se trouve la société Spie Batignolles Sud Est (la société Spie).

6. La société MDR a souscrit deux contrats de cautionnement auprès de la Caisse d'épargne.

7. Les plans d'exécution béton armé ont été confiés au BET Recalde, ingénieur structure.

8. La société MDR a conclu une convention de vérification technique avec la Socotec.

9. Des difficultés liées au sous dimensionnement des structures étant apparues, la société Spie a, après expertise, assigné la société MDR en annulation du contrat de sous-traitance et paiement de sommes, puis a assigné l'AFUL et la Caisse d'épargne en paiement de sommes.

10. La Caisse d'épargne a appelé en garantie les assureurs des intervenants à l'acte de construire.

11. Un arrêt irrévocable du 14 novembre 2013 a ordonné une nouvelle expertise.

12. L'expert ayant déposé son rapport le 30 septembre 2015, l'affaire est revenue devant la cour d'appel pour qu'il soit statué au vu des conclusions de ce rapport.

Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi principal, le moyen unique du pourvoi incident de l'AFUL et les trois moyens du pourvoi incident de la société Spie, ci-après annexés

13. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

14. La société MDR fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation des sociétés Spie, BET Recalde et [...], ainsi que de M. Q..., au paiement des sommes de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts du fait du retard pris dans le chantier et de 275 687,34 euros et, ainsi, de rejeter le surplus de ses demandes, alors :

« 1°/ que la cour a constaté que l'ampleur et le coût des travaux de confortement n'avaient pas été correctement estimés et que les sociétés Spie, BET Recalde et [...], ainsi que M. W... Q..., avaient engagé leur responsabilité à ce titre et devaient réparer le dommage causé par leur faute ; qu'en estimant que la société MDR ne pouvait toutefois se prévaloir de la totalité des surcoûts liés aux travaux de confortement de la structure pour cela qu'ils « auraient dû, en tout état de cause être réalisés », cependant que la société MDR faisait valoir que précisément, si le coût des travaux de confortement avait été correctement estimé ab initio, elle aurait pu le répercuter sur les marchés conclus avec les acquéreurs et qu'à défaut comme en l'espèce, elle n'avait pu le faire, de sorte qu'elle essuyait, dans le cadre de l'opération économique, une perte brute non récupérable, la cour d'appel, qui a laissé ce moyen pertinent sans réponse, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la société MDR se prévalait du préjudice subi à raison de la perte subie pour ne pas avoir été mise en mesure, à raison de leur mauvaise estimation, de répercuter le coût des travaux de confortement sur les marchés conclus avec les acquéreurs ; qu'en statuant ainsi par des motifs
inopérants pris de ce que les travaux de confortement de la structure « auraient dû, en tout état de cause être réalisés », la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, s'agissant de la société Spie et de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, s'agissant des sociétés BET Recalde et [...], ainsi que M. W... Q... ;

3°/ qu'en n'expliquant pas en quoi la rupture du contrat liant la société MDR à la société Spie aurait causé le moindre retard dans la reprise du chantier arrêté à raison d'une rupture de trumeaux qui aurait pu être évitée en l'absence des fautes commises par les sociétés Spie, BET Recalde et [...] ainsi que M. W... Q..., cependant que la société MDR faisait valoir que le chantier avait été arrêté le temps pour l'expert C..., qu'elle avait mandaté, de préconiser les solutions de confortement de l'ensemble de la structure et les nouvelles modalités d'exécution des travaux, et qu'une fois connues ces solutions, la société Eiffage avait immédiatement pris la suite de la société Spie, afin de reprendre le chantier au mois de juillet 2005, de sorte que le changement de sous-traitant n'avait eu aucun rapport avec la durée de l'arrêt du chantier exclusivement dû aux fautes commises par les intervenants susvisés qui n'avaient pas déterminé correctement ab initio les travaux de confortement nécessaires à l'opération, la cour, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, s'agissant de la société Spie et de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, s'agissant des sociétés BET Recalde et [...], ainsi que M. W... Q... ;

4°/ que le juge doit motiver sa décision, ce qui implique qu'il ne puisse se contenter de simples affirmations péremptoires ; qu'en affirmant ainsi péremptoirement, sans aucunement s'en expliquer, que la rupture du contrat liant la société MDR à la société Spie aurait été en partie la cause du retard dans la reprise du chantier arrêté à raison d'un désordre, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

15. D'une part, ayant relevé que la société MDR n'était pas fondée à se prévaloir de la nécessité de reprendre les travaux réalisés par la société Spie, qui n'étaient entachés ni de désordres ni de malfaçons, et, répondant aux conclusions, qu'elle ne pouvait se prévaloir de la totalité des surcoûts liés aux travaux de confortement de la structure, qui, en tout état de cause, auraient dû être réalisés, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, appréciant souverainement le préjudice subi par la société MDR, retenu que celui-ci s'entendait des surcoûts effectivement liés à la faiblesse structurelle des immeubles, qui n'avaient pas été pris en compte lors de la conception de l'opération, et de la nécessité de réaliser de nouveaux plans d'exécution.

16. D'autre part, ayant relevé que la cause majeure du retard du chantier était la rupture du contrat de sous-traitance entre les sociétés MDR et Spie et que cette rupture était imputable à la société MDR, qui n'avait pas fourni de cautionnement lors de la signature du sous-traité pour garantir le paiement des sommes dues au sous-traitant en méconnaissance des dispositions de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, la cour d'appel a, appréciant souverainement le préjudice subi par la société MDR du fait du retard, retenu qu'il s'entendait d'une partie de ce retard dans la limite de trois mois.

17. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Montpelliéraine de rénovation aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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