Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 19-12.140
- ECLI:FR:CCASS:2020:C201372
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 10 décembre 2020
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 15 novembre 2018Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 décembre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1372 F-P+B+I
Pourvoi n° P 19-12.140
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 DÉCEMBRE 2020
1°/ M. I... D... H... ,
2°/ Mme B... M... J... , épouse H... ,
domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° P 19-12.140 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (15e chambre A), dans le litige les opposant à la société Luxorinvest, société anonyme, dont le siège est 1 rue Jean Piret, L-2350 Luxembourg (Luxembourg), défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme H... , de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Luxorinvest, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 novembre 2018), M. et Mme H... ont acquis, par acte notarié du 3 août 2006, un terrain situé sur la commune de Sillans-la-Cascade. L'acte comportait le prêt, par la société Luxorinvest (la société) au profit des acquéreurs, de la somme de 300 000 euros, stipulée remboursable en une seule échéance au plus tard le 3 juillet 2008, sans intérêt, le remboursement devant se faire sur le bénéfice réalisé par la vente de la maison d'habitation à faire construire par l'acquéreur, bénéfice devant être partagé par moitié entre le prêteur et les débiteurs.
2. Par un jugement du 25 février 2014, un tribunal de grande instance a rejeté la demande en paiement de la somme prêtée formée par la société à l'encontre de M. et Mme H... , la maison édifiée sur le terrain n'ayant pas encore été vendue.
3. La société a engagé des poursuites de saisie immobilière à l'encontre de M. et Mme H... , portant sur le bien en cause, sur le fondement de l'acte notarié.
4. A l'audience d'orientation, les débiteurs se sont opposés à la saisie en invoquant, notamment, l'autorité de la chose jugée par le jugement du 25 février 2014. La société a fait valoir que les débiteurs empêchaient la réalisation de la condition et a invoqué l'application de l'article 1178 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. et Mme H... font grief à l'arrêt de déclarer régulière et valide la procédure de saisie immobilière, diligentée par la société Luxorinvest à leur encontre, d'ordonner la vente forcée de l'immeuble situé sur la commune de Sillans-la-Cascade (Var) lieu-dit [...] , cadastré section [...] pour une contenance de 15 a 02 ca, sur lequel est édifiée une maison d'habitation d'un étage sur rez-de-chaussée avec garage et piscine, d'une surface habitable totale de 151,64 m², ce conformément au cahier des conditions de vente déposé au tribunal de grande instance de Draguignan le 28 novembre 2016, de fixer la créance de la société Luxorinvest à la somme de 302 896,74 euros sauf mémoire, outre intérêts au taux légal sur la somme de 300 000 euros à compter du 9 août 2016 et de renvoyer pour le surplus les parties devant le premier juge, pour poursuite de la procédure de saisie immobilière, alors :
« 1°/ qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour déclarer régulière et valide la procédure de saisie immobilière, ordonner la vente forcée de l'immeuble situé sur la commune de Sillans-la-Cascade et fixer la créance de la société Luxorinvest, a estimé que le prêt de 300 000 euros est devenu exigible dès lors que les emprunteurs ont empêché l'accomplissement de la condition tenant à la vente de leur bien ; qu'en statuant ainsi, quand le tribunal de grande instance de Draguignan, par jugement du 25 février 2014, avait déclaré non exigible la créance de remboursement de ce prêt en déboutant la société Luxorinvest de sa demande en paiement à ce titre, ce dont il résultait que cette dernière n'était pas recevable à faire juger à nouveau cette prétention par la présentation d'un nouveau moyen tiré de l'ancien article 1178 du code civil selon lequel la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;
2°/ qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; que l'autorité de la chose jugée peut lui être opposée s'il présente un nouveau moyen qu'il s'était abstenu de soutenir lors de l'instance relative à la première demande, sauf pour lui à démontrer l'existence d'événements postérieurs venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour déclarer régulière et valide la procédure de saisie immobilière, ordonner la vente forcée de l'immeuble situé sur la commune de Sillans-la-Cascade et fixer la créance de la société Luxorinvest, a estimé que le prêt de 300 000 euros est devenu exigible dès lors que les emprunteurs auraient empêché l'accomplissement de la condition tenant à la vente de leur bien, et ce, en dépit du fait que le tribunal de grande instance de Draguignan avait, par un jugement du 25 février 2014, déclaré non exigible la créance de remboursement de ce prêt en déboutant la société Luxorinvest de sa demande en paiement à ce titre ; qu'en statuant ainsi, sans pour autant constater que l'empêchement de la réalisation de la condition suspensive qu'elle retenait, constituerait une circonstance nouvelle postérieure au prononcé du jugement du 25 février 2014, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 1351, devenu 1355, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1351, devenu 1355 du code civil :
6. Selon ce texte, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
7. Attachée au seul dispositif de la décision, l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.
8. Pour écarter l'autorité de la chose jugée par le jugement du 25 février 2014, qui avait rejeté la demande en paiement, au motif que la condition préalable de vente de la maison édifiée n'était pas réalisée, l'arrêt, qui constate que la maison n'est pas vendue, retient que cette condition est purement potestative et que M. et Mme H... ne justifient pas de leur volonté d'exécuter de bonne foi les stipulations contractuelles, de sorte que le prêt est devenu exigible, la condition étant réputée acquise.
9. En statuant ainsi, sur le fondement d'un moyen qui n'avait pas été invoqué devant le juge du fond et sans relever l'existence d'un fait nouveau justifiant d'écarter l'autorité de la chose jugée par le jugement du 25 février 2014, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Luxorinvest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Luxorinvest et la condamne à payer à M. et Mme H... la somme globale de 3 000 euros ;
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 décembre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1372 F-P+B+I
Pourvoi n° P 19-12.140
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 DÉCEMBRE 2020
1°/ M. I... D... H... ,
2°/ Mme B... M... J... , épouse H... ,
domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° P 19-12.140 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (15e chambre A), dans le litige les opposant à la société Luxorinvest, société anonyme, dont le siège est 1 rue Jean Piret, L-2350 Luxembourg (Luxembourg), défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme H... , de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Luxorinvest, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 novembre 2018), M. et Mme H... ont acquis, par acte notarié du 3 août 2006, un terrain situé sur la commune de Sillans-la-Cascade. L'acte comportait le prêt, par la société Luxorinvest (la société) au profit des acquéreurs, de la somme de 300 000 euros, stipulée remboursable en une seule échéance au plus tard le 3 juillet 2008, sans intérêt, le remboursement devant se faire sur le bénéfice réalisé par la vente de la maison d'habitation à faire construire par l'acquéreur, bénéfice devant être partagé par moitié entre le prêteur et les débiteurs.
2. Par un jugement du 25 février 2014, un tribunal de grande instance a rejeté la demande en paiement de la somme prêtée formée par la société à l'encontre de M. et Mme H... , la maison édifiée sur le terrain n'ayant pas encore été vendue.
3. La société a engagé des poursuites de saisie immobilière à l'encontre de M. et Mme H... , portant sur le bien en cause, sur le fondement de l'acte notarié.
4. A l'audience d'orientation, les débiteurs se sont opposés à la saisie en invoquant, notamment, l'autorité de la chose jugée par le jugement du 25 février 2014. La société a fait valoir que les débiteurs empêchaient la réalisation de la condition et a invoqué l'application de l'article 1178 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. et Mme H... font grief à l'arrêt de déclarer régulière et valide la procédure de saisie immobilière, diligentée par la société Luxorinvest à leur encontre, d'ordonner la vente forcée de l'immeuble situé sur la commune de Sillans-la-Cascade (Var) lieu-dit [...] , cadastré section [...] pour une contenance de 15 a 02 ca, sur lequel est édifiée une maison d'habitation d'un étage sur rez-de-chaussée avec garage et piscine, d'une surface habitable totale de 151,64 m², ce conformément au cahier des conditions de vente déposé au tribunal de grande instance de Draguignan le 28 novembre 2016, de fixer la créance de la société Luxorinvest à la somme de 302 896,74 euros sauf mémoire, outre intérêts au taux légal sur la somme de 300 000 euros à compter du 9 août 2016 et de renvoyer pour le surplus les parties devant le premier juge, pour poursuite de la procédure de saisie immobilière, alors :
« 1°/ qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour déclarer régulière et valide la procédure de saisie immobilière, ordonner la vente forcée de l'immeuble situé sur la commune de Sillans-la-Cascade et fixer la créance de la société Luxorinvest, a estimé que le prêt de 300 000 euros est devenu exigible dès lors que les emprunteurs ont empêché l'accomplissement de la condition tenant à la vente de leur bien ; qu'en statuant ainsi, quand le tribunal de grande instance de Draguignan, par jugement du 25 février 2014, avait déclaré non exigible la créance de remboursement de ce prêt en déboutant la société Luxorinvest de sa demande en paiement à ce titre, ce dont il résultait que cette dernière n'était pas recevable à faire juger à nouveau cette prétention par la présentation d'un nouveau moyen tiré de l'ancien article 1178 du code civil selon lequel la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;
2°/ qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; que l'autorité de la chose jugée peut lui être opposée s'il présente un nouveau moyen qu'il s'était abstenu de soutenir lors de l'instance relative à la première demande, sauf pour lui à démontrer l'existence d'événements postérieurs venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour déclarer régulière et valide la procédure de saisie immobilière, ordonner la vente forcée de l'immeuble situé sur la commune de Sillans-la-Cascade et fixer la créance de la société Luxorinvest, a estimé que le prêt de 300 000 euros est devenu exigible dès lors que les emprunteurs auraient empêché l'accomplissement de la condition tenant à la vente de leur bien, et ce, en dépit du fait que le tribunal de grande instance de Draguignan avait, par un jugement du 25 février 2014, déclaré non exigible la créance de remboursement de ce prêt en déboutant la société Luxorinvest de sa demande en paiement à ce titre ; qu'en statuant ainsi, sans pour autant constater que l'empêchement de la réalisation de la condition suspensive qu'elle retenait, constituerait une circonstance nouvelle postérieure au prononcé du jugement du 25 février 2014, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 1351, devenu 1355, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1351, devenu 1355 du code civil :
6. Selon ce texte, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
7. Attachée au seul dispositif de la décision, l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.
8. Pour écarter l'autorité de la chose jugée par le jugement du 25 février 2014, qui avait rejeté la demande en paiement, au motif que la condition préalable de vente de la maison édifiée n'était pas réalisée, l'arrêt, qui constate que la maison n'est pas vendue, retient que cette condition est purement potestative et que M. et Mme H... ne justifient pas de leur volonté d'exécuter de bonne foi les stipulations contractuelles, de sorte que le prêt est devenu exigible, la condition étant réputée acquise.
9. En statuant ainsi, sur le fondement d'un moyen qui n'avait pas été invoqué devant le juge du fond et sans relever l'existence d'un fait nouveau justifiant d'écarter l'autorité de la chose jugée par le jugement du 25 février 2014, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Luxorinvest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Luxorinvest et la condamne à payer à M. et Mme H... la somme globale de 3 000 euros ;
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