vendredi 14 février 2020

Enduit de façade pour imperméabilisation = élément d’équipement non destiné à fonctionner -> pas décennal

Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb., 2020-4, p. 31.

Note Rias, GP 2020, n° 17, p. 20.
Note Faure-Abbad, RDI 2020-5, p. 253.

Note Caston et Ajaccio, GP 2020, n° 19, p. 77.

Note Cerveau-Colliard, GP 2020, n° 22, p. 78
Note Noguéro, RDI 2020-6, p. 326

Commentaire au rapport 2020 de la Cour de cassation :

Architecte entrepreneur – Responsabilité – Responsabilité à l’égard du maître de l’ouvrage – Garantie décennale – Domaine d’application – Élément d’équipement ou construction d’un ouvrage – Caractérisation – Exclusion – Cas – Enduit de façade non destiné à fonctionner 

3e Civ., 13 février 2020, pourvoi nº 19-10.249, publié au Bulletin, rapport de M. Pronier et avis de M. Burgaud 

Un enduit de façade, qui constitue un ouvrage lorsqu’il a une fonction d’étanchéité, ne constitue pas un élément d’équipement, même s’il a une fonction d’imperméabilisation, dès lors qu’il n’est pas destiné à fonctionner. 

Procédant à un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a retenu, par trois arrêts successifs, publiés au Rapport annuel, que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (3e Civ., 15 juin 2017, pourvoi no 16-19.640, Bull. 2017, III, no 71; 3e Civ., 14 septembre 2017, pourvoi no 16-17.323, Bull. 2017, III, no 100; 3e  Civ., 26 octobre 2017, pourvoi no 16-18.120, Bull. 2017, III, no 119). 

Restait à définir la notion d’élément d’équipement. 

C’est à cette question que le présent arrêt répond, à propos d’un enduit de façade, par un double apport doctrinal : 

En premier lieu, la Cour de cassation rappelle, en le confirmant, qu’en application de l’article 1792 du code civil, un enduit de façade constitue un ouvrage lorsqu’il a une fonction d’étanchéité (3e Civ., 4 avril 2013, pourvoi no 11-25.198, Bull. 2013, III, no 45).

 En second lieu, la Cour de cassation énonce qu’un enduit de façade ne constitue pas un élément d’équipement, même s’il a une fonction d’imperméabilisation, dès lors qu’il n’est pas destiné à fonctionner. 

Il s’ensuit que des travaux, autres que la construction de l’ouvrage et les éléments d’équipement qui en sont indissociables, ne constituent un élément d’équipement dissociable, au sens de l’article 1792-3 du code civil, que s’ils fonctionnent, ce qui n’est pas le 158 LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour cas des moquettes et tissus (3e  Civ., 30 novembre 2011, pourvoi no 09-70.345, Bull. 2011, III, no 202), de dallages (3e Civ., 13 février 2013, pourvoi no 12-12.016, Bull. 2013, III, no 20) ou d’un carrelage (3e Civ., 11 septembre 2013, pourvoi no 12-19.483, Bull. 2013, III, no 103). 

Cette solution s’explique par la garantie de bon fonctionnement applicable aux éléments d’équipement dissociables instituée par l’article 1792-3 du code civil. 

La Cour de cassation en déduit que la solution, née du revirement de jurisprudence, n’est pas applicable à un enduit de façade, dès lors qu’il n’est pas destiné à fonctionner. Sur ce point, la Cour reprend la distinction déjà faite entre la fonction d’étanchéité et la fonction d’imperméabilisation (3e Civ., 9 février 2000, pourvoi no 98-13.931, Bull. 2000, III, no 27).

 Cette solution sera étendue à tous les éléments d’équipement dissociables qui ne fonctionnent pas. 

Enfin, il est permis de souligner que la nouvelle rédaction des arrêts en style direct permet d’en mieux présenter l’apport doctrinal.

Arrêt n°117 du 13 février 2020 (19-10.249) - Cour de cassation - Troisième chambre civile
- ECLI:FR:CCASS:2020:C300117


Cassation


Demandeur(s) : société Areas dommages, société d’assurance mutuelle

Défendeur(s) : M. A... X... ; et autres



Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 5 novembre 2018), M. X... a confié à M. Y..., assuré en responsabilité décennale auprès de la société Areas dommages, la réalisation de travaux d’enduit de façades.

2. Des fissures étant apparues, M. X... a, après expertise, assigné M. Y... et la société Areas dommages en indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Areas dommages fait grief à l’arrêt de la condamner, in solidum avec M. Y..., à payer à M. X..., au titre des désordres affectant les façades, la somme de 52 792,76 euros et de la condamner à garantir M. Y... des condamnations prononcées à son encontre, alors :

« 1°/ que le juge doit, en toute circonstance, faire observer et observer lui-même le principe de contradiction ; qu’il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la cour d’appel, pour retenir la présence de désordres décennaux au sens des articles 1792 et 1792-2 du code civil, a écarté la qualification d’ouvrage propre mais s’est fondée sur la jurisprudence de la Cour de cassation issue de l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 15 juin 2017 en qualifiant l’enduit litigieux d’élément d’équipement notamment compte tenu de sa fonction d’imperméabilisation ; qu’en relevant d’office ce moyen, sans inviter les parties à s’en expliquer, la cour d’appel n’a pas respecté le principe du contradictoire et, partant, a violé l’article 16 du code de procédure civile ;





2°/ que seuls les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ; que la pose d’un enduit, qui constitue un ouvrage lorsqu’il a une fonction d’étanchéité, ne constitue pas un élément d’équipement, même s’il a une fonction d’imperméabilisation ; que la cour d’appel a constaté que les désordres ont affecté un enduit monocouche d’imperméabilisation et de décoration des parois verticales n’assurant aucune fonction d’étanchéité particulière ; que la cour d’appel, pour juger que les désordres affectant l’enduit et rendant l’ouvrage existant impropre à sa destination engageaient la responsabilité décennale de M. Y..., a jugé que l’enduit constituait un élément d’équipement dès lors que sa composition lui conférait un rôle d’imperméabilisation et non pas purement esthétique ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1792 du code civil :

4. Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

5. En application de ce texte, un enduit de façade, qui constitue un ouvrage lorsqu’il a une fonction d’étanchéité (3e Civ., 4 avril 2013, pourvoi n° 11-25.198, Bull. 2013, III, n° 45), ne constitue pas un élément d’équipement, même s’il a une fonction d’imperméabilisation, dès lors qu’il n’est pas destiné à fonctionner.

6. Pour accueillir les demandes, l’arrêt retient que l’enduit litigieux, auquel sa composition confère un rôle d’imperméabilisation, constitue un élément d’équipement et est susceptible d’ouvrir droit à garantie décennale si le désordre trouvant son siège dans cet élément d’équipement a pour effet de rendre l’ouvrage, en son entier, impropre à sa destination, le caractère dissociable ou indissociable de l’élément d’équipement important peu à cet égard.

7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 novembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;



Président : M. Chauvin
Rapporteur : M. Pronier
Avocat général : M. Burgaud, avocat général référendaire
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix - Me Isabelle Galy

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