N° 2640
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 février 2020.
PROPOSITION DE LOI
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Elsa FAUCILLON, Huguette BELLO, Alain BRUNEEL, Marie-George BUFFET, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Jean-Paul DUFRÈGNE, Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, Sébastien JUMEL, Jean-Paul LECOQ, Jean-Philippe NILOR, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Gabriel SERVILLE, Hubert WULFRANC,
député·e·s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis des décennies, les citoyens et citoyennes de nos quartiers populaires nous alertent sur la réalité des violences policières. Elles sont vécues quotidiennement par de nombreux Français brutalisés par le racisme notamment dans le cadre des contrôles d’identité discriminatoires.
À cela s’ajoute la banalisation de techniques d’interpellation controversées et dangereuses. La mort de Cédric Chouviat, et avant lui d’Adama Traoré, causée par un « plaquage ventral », l’illustre tragiquement.
Des associations, des mouvements, des comités se comptent par centaines pour alerter les gouvernants sur ces pratiques et pour exiger la vérité et la justice.
La doctrine française du maintien de l’ordre repose traditionnellement sur la prévention des troubles, l’absolue nécessité de l’usage de la force et la réponse proportionnée à la menace.
La gestion des mobilisations contre la loi travail et de la Cop21 a marqué un tournant. Le processus de pacification de la gestion des manifestations autour duquel s’est bâtie la doctrine du maintien de l’ordre « à la française » a laissé place à un processus de confrontation.
Dans l’attente exigeante d’une réflexion pleine et entière sur notre doctrine du maintien de l’ordre afin de la faire évoluer face aux nouvelles attentes citoyennes, juger les affaires de violences policières demeure un enjeu démocratique majeur.
L’interdiction posée au plus haut niveau de l’État de parler de « violences policières », oblige notre système judiciaire à tout mettre en œuvre pour rendre justice aux « poliçables » qui sont invisibilisés dans le débat public. Le ministère de l’intérieur, en préférant absoudre que commander les forces de l’ordre, renforce le sentiment d’impunité déjà présent chez certains agents qui se pensent autorisés à être au-dessus des lois.
Depuis le début du mouvement social (gilets jaunes, militants pour le climat, manifestants contre la réforme des retraites), de nombreuses images prises par des citoyens ou des journalistes illustrent ce changement de doctrine mais aussi des pratiques interdites : usage de grenades sans sommations ; emploi de la force face à une foule calme ; pratique « d’encagement » ; usage à outrance des grenades de désencerclement et utilisations dangereuses du LBD. Ces pratiques illégitimes abîment notre démocratie.
Elles ont eu pour conséquence d’augmenter significativement la courbe des blessés lors des opérations de maintien de l’ordre. Au 21 novembre 2019, le ministère de l’intérieur compte 2 448 manifestants blessés et 561 signalements déposés à l’IGPN.
L’indigence des données statistiques concernant les violences commises par les forces de l’ordre ne permet pas de brosser un tableau précis des violences observées. En effet, les chiffres officiels ne détaillent pas les 315 blessures à la tête ; 24 éborgné·e·s ; 5 mains arrachées, comptabilisés par des journalistes.
La réponse pénale réservée aux gilets jaunes est sans précédents. Plus de 3 000 personnes ont été condamnées par la justice française et près de 400 d’entre elles ont écopé de peines de prison ferme.
A contrario, les affaires de violences policières n’ont pas eu les résultats escomptés. Le parquet de Paris a conclu 146 des 212 enquêtes ouvertes pour des soupçons de violences policières en lien avec le mouvement des gilets jaunes. 54 procédures ont été classées sans suite. Ce chiffre nous questionne sur l’efficacité du jugement des affaires de violences policières.
De nombreuses associations et institutions internationales ont d’ores et déjà dénoncé la difficulté à voir les procédures aboutir lorsque les forces de l’ordre sont mises en cause. La France a été condamnée jeudi 23 mai 2019 par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour une enquête « lacunaire et déficiente », menée à la suite d’un coup de feu tiré par un policier lors d’une interpellation à Thionville le 8 mars 2000.
Notre justice doit être irréprochable. Elle doit l’être également envers nos forces de l’ordre, lorsqu’elles sont impliquées dans des affaires judiciaires. Elles ne peuvent être au-dessus des lois qu’elles sont en charge de défendre. Il en va de la qualité des relations entre les policiers et les citoyens.
La présente proposition de loi vise à dépayser de manière systématique les affaires dites de violences policières.
En effet, de nombreux avocats ont constaté que sur ces affaires particulièrement, les enquêteurs ne s’investissent pas de la même manière que pour les autres procédures car ils doivent enquêter sur leurs propres collègues.
Par ailleurs, les relations professionnelles entre procureurs et policiers sont quotidiennes. Il est donc extrêmement délicat pour un procureur de juger objectivement une affaire visant des policiers avec lesquels il travaille chaque jour. Changer de juridiction dans ce cas de figure permettrait donc d’éviter les soupçons de collusion entre l’ensemble des membres du paysage judiciaire et policier.
C’est là un combat d’émancipation de la justice contre elle-même.
Aujourd’hui, la demande de dépaysement d’une affaire est de plus en plus courante. Or, c’est une procédure très lourde à obtenir et à mettre en œuvre.
Cette mesure participera à terme à rendre justice aux victimes et familles de victimes de violences policières.
Tel est l’objet de cette proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
À la première phrase du second alinéa de l’article 43 du code de procédure pénale, les mots : « peut, d’office, sur proposition du procureur de la République et à la demande de l’intéressé, transmettre » sont remplacés par le mot : « transmet ».
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