vendredi 21 février 2020

Retraites : le sort des avocats évoqué à l'Assemblée

Assemblée nationale
XVe législature
Session ordinaire de 2019-2020

Compte rendu
intégral (extrait)

Deuxième séance du jeudi 20 février 2020



M. le président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le sous-amendement no 42259.
M. Bastien Lachaud. Il faut veiller à ce qu’aucune réforme, présente ou future, ne constitue une régression. Tel est le sens de ce sous-amendement.

S’agissant des avocats, force est de constater que la réforme proposée entraînera une régression de leur statut. Aujourd’hui, un avocat qui touche 1 800 euros par mois cotise à hauteur de 300 euros et est appelé à percevoir une retraite de 1 400 euros. Dans votre système, il cotiserait à hauteur de 600 euros, soit le double, pour une pension de 1 000 euros, inférieure au niveau actuel.

Depuis le début du mouvement social, les avocats contestent massivement le doublement du taux de cotisation. Mme Belloubet a d’ailleurs reconnu le problème, puisqu’elle a annoncé une compensation jusqu’en 2029. S’il y a besoin d’une compensation, c’est bien qu’il y a une régression !

Dès lors, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, une question importante se pose : quel sera le système après 2029 ? La compensation prendra-t-elle fin à cette date, auquel cas la régression serait totale ? Ou bien les problèmes nés de votre réforme seront-ils résolus par miracle ?

Les avocats en colère ont organisé une vente de leurs robes sur Le Bon Coin, peut-être l’avez-vous vu. L’inquiétude est grande au sein de la profession. Il faut de vraies réponses.

M. le président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le sous-amendement no 42260.
Mme Caroline Fiat. Il va un peu plus loin que celui que j’ai défendu précédemment : il vise à s’assurer non pas que les réformes ne conduiront pas à une régression des droits des assurés, mais qu’elles conduiront à une amélioration de ces droits.

La situation des avocats est assez inquiétante. Vous avez réussi à mettre tous les barreaux du pays en grève, fait assez impressionnant pour être souligné. Dès lors, plus aucun jugement ne peut être rendu.

Vous ne voulez pas entendre raison, alors que la profession vous explique par a + b qu’elle sera perdante avec votre réforme, que vous serez responsables de la fermeture de centaines, voire de milliers de cabinets. Nous évoquons souvent les déserts médicaux ; en l’espèce, vous allez créer des déserts judiciaires, faute d’avocats.

Pour aller dans le sens de ce que demandent les avocats, nous proposons de substituer, à l’alinéa 3 de l’article 1er, les mots « conduisent à une amélioration » aux mots « ne conduisent pas à une régression ».
M. le président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41825.
M. Pierre Dharréville. L’amendement vise à établir le principe de non-régression sociale au cœur de votre projet de réforme.

L’article 1er, faut-il le rappeler, évoque un certain nombre de grands principes généraux. Vous auriez pu vous contenter de les indiquer dans l’exposé des motifs, mais vous avez voulu les inscrire dans la loi. Il est donc logique que nous débattions de ces principes généraux et de leurs implications, et que nous vérifiions, le cas échéant, s’ils sont suivis d’effet dans le texte. Certes, ce débat peut sembler parfois un peu débridé,…
M. Sylvain Maillard. Un peu débridé, c’est un euphémisme !
M. Pierre Dharréville. …mais il reflète la manière dont vous avez voulu rédiger le texte.

J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer au sujet de la situation des avocats. Nous constatons qu’il y a un fort mouvement de leur part, le Conseil national des barreaux, qui représente les 70 000 avocats de notre pays, étant lui-même mobilisé. Les avocats contestent votre réforme et ses effets. Or ils n’ont toujours pas obtenu, selon moi, de réponse satisfaisante de votre part.

Monsieur le secrétaire d’État, des discussions sont-elles en cours avec les avocats ? Si tel est le cas, avancent-elles ? Pouvez-vous nous apporter des éléments complémentaires concernant les mesures particulières que vous envisagez éventuellement de prendre pour rattraper les effets très négatifs et mal maîtrisés de votre dispositif, qui ne peut pas s’appliquer uniformément à toutes les situations ? Ma question est très claire. Nous souhaitons que les droits des avocats soient respectés.

Si vous me permettez d’ajouter une phrase, monsieur le président,…
M. le président. Il vous reste quinze secondes.
M. Pierre Dharréville. …contrairement aux idées reçues, je l’ai souligné précédemment, un certain nombre d’avocats se trouvent dans une situation difficile. Et tout cela finit effectivement par peser sur la capacité de la justice à faire son travail au service de tout un chacun.
M. le président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le sous-amendement no 42254.
M. Bastien Lachaud. Je poursuis la discussion sur la régression des droits des avocats.

Mme Belloubet a annoncé que l’État compenserait l’augmentation de leur cotisation retraite par une baisse des autres cotisations sociales. Autrement dit, on va prendre dans les autres caisses pour financer le système de retraite, ce qui ne manquera pas de créer un trou. Tout cela est-il bien sérieux ? Les annonces de Mme Belloubet ont-elles fait l’objet d’une étude d’impact ? Ou bien a-t-elle réagi comme cela, sans que l’on ait une idée de la manière dont ces mesures seront financées ? Il serait pourtant intéressant pour nous de le savoir. De plus, où précisément l’engagement pris par Mme Belloubet est-il retranscrit dans le texte qui nous est soumis ?

Par ailleurs, l’exécutif a affirmé nettement que les cotisations des avocats n’augmenteraient pas dans leur globalité, à l’échelle de la profession. En application du plafonnement à partir de trois fois le montant du PASS – plafond annuel de la sécurité sociale –, les avocats et cabinets percevant de très hauts revenus verront leur cotisation baisser. Vous dites, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, qu’une solidarité est nécessaire entre les cabinets et avocats qui gagnent beaucoup et ceux qui gagnent peu. Nous aimerions donc savoir comment vous comptez organiser cette solidarité entre les perdants de la réforme – les avocats les plus modestes – et les gagnants – les grands cabinets qui réalisent les bénéfices les plus élevés. (Mme Caroline Fiat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le sous-amendement no 41827.
M. Sébastien Jumel. L’article 1er ressemble à un bulletin météorologique présenté par Alain Gillot-Pétré.
Mme Olivia Gregoire. Paix à son âme !
M. Sébastien Jumel. Demain, il fera beau, peut-être, s’il ne pleut pas : voilà l’article 1er ! Aucune valeur normative, aucune garantie inscrite dans la loi : des promesses qui n’engagent que ceux qui les croient. Voilà pourquoi nous soutenons et sous-amendons tout amendement visant à offrir un minimum de garanties. La première à offrir est l’assurance que la réforme n’aboutira pas à une dégradation du montant des pensions.

Ensuite, les avocats n’ont pas la réputation d’être incapables de lire la loi. J’ai entendu sur certains bancs de la majorité que le sujet était peut-être trop complexe pour les Français, voire que l’opposition était sans doute trop conne pour comprendre la subtilité du texte.
Un député du groupe LaREM. Mais arrêtez !
Mme Brigitte Bourguignon, Présidente. Franchement, des sous-entendus de cet ordre…
M. Sébastien Jumel. Les avocats ne peuvent être soupçonnés d’un tel manque d’intelligence ou de discernement. Le barreau de Dieppe par exemple, auquel je suis profondément attaché, est presque unanimement, pour ne pas dire unanimement, opposé à votre projet de réforme ; or, il se caractérise par sa grande pluralité politique – on y trouve des soutiens de M. Jacob –, qui reflète celle de notre hémicycle.

Je veux vous poser une dernière question : comment peut-on demeurer droit dans ses bottes tout en restant enfermé dans ses certitudes, quand tout le monde est contre soi ?
Mme Valérie Rabault. Ça, c’est un grand mystère !
M. Sébastien Jumel. Comment peut-on laisser avancer le rouleau compresseur comme si de rien n’était, alors qu’on a le MEDEF, l’ensemble des organisations syndicales et l’ensemble des professions touchées par le projet en opposition ?

Comment peut-on dérouler le tapis rouge à la finance alors que cinq groupes de l’opposition, représentant une large pluralité politique, expriment leur hostilité ?
M. Hervé Saulignac. Bonne question !
M. Sébastien Jumel. Répondre à cette question vous permettrait de sortir par le haut de la situation inextricable dans laquelle vous vous trouvez.
M. le président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41829.
M. Pierre Dharréville. Je voudrais ajouter un mot sur le sujet que j’évoquais tout à l’heure. Les avocats, notamment ceux des petits cabinets, dont les revenus sont parfois faibles, avertissent que l’application de votre réforme provoquerait la disparition de certains cabinets et amoindrirait donc leur capacité à défendre celles et ceux qui en ont besoin, en particulier ceux qui ont le moins de moyens.

Nous devons garantir l’accès à la justice pour tous, et ils sont nécessaires pour y parvenir. Leur préoccupation est certes personnelle, ils s’inquiètent pour leurs fonctions et leur avenir, mais elle concerne également les valeurs qu’ils représentent et le travail qu’ils accomplissent, qui est profondément utile à la société et au bon fonctionnement de la justice.

Il faut tenir compte de cette réalité et j’estime que la lettre qui leur a été adressée pour leur taper sur les doigts et leur demander de reprendre le travail n’apportera aucune réponse aux questions qu’ils se posent. Comme Sébastien Jumel le disait à l’instant, ils ont lu la loi dans le détail et parfaitement compris vos propositions.

Aujourd’hui encore, de grandes manifestations se sont déroulées dans tout le pays pour s’opposer à la réforme. Or, jusqu’à présent, je ne vous ai pas entendu prêter le moindre intérêt aux objections qu’elles expriment, ni apporter la moindre réponse aux questions posées. Cela soulève un problème grave : vous ne pouvez vous contenter d’affirmer que les opposants n’ont pas bien compris et que vous leur enverrez des éléments de langage. Le marketing ne suffira pas, ce n’est pas un problème de communication : depuis des mois, vous ne parvenez pas à convaincre les avocats – il faut vous rendre à l’évidence et discuter sérieusement avec eux.
M. le président. La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le sous-amendement no 42256.
M. François Ruffin. Je me trouvais tout à l’heure à la manifestation, où défilaient les avocats et le Syndicat des avocats de France, en compagnie des danseurs de l’Opéra et de tous les autres syndicats. Je vous renouvelle donc ma proposition de sortie. Éric Poulliat, du groupe La République en marche, le disait lui-même : c’est le Gouvernement qui a choisi de faire examiner le texte juste avant les élections municipales. Quelle urgence y avait-il ? Sur une réforme aussi essentielle, il faut se donner le temps.

Voici donc ce que je propose au Gouvernement : suspendez les débats jusqu’aux élections, publiez une étude d’impact que le Conseil d’État ne jugera pas insuffisante, à cause de projections financières lacunaires, et d’un flou concernant l’âge de départ à la retraite, le taux d’emploi des seniors et le montant des dépenses d’assurance chômage.

Renoncez à la procédure accélérée. Je suis convaincu que, sur des fondements ainsi assainis, un débat à la hauteur de l’enjeu s’engagera, sur les bancs de la majorité comme des oppositions.
M. Erwan Balanant. Et sur les réseaux sociaux !
M. François Ruffin. Les retraites méritent mieux que ce travail bâclé – que ce soit durant les négociations, devant le Conseil d’État, ou à l’Assemblée. Comme le Conseil d’État le souligne, la situation est d’autant plus regrettable qu’il s’agit d’une réforme inédite depuis 1945 et destinée à transformer pour les décennies à venir une des composantes majeures du contrat social.
M. François Ruffin. Suspendez jusqu’à la fin des élections municipales,…
M. Bruno Millienne. C’est insupportable !
M. François Ruffin. …pour qu’alors nous puissions débattre sereinement,…
Mme Brigitte Bourguignon, Présidente. Pourrions-nous débattre sur le texte, un peu ?
M. François Ruffin. …en faisant participer les partenaires sociaux et les parlementaires, quelles que soient les opinions qu’ils professent sur la réforme, sans la pression d’un compte à rebours, qui agit comme un pistolet sur la tempe. Acceptez cette voie de sortie !
[...]
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir le sous-amendement no 42257.
M. Adrien Quatennens. On observe en effet que la mobilisation des avocats demeure forte : ils étaient encore nombreux tout à l’heure dans les cortèges de la manifestation, et n’ont pas l’intention de s’arrêter. Ce ne sont pas des nantis : ils sont chargés de défendre les gens ; lorsqu’ils vont jusqu’à déposer leur robe – vous savez combien elle leur est chère – aux pieds de leur ministre de tutelle, ils lancent au Gouvernement un message de désespoir.

On ne comprend pas, en effet, pourquoi il faut absolument que ce débat aille vite. Que vous vouliez une réforme des retraites, admettons – même si, je le répéterai autant de fois que nécessaire, celle-ci est en contradiction avec le programme grâce auquel vous avez gagné les élections –, mais pourquoi avant les élections municipales ? Quel est l’objectif ? À qui voulez-vous faire plaisir ?
M. Jacques Marilossian. C’est gratuit !
M. Adrien Quatennens. Tout à l’heure, le président Ferrand a dit qu’il nous faudrait 150 jours pour terminer l’examen du texte. Prenons-les ! Nous voyons bien que vous essayez de créer, à l’aide d’interruptions indignées à répétition, un climat favorable à l’usage de ce LBD parlementaire qu’est l’article 49, alinéa 3. C’est inacceptable.

Prenons le temps de conduire ce débat, d’autant qu’il existe effectivement des portes de sortie : suspendre les débats ou faire appel au référendum, pour offrir l’occasion d’une campagne électorale éclairée, dans laquelle chacun défendrait ses arguments ; vous seriez alors en mesure de vérifier si, oui ou non, le peuple français approuve cette réforme des retraites – je répète que votre programme annonçait l’inverse de ce que vous faites. C’est valable pour les avocats comme pour toutes les professions encore mobilisées. Nous avons atteint un point de blocage, et vous aggravez la situation en déclarant l’urgence. Répondez au moins à cette question : pourquoi avant les municipales ? Nous n’avons toujours pas compris !
M. le président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le sous-amendement no 41843. 
M. Alain Bruneel. Je défendrai en même temps le no 41846.

Il y a quelques heures, le président Ferrand a expliqué qu’il nous faudrait 150 jours pour examiner tous les amendements. Nous sommes d’accord avec l’idée de prendre le temps nécessaire pour discuter du système universel de retraite : vous balayez un système qui existe depuis plus de soixante-dix ans en disant qu’il ne convient pas, qu’il faut de la solidarité ; or, selon nous, la solidarité ne passe pas par votre réforme.
M. Bruno Fuchs. Mais ce ne sont pas des amendements !
M. Alain Bruneel. Il y a un débat de société, un véritable débat de rapport de classes, je le répète ; depuis que nous discutons en séance, nous nous sommes efforcés d’apporter des exemples de pénibilité issus de nombreux métiers – les infirmiers, les aides-soignants, les éboueurs, les salariés de chez Renault –, et nous évoquons maintenant le cas des avocats.

J’avoue ne pas comprendre : il existe déjà cinq dérogations à votre système universel – tant mieux pour ceux qui sont concernés. Vous êtes confrontés au sujet de la caisse des avocats. Elle est excédentaire, qui plus est solidaire avec le régime général, auquel elle reverse 100 millions chaque année.

Pourquoi voulez-vous supprimer cette caisse qui assure une solidarité entre les avocats et qui les autorise à exprimer complètement leurs opinions, en leur disant : c’est terminé, vous basculez dans le régime universel ? Je ne comprends pas cette manière brutale de répondre aux questions – en fait, vous n’y répondez même pas. Laissez-les faire ! Ce sont des avocats, ils savent quand même de quoi ils parlent ! Ils ont étudié le texte de A jusqu’à Z ! S’ils disent qu’ils ne sont pas d’accord, vous pouvez estimer que leur désaccord est fondé.
M. Sébastien Jumel. Très bien !
M. le président. Le sous-amendement no 41846 de M. Sébastien Jumel est défendu.

La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le sous-amendement no 42273.
M. Bastien Lachaud. Nous nous interrogeons sur les conséquences de la réforme pour les avocats. Le Conseil national des barreaux a soumis à l’examen d’un célèbre cabinet d’études le cas d’un avocat débutant sa carrière à 23 000 euros annuels, avec une rémunération en augmentation de 1,3 % par an.

Dans ce cas type, le montant de la pension versée au titre du régime universel subirait une baisse de 14 % par rapport au montant versé dans le régime actuel. En d’autres termes, cet avocat percevrait 1 633 euros par mois après la réforme contre 1 892 aujourd’hui.

Vos services, monsieur le secrétaire d’État, nous expliquent que ce manque à gagner serait compensé par le futur minimum de retraite, qui permettrait d’élever cette somme à 1 899 euros, soit le niveau du montant actuel, afin que ledit avocat ne soit pas perdant.

C’est sans compter le fait que celui-ci aura cotisé sur la base de 28 % au lieu de 14 %. Autant dire qu’il aura cotisé deux fois plus qu’aux termes du système actuel pour toucher au mieux la même pension.

Votre cabinet s’est-il trompé, monsieur le secrétaire d’État ? Pouvez-vous nous rassurer sur ce cas type ? Ou le système de retraite que vous voulez mettre en place intègre-t-il trop de variables pour que vous puissiez garantir le niveau de pension des avocats ?
M. le président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le sous-amendement no 42042.
Mme Caroline Fiat. Certaine que vous êtes désormais convaincus de la nécessité de voter l’amendement, et afin de gagner du temps, comme vous le réclamez, je propose de compléter le dernier alinéa de l’amendement par les mots « , les personnels de la Comédie française et de l’Opéra de Paris, les égoutiers, les marins et le régime des ports autonomes de Bordeaux et de Strasbourg ».

Nous vous avons déjà prouvé que ces professions méritent de garder leur régime actuel, mais, si vous préférez que je développe ce point, je le ferai bien volontiers.
M. le président. Sur l’amendement no 23970, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Sur les sous-amendements nos 42259, 41835, 41837 et 42042, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et les sous-amendements ?
M. Nicolas Turquois, rapporteur. M. Ruffin a quitté l’hémicycle.

Monsieur Jumel, au lieu de parler des élections municipales et de discuter politique, travaillons plutôt sur le fond du sujet !

Madame Fiat, à la différence de celui de Strasbourg, le port autonome de Bordeaux ne possède plus de régime de retraite spécifique. En outre, je vous rappelle que l’amendement porte sur les avocats. Je conviens que ceux-ci s’interrogent légitimement sur l’avenir de leur système de retraite, et que, notre réforme visant à intégrer tous nos concitoyens dans un système universel, la discussion doit aborder les problèmes spécifiques à chaque profession. Mais, sachant que l’on compte aujourd’hui 67 000 avocats en France, je comprends mal que vous annonciez la fermeture de centaines de milliers de cabinets ! (M. Bruno Millienne et M. Erwan Balanant applaudissent.)
Mme Caroline Fiat. J’ai dit que des centaines, voire des milliers de cabinets pourraient fermer !
M. Nicolas Turquois, rapporteur. Depuis dix ans, le nombre d’avocats a fortement augmenté et la rentabilité de leur activité pose parfois problème. Si les ténors du barreau gagnent bien leur vie, beaucoup d’avocats ont du mal à boucler leur fin de mois. L’aide juridictionnelle, qui fait l’objet d’une discussion avec la garde des sceaux, est probablement à revoir, mais ne mélangeons pas le débat sur les retraites et d’autres interrogations, très légitimes, inhérentes à cette profession.

Monsieur Lachaud, vous avez évoqué la situation d’un avocat qui percevrait 23 000 euros par an. J’ai travaillé sur un cas presque similaire : un avocat touchant 20 000 euros par an, soit un demi PASS, verse aujourd’hui 16,8 % de cotisation, et un avocat percevant un PASS, 13 % de cotisation. Si le taux de cotisation s’élevait demain à 28 %, le premier enregistrerait une augmentation de onze points, le second, de quinze points.
M. Christian Hutin. Ce serait insupportable !
M. Nicolas Turquois, rapporteur. Ce serait effectivement insupportable, mais il faut intégrer dans ce calcul l’abattement de 30 % sur l’assiette de cotisation et sur la CSG, qui diminue de sept points…
M. Christian Hutin. Les avocats ne sont pas d’accord ! Ils préfèrent payer leurs impôts !
M. Nicolas Turquois, rapporteur. Il faut considérer l’équilibre de l’ensemble. Laissez-moi finir, monsieur Hutin ! Ceux qui perçoivent un demi PASS enregistreront donc une baisse de cotisations de sept points.

Dans le cas cité par M. Lachaud, la réforme se traduira par une augmentation de cotisations de quatre points sur vingt ans, soit 200 euros par an. Il faut remettre les choses à leur niveau et les considérer dans le temps. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Julien Aubert. Mais 4 % de 20 000 euros, cela ne fait pas 200 euros par mois !
M. Nicolas Turquois, rapporteur. C’est parce que nous avons conscience des changements à apporter qu’il faut se donner le temps de la transition. À l’importance de la transformation correspond celle de la transition. Un délai de vingt ans nous semble suffisant pour lisser les choses afin de les rendre le plus indolores possible, tout en gardant en tête qu’une cotisation plus importante ouvrira aussi des droits plus importants. Avis défavorable sur l’amendement et les sous-amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Le sujet a déjà été évoqué plusieurs fois dans cet hémicycle depuis lundi, comme il l’avait été en commission.
M. Christian Hutin. Ainsi que dans la rue et les palais de justice !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous l’avons aussi abordé lors de la séance de questions au Gouvernement. Le débat concerne les avocats, mais aussi les professions libérales, les indépendants, que chacun connaît plus ou moins bien en fonction de son histoire. Leur situation, en termes de protection vieillesse, est moins favorable qu’on ne le pense souvent.
Mme Marie-Christine Dalloz. Le régime de retraite des avocats est excédentaire !
Mme Constance Le Grip. Il dispose de 2 milliards de réserve !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Examinons quelques exemples. Si l’on considère le revenu médian, le nouveau système induira une baisse de cotisations des agents généraux pour un revenu de 80 000 ou 120 000 euros par an et une augmentation des prestations vieillesse de 9 % à 13 %. Les notaires ne devraient subir aucune augmentation de cotisations, tandis que leurs prestations vieillesse augmenteront de 30 % à 40 %. Les sages-femmes verront leurs cotisations augmenter de 0 % à 1 %, et leurs prestations vieillesse de 39 % à 50 %. Je ne détaillerai pas le cas de toutes les professions libérales, mais vous l’avez compris : pour ces professions, l’augmentation des charges sera minime, sinon nulle.

Le rapporteur en a très bien expliqué la raison. L’assiette de la CSG payée par ces professions n’est pas comparable à celle qui s’applique aux salariés. En les ramenant toutes deux au même niveau – et ce n’est que justice –, on absorbe la quasi-totalité de l’augmentation des cotisations vieillesse. Le texte est très clair sur ce point. Je vous renvoie à nos débats en commission sur l’article 21.

Le rapporteur l’a expliqué : les seuls avocats qui devront assumer un reliquat de charges après le changement d’assiette de la CSG sont les plus modestes : ceux dont le revenu est de 30 000 euros. Ce reliquat sur les charges globales est de 5 %, à lisser sur vingt ans, ce qui représente quelques dizaines d’euros par mois et quelques centaines d’euros par an.

Nous poursuivons un échange avec la profession, qui se pose à ce sujet des questions – moins dramatiques toutefois que ne le prétend Mme Fiat. Il est normal que les avocats, surtout les plus jeunes, s’interrogent sur la viabilité de leur cabinet. C’est pourquoi nous continuons à discuter avec leurs représentants.

Ceux-ci s’inquiétaient également sur leurs réserves. Nous les avons rassurés.
M. David Habib. Il n’y a que vous pour le croire ! Partout, les avocats expriment leur crainte.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Il n’est pas question de croire, mais d’être objectif !
M. David Habib. Quel mépris !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Sur l’utilisation de ces réserves, nous leur laissons le choix : il revient à ceux qui les ont constituées de fixer leur utilisation. En revanche, nous devons continuer à réfléchir avec la profession au moyen de lisser l’augmentation de charges qui s’appliquera aux avocats aux revenus modestes. Plusieurs intervenants ont suggéré qu’une péréquation pourrait être instaurée entre les gros cabinets, capables de supporter une hausse éventuelle des charges, et les plus petits. Mais je rappelle que l’augmentation ne correspond qu’à quelques dizaines d’euros par mois. Nous sommes donc relativement sereins.
M. Christian Hutin. Pourquoi s’attaquer à un système qui fonctionne ?
M. David Habib. Par dogmatisme ! Quand ils ont une idée en tête, ils foncent dans le mur et ils klaxonnent !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Je terminerai par un point qu’ont relevé les représentants des avocats quand nous les avons consultés. J’entends qu’il faut trouver une solution pour augmenter les charges de 5 % sur vingt ans, mais n’oublions pas de mettre dans la balance l’augmentation significative des pensions. Celles-ci augmenteront de 13 % pour un revenu annuel de 32 000 euros, de 24 % pour un revenu de 40 000 et de 11 % pour un revenu de 80 000.

Disons par conséquent les choses tranquillement. Même si les charges subissent une hausse de 5 %, une augmentation de 13 % des prestations est significative. Continuons de travailler avec les représentants des avocats. Nous trouverons avec eux une solution adaptée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. L’augmentation de cotisations dont a parlé M. le rapporteur est-elle de 4 % ou de quatre points, ce qui n ’est pas la même chose ? D’autre part, comment aboutit-on au montant de 200 euros qu’il a cité ? Compte tenu de l’évolution de leur carrière, les avocats verront nécessairement leur contribution augmenter.

Le régime d’assurance vieillesse des avocats, actuellement régi par l’article L. 651-1 du code de la sécurité sociale, est un régime spécifique. Ce matin, M. Woerth a rappelé que les avocats partaient généralement à la retraite à 65 ans, soit en moyenne deux ans plus tard que les membres des autres professions.

Les avocats ne sont pas de simples prestataires de services. Auxiliaires du service public de la justice, ils constituent l’unique vecteur d’accès au juge pour les citoyens.
M. Christian Hutin. Très bien !
Mme Marie-Christine Dalloz. Les avocats sont un rouage fondamental de l’État de droit. Il convient de préserver l’accès à cette profession. Le surcoût causé par votre système universel serait de nature à entraver l’accès à leur service, et menace l’indépendance des avocats.

De plus, le changement que vous proposez ne concerne pas les risques d’invalidité et de décès, pour lesquels même les générations nées après 1975 continueront à être couvertes par le régime actuel ; il concerne uniquement les retraites.

Les projections financières que vous donnez ne sont pas suffisamment éclairantes.

Enfin, il n’est pas juste de ponctionner les 2 milliards d’euros d’excédents de la Caisse nationale des barreaux français pour faire financer la transition aux avocats.  (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Hutin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei. Élargissons le débat sur les cotisations à l’ensemble des professions libérales et indépendantes. Je connais bien ces professions, qui ont beaucoup évolué : elles peuvent être soumises au régime des bénéfices non commerciaux – BNC – ou s’organiser en sociétés d’exercice libéral, soumises à l’impôt sur les sociétés. De multiples règles, assez complexes, permettent de faire évoluer leurs statuts.

Il est intéressant que le texte prévoie une application pour partie progressive de la réforme, ce qui permettra d’avoir davantage de recul et de s’adapter aux circonstances.

La profession d’avocats a en outre besoin de retrouver son domaine d’activité, qui a été entamé, avec de sérieuses conséquences pour le chiffre d’affaires. Il faut s’intéresser à cette profession qui joue un rôle majeur dans notre société, et la protéger.
Mme Marie-Christine Dalloz. Tout à fait d’accord !
M. Jean-Paul Mattei. Il ne faut pas s’arrêter au problème des retraites ; bien d’autres sont plus importants. Le domaine de compétence des avocats, notamment, doit être préservé.
M. Christian Hutin. C’est pour ça que vous vous attaquez aux retraites !
M. Jean-Paul Mattei. Parlons des statuts. De nombreuses professions libérales ont mal cotisé, faute de statuts adéquats. Ce texte va assurer une certaine sécurité.
M. Christian Hutin. Vraiment ?  
M. Jean-Paul Mattei. Il instaure un compte, avec des points, donnant aux membres des professions libérales une certaine visibilité. Quand on discute avec eux, on s’aperçoit qu’ils ne comprennent pas forcément tous les enjeux et les bénéfices, pourtant fondamentaux, associés à ce système de points acquis au cours de la vie professionnelle, et à ce système par répartition. Nous instaurons un nouvel outil ; il ne faut pas s’en méfier et je suis certain qu’il peut fonctionner.

Enfin, nos débats, qui servent aussi à indiquer l’intention du législateur, ont une valeur juridique. Il me semble donc important de répéter que nous ne toucherons pas aux réserves de la Caisse nationale des barreaux français. D’autres mouvements ont moins de scrupules, si l’on en croit leurs programmes.

Il s’agit en vérité d’une bonne réforme, qui va dans le bon sens et sera très utile à la profession d’avocat. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Yaël Braun-Pivet.
Mme Yaël Braun-Pivet. Pour reprendre les mots du président du tribunal judiciaire de Paris lors de l’audience solennelle de rentrée, « la justice sans les juges, c’est la barbarie ; la justice sans les avocats, c’est la tyrannie ». Nous sommes tous d’accords dans cet hémicycle pour considérer que les avocats sont indispensables à l’œuvre de justice. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. David Habib. Ça ne fait pas débat !
M. Christian Hutin. Jusque-là nous sommes d’accord !
Mme Yaël Braun-Pivet. Et je pense que nous serons d’accord encore longtemps. Grâce à ce débat, chacun a rencontré le bâtonnier de sa circonscription. Ils ont été élus à la tête d’ordres qui peuvent compter dix, vingt, ou deux mille avocats. Nous avons tous conscience des difficultés que rencontre cette profession, du faible chiffre d’affaires de certains cabinets, et de ses inquiétudes.

Pour cette raison, nous rencontrons les avocats, discutons avec eux, essayons de les convaincre – nous ne désespérons pas d’y parvenir. Je sais que le Gouvernement, que la garde des sceaux – elle ne cesse de les rencontrer –,…
M. Patrick Hetzel. Vous parlez de la garde des sceaux qui est sur le départ ?
Mme Yaël Braun-Pivet. …le secrétaire d’État chargé des retraites, le Premier ministre et les parlementaires sont à leur écoute.

Des propositions ont été faites en faveur des avocats, afin que cette réforme soit soutenable pour tous les cabinets. Le secrétaire d’État et le rapporteur vous les ont rappelées.

Cette réforme sera favorable aux avocats et leur ouvrira de nouveaux droits.  (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Christian Hutin. Mais alors pourquoi manifestent-ils toujours ?
M. Patrick Hetzel. Ce n’est pas parce que vous le dites que c’est vrai !
Mme Yaël Braun-Pivet. Actuellement, les jeunes avocates ne bénéficient pas de la prise en compte des grossesses dans le calcul des retraites et, quand elles quittent la profession – elles sont nombreuses à partir au bout de cinq ou dix ans –, elles perdent tous leurs droits à la retraite. C’est donc aussi pour elles qu’il faut intégrer les avocats au régime universel de retraite. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme Constance Le Grip. Bizarrement, les avocats n’ont pas du tout le même sentiment !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie Rabault. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite aborder trois points.

Premièrement, vous doublez les cotisations pour tous ceux dont les revenus sont inférieurs ou égaux à 40 000 euros ; en revanche, vous laissez tranquilles les avocats qui ont plus de 120 000 euros de revenus.
Un député du groupe LaREM. Ce n’est pas vrai !
Mme Valérie Rabault. Si, c’est la réalité ! Vous ne pouvez le nier ; lisez le texte ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Christian Hutin. La justice selon La République en marche : les riches paient moins !
Mme Valérie Rabault. Monsieur le secrétaire d’État, pourrez-vous préciser de nouveau ce point, puisque, manifestement, la majorité n’a pas lu le texte. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

…et n’a pas ce chiffre en tête. (Mêmes mouvements.)
M. Patrick Hetzel. Excellent !
M. le président. S’il vous plaît, laissez Mme Rabault continuer.
Mme Valérie Rabault. Sur 67 000 avocats, la moitié a des revenus inférieurs à 40 000 euros et verra donc ses cotisations doubler. Pour les rassurer, vous annoncez que ce sera compensé par un abattement de l’assiette de la CSG ; cette mesure, pour l’instant, n’est inscrite nulle part. (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Marc Le Fur. Mais écoutez, enfin !
Mme Valérie Rabault. Laissez-moi finir ! Vous prétendez avoir raison, alors que cet abattement n’est pas inscrit dans le texte. Vous pouvez râler, vous pouvez hurler, ça ne changera rien à la réalité !

Peut-être la mesure sera-t-elle examinée à l’occasion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais on connaît votre manière de procéder : une année vous sous-indexez les pensions, une autre vous les désindexez complètement, une autre encore vous augmentez la CSG pour les retraités. Vous pourriez faire de même avec les avocats ; ils n’ont aucune raison de vous croire. En tout cas, nous, nous ne vous croyons pas.
M. Patrick Hetzel. Nous non plus !
Mme Valérie Rabault. Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, sur les 40 000 avocats qui risquent de voir leurs cotisations doubler, 20 000 pourraient mettre la clé sous la porte.
Mme Sylvie Tolmont. Et voilà !
Mme Valérie Rabault. Vous serez responsables, Gouvernement et majorité, d’un plan social qui coûtera leur emploi à 20 000 membres des professions indépendantes. (Applaudissements sur les bancs des groupes PS, LR et GDR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville. Le site du Conseil national des barreaux cite ce propos d’un ancien bâtonnier : « Aucun avocat en France ne peut accepter que le taux de cotisation à la retraite double pour une retraite plus faible. » Voilà où en est votre prétendue discussion avec les avocats.

Alors que nous examinons le texte en séance, il nous est demandé, à nous, députés, de prendre des décisions. Nous ne pouvons le faire, tant que les discussions avec les avocats ne sont pas parvenues à leur terme.

Monsieur le rapporteur, vous nous demandiez tout à l’heure de ne pas confondre ce débat sur les retraites avec d’autres débats. Or, pour trouver des solutions aux difficultés que vous rencontrez, vous-mêmes annoncez d’autres textes que celui qui nous est soumis. Ainsi, l’abattement de 30 % de l’assiette de la CSG que vous promettez – si j’ai bien compris –, n’est pas inscrit dans le projet de loi ; en outre, il ne satisfait pas vos interlocuteurs.

Voilà bien un des arrangements dont vous avez le secret. C’est un véritable jeu de bonneteau. À chaque examen du budget de l’État, à chaque examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous prenez d’une main ce que vous avez donné de l’autre. Au bout du compte, tout le monde comprend que c’est un enfumage.

Votre proposition pose un problème de pérennité. Nous gravons dans le marbre de la loi des dispositions qui auront des conséquences pour les décennies à venir. Qu’est ce qui nous prouve que l’abattement que vous envisagez sera tout aussi durable ?

Le tableau de financement de la réforme pose problème. Vous annoncez une longue période de transition, afin de permettre d’absorber le choc. C’est admettre qu’il y a un choc ! Vous dites, monsieur le rapporteur, que la mesure coûtera 200 euros aux avocats concernés ; c’est une somme non négligeable pour certains.

En conclusion, quand vous déclarez « prendre le temps », quand vous évoquez une « transition » pour absorber le choc, cela signifie que, au bout du compte, c’est une régression sociale qui se prépare.

Votre système ne fonctionne pas, pas plus pour les avocats que pour beaucoup d’autres professions. (M. Alain Bruneel applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot. Vous prétendez tenter de convaincre les avocats qui, massivement mobilisés depuis un mois et demi, fustigent le mépris du Gouvernement et un dialogue de sourds.(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Or plusieurs questions restent sans réponse. Premièrement, vous avez promis que la hausse des cotisations serait compensée par un abattement. Le Premier ministre s’y est engagé, madame Belloubet aussi. Outre que vous déshabillez Paul pour habiller Pierre, où cette promesse est-elle inscrite dans le projet de loi ?

Deuxièmement, l’abattement est prévu pour ne durer que jusqu’en 2029. Que se passera-t-il ensuite ?

Enfin, comme l’a indiqué tout à l’heure Valérie Rabault, vous faites peser le poids de la hausse de cotisations sur les avocats les plus modestes. La présidente du Conseil national des barreaux craint que le Gouvernement ne « fasse porter l’effort sur ceux qui font de l’aide juridictionnelle ».

En somme, les avocats ne défendent pas seulement leurs revenus. La question n’est pas seulement de savoir combien de centaines, de milliers ou de dizaines de milliers d’entre eux devront fermer boutique – même si cet aspect est extrêmement grave.
M. Christian Hutin. Absolument !
Mme Mathilde Panot. La question est aussi celle de notre système de justice : si les avocats n’ont plus les moyens de fournir d’aide juridictionnelle à cause du doublement des cotisations, cela compromettra l’accès à la justice pour les plus pauvres.

À toutes ces questions, vous n’avez pas répondu. Vous avez parlé de droits nouveaux ; nous ne savons pas en quoi ils consisteront. L’étude du cabinet Ernst & Young, traitant du cas d’un avocat débutant sa carrière à 23 000 euros, indique qu’il lui faudra cotiser plus pour un niveau de retraites égal ou plus faible. (M. Christian Hutin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas Turquois, rapporteur. Je souhaite apporter quelques précisions supplémentaires. Entre 2002 et 2012, le nombre d’avocats a augmenté de 42 % ; je ne pense pas que l’activité judiciaire ait cru d’autant. Cela explique une partie de leurs difficultés. En 2013, ils étaient 5 actifs pour chaque pensionné ; ils ne sont plus que 4,1 ; ils ont même dû prévoir une hausse des taux, pour financer leur caisse de retraite.

Madame Dalloz, il s’agit d’une hausse de 4 points, et non de 4 %. Vous avez évoqué les risques invalidité et décès : seuls ces deux risques restent directement assurés par la Caisse nationale des barreaux français ; pour le reste, les avocats ont été intégrés aux branches famille et maladie du régime général.

Je voulais surtout revenir sur les propos de Mme Rabault, qu’a repris M. Dharréville. Selon vous, madame, la majorité n’a pas examiné le texte. Vous dites en outre que l’abattement de l’assiette n’est inscrit nulle part. Or nous avons voté un amendement l’instituant en commission spéciale – vous devriez le savoir, madame Rabault, puisque vous en étiez membre, ainsi que M. Dharréville. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) L’amendement sera de nouveau défendu en séance publique ; vous ne pouvez pas faire comme s’il n’avait pas été voté.

Enfin, je reconnais que 200 euros, ce n’est pas rien, mais l’augmentation est étalée sur vingt ans : l’augmentation annuelle est donc d’environ 10 euros, en euros constants – on peut dire que la transition est douce.
(Les sous-amendements nos 41823 et 42253, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement no 42259.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :

        Nombre de votants                        124

        Nombre de suffrages exprimés                119

        Majorité absolue                        60

                Pour l’adoption                25

                Contre                94
(Le sous-amendement no 42259 n’est pas adopté.)
(Les sous-amendements nos 42260, 41825, 42254, 41827, 41829, 42256 et 41833, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement no 41835.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :

        Nombre de votants                        117

        Nombre de suffrages exprimés                112

        Majorité absolue                        57

                Pour l’adoption                23

                Contre                89
(Le sous-amendement no 41835 n’est pas adopté.)


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