jeudi 6 février 2020

Devoir de conseil du notaire

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 8 janvier 2020
N° de pourvoi: 18-23.948
Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Batut (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 21 août 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 22 février 2017, pourvoi n° 16-13.096), la société civile immobilière [...], dont O... R... était le gérant, a, suivant acte authentique reçu le 22 décembre 2000 par M. I... (le notaire), contracté un emprunt bancaire.

2. O... R... est décédé le [...], laissant pour lui succéder son épouse, Mme W..., leurs enfants A... et F..., ainsi qu'un fils d'une première union, C....

3. Imputant au notaire divers manquements à son devoir de conseil, notamment à l'occasion de la passation de cet acte, Mme W... et ses deux enfants (les consorts R...) l'ont assigné en responsabilité et indemnisation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Énoncé du moyen

5. Les consorts R... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation de M. I... à leur verser la somme de 330 177,14 euros, alors :

« 1°/ que le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention de manière complète et circonstanciée sur la portée, les effets et les risques attachés aux actes auxquels il est requis de donner la forme authentique ; que, quand bien même l'assurance invalidité décès ne serait pas obligatoire et ne constituerait pas une condition du prêt, et quand bien même il n'aurait pas connaissance de l'état de santé de l'emprunteur, le notaire ne peut se contenter de rappeler dans l'acte de prêt la souscription par la banque d'une assurance de groupe destinée à couvrir ses clients contre les risques de décès invalidité avec référence aux documents correspondant ; qu'il incombe au notaire requis de donner la forme authentique à un acte de prêt d'attirer l'attention de l'emprunteur sur les risques liées à l'absence de souscription de l'assurance décès invalidité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil ;

2°/ que la charge de la preuve de l'accomplissement de son devoir de conseil incombe au notaire ; qu'en énonçant que c'est aux consorts W... R... qu'il incomberait de prouver que le notaire n'avait pas attiré l'attention d'O... R... sur les conséquences de la non-souscription d'une assurance invalidité décès, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil :

6. Pour rejeter la demande des consorts R..., l'arrêt retient, d'abord, qu'ils reprochent au notaire de n'avoir pas attiré l'attention d'O... R... sur les conséquences de la non-souscription d'une assurance facultative, ce qu'il leur appartient de prouver. Il relève, ensuite, que, s'il n'est pas écrit dans l'acte qu'une information a été donnée par le notaire sur les conséquences d'une non-souscription de l'assurance décès facultative, exiger un tel degré de précision revient à faire peser sur le notaire instrumentaire, non plus une obligation de conseil pour un acte donné, mais une obligation de mise en garde sur l'opportunité économique.

7. En statuant ainsi, alors que le devoir d'information et de conseil du notaire rédacteur d'un acte authentique de prêt lui impose d'informer l'emprunteur sur les conséquences de la non-souscription d'une assurance décès facultative proposée par le prêteur, la preuve de l'exécution de cette obligation lui incombant, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme W..., Mme A... R... et M. Q... R... tendant à la condamnation de M. I... à leur verser la somme de 330 177,14 euros en remboursement de l'emprunt et de l'indemnité de remboursement anticipé payés par ces derniers au Crédit agricole en raison de la non-souscription du contrat d'assurance invalidité décès mentionné à l'acte reçu par M. I... le 22 décembre 2000, l'arrêt rendu le 21 août 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. I... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. I... et le condamne à payer à Mme W..., Mme A... R... et M. Q... R... la somme globale de 3 000 euros ;

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