Note A. Pimbert, RGDA 2023, p. 14.
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 21-16.721
- ECLI:FR:CCASS:2022:C201201
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 24 novembre 2022
Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, du 17 mars 2021Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 novembre 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1201 F-D
Pourvoi n° J 21-16.721
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022
1°/ la commune d'Epiais, représentée par son maire en exercice, domicilié [Adresse 3],
2°/ la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Paris Val-de-Loire, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° J 21-16.721 contre l'arrêt rendu le 17 mars 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige les opposant à la société Swisslife assurances de biens, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la commune d'Epiais, représentée par son maire en exercice, et de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Paris Val-de-Loire, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Swisslife assurances de biens, et après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 17 mars 2021), rendu en référé, [M] [C] et ses parents civilement responsables ont été condamnés par un tribunal pour enfants statuant sur intérêts civils, à indemniser la commune d'Epiais de son préjudice matériel lié à un incendie survenu le 5 février 2012. Ce jugement déclarait qu'il était opposable à leur assureur, la société Swisslife assurances de biens (l'assureur) qui était intervenue volontairement à l'instance. La cour d'appel infirmant partiellement ce jugement, a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de cet assureur et a dit que le jugement ne lui était pas opposable.
2. Le 11 février 2019, la commune d'Epiais et son assureur, la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Paris Val-de-Loire, ont saisi un juge des référés aux fins d'obtenir la condamnation de l'assureur des civilement responsables à leur verser diverses sommes à titre de provisions à valoir sur leur préjudice.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La commune d'Epiais et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Paris Val-de-Loire font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leurs demandes provisionnelles et indemnitaires à l'encontre de l'assureur, alors « que le tiers lésé dispose d'une action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ; que les actions personnelles mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu les faits lui permettant de l'exercer ; que la circonstance que l'intervention volontaire de cet assureur devant le juge pénal a été déclaré irrecevable, ce qui a eu pour effet de rendre non avenue l'interruption de la prescription de l'action directe, est sans incidence sur le point de départ du délai de prescription, qui commence à courir à compter de la connaissance par la victime de l'identité de cet assureur ; qu'en décidant néanmoins que le délai de prescription de l'action directe engagée contre la société Swislife le 11 février 2019 n'avait pu commencer à courir à compter de la date à laquelle [M] [C] avait été cité en qualité de prévenu, soit le 25 mars 2014, qui coïncidait avec la connaissance par la commune d'Epiais de l'identité d'un assureur de responsabilité civile susceptible de couvrir les responsables légaux du mineur impliqué, au motif inopérant que la déclaration d'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la Société Swisslife avait privé cette demande incidente de son effet interruptif de prescription, la Cour d'appel a violé l'article L. 124-3 du Code des assurances, ensemble l'article 2224 du Code civil, ensemble l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2224 du code civil et l'article L. 124-3 du code des assurances :
5. Il résulte de ces textes que l'action directe du tiers lésé à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
6. Pour déclarer l'action de la commune d'Epiais et de son assureur irrecevable, l'arrêt qui rappelait que ces derniers se prévalaient d'un point de départ de la prescription différé au jour où ils avaient eu connaissance de l'identité de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, se borne à retenir que la prescription était acquise depuis le 6 février 2017 et qu'elle n'avait ni été interrompue ni suspendue par l'intervention volontaire de l'assureur dans l'instance pénale sur intérêts civils, fixant ainsi le point de départ de la prescription au 5 février 2012, soit la date de l'incendie.
7. En se déterminant ainsi, par un motif inopérant tiré de l'absence d'interruption de la prescription, et sans rechercher, comme elle y était invitée par la commune d'Epiais et son assureur, la date à laquelle ils avaient eu connaissance de l'identité de l'auteur des faits et de celle de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déclare irrecevables en leurs demandes la commune d'Epiais et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Paris Val-de-Loire, l'arrêt rendu le 17 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Swisslife assurances de biens aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Swisslife assurances de biens et la condamne à payer à la commune d'Epiais, représentée par son maire en exercice, et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Paris Val-de-Loire la somme globale de 3 000 euros ;
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 novembre 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1201 F-D
Pourvoi n° J 21-16.721
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022
1°/ la commune d'Epiais, représentée par son maire en exercice, domicilié [Adresse 3],
2°/ la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Paris Val-de-Loire, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° J 21-16.721 contre l'arrêt rendu le 17 mars 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige les opposant à la société Swisslife assurances de biens, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la commune d'Epiais, représentée par son maire en exercice, et de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Paris Val-de-Loire, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Swisslife assurances de biens, et après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 17 mars 2021), rendu en référé, [M] [C] et ses parents civilement responsables ont été condamnés par un tribunal pour enfants statuant sur intérêts civils, à indemniser la commune d'Epiais de son préjudice matériel lié à un incendie survenu le 5 février 2012. Ce jugement déclarait qu'il était opposable à leur assureur, la société Swisslife assurances de biens (l'assureur) qui était intervenue volontairement à l'instance. La cour d'appel infirmant partiellement ce jugement, a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de cet assureur et a dit que le jugement ne lui était pas opposable.
2. Le 11 février 2019, la commune d'Epiais et son assureur, la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Paris Val-de-Loire, ont saisi un juge des référés aux fins d'obtenir la condamnation de l'assureur des civilement responsables à leur verser diverses sommes à titre de provisions à valoir sur leur préjudice.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La commune d'Epiais et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Paris Val-de-Loire font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leurs demandes provisionnelles et indemnitaires à l'encontre de l'assureur, alors « que le tiers lésé dispose d'une action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ; que les actions personnelles mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu les faits lui permettant de l'exercer ; que la circonstance que l'intervention volontaire de cet assureur devant le juge pénal a été déclaré irrecevable, ce qui a eu pour effet de rendre non avenue l'interruption de la prescription de l'action directe, est sans incidence sur le point de départ du délai de prescription, qui commence à courir à compter de la connaissance par la victime de l'identité de cet assureur ; qu'en décidant néanmoins que le délai de prescription de l'action directe engagée contre la société Swislife le 11 février 2019 n'avait pu commencer à courir à compter de la date à laquelle [M] [C] avait été cité en qualité de prévenu, soit le 25 mars 2014, qui coïncidait avec la connaissance par la commune d'Epiais de l'identité d'un assureur de responsabilité civile susceptible de couvrir les responsables légaux du mineur impliqué, au motif inopérant que la déclaration d'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la Société Swisslife avait privé cette demande incidente de son effet interruptif de prescription, la Cour d'appel a violé l'article L. 124-3 du Code des assurances, ensemble l'article 2224 du Code civil, ensemble l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2224 du code civil et l'article L. 124-3 du code des assurances :
5. Il résulte de ces textes que l'action directe du tiers lésé à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
6. Pour déclarer l'action de la commune d'Epiais et de son assureur irrecevable, l'arrêt qui rappelait que ces derniers se prévalaient d'un point de départ de la prescription différé au jour où ils avaient eu connaissance de l'identité de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, se borne à retenir que la prescription était acquise depuis le 6 février 2017 et qu'elle n'avait ni été interrompue ni suspendue par l'intervention volontaire de l'assureur dans l'instance pénale sur intérêts civils, fixant ainsi le point de départ de la prescription au 5 février 2012, soit la date de l'incendie.
7. En se déterminant ainsi, par un motif inopérant tiré de l'absence d'interruption de la prescription, et sans rechercher, comme elle y était invitée par la commune d'Epiais et son assureur, la date à laquelle ils avaient eu connaissance de l'identité de l'auteur des faits et de celle de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déclare irrecevables en leurs demandes la commune d'Epiais et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Paris Val-de-Loire, l'arrêt rendu le 17 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Swisslife assurances de biens aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Swisslife assurances de biens et la condamne à payer à la commune d'Epiais, représentée par son maire en exercice, et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Paris Val-de-Loire la somme globale de 3 000 euros ;
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