mercredi 19 avril 2023

Violation de la règle d'urbanisme et trouble de voisinage = obligation de démolir

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 mars 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 229 F-D

Pourvoi n° H 21-19.318




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MARS 2023

La société Les Lofts de Palombaggia, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-19.318 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile - section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [F],

2°/ à M. [O] [F],

tous deux domiciliés [Adresse 4],

3°/ à la société Les Lièges de Palombaggia, société civile immobilière, dont le siège est chez Mme [D] [T], [Localité 1],

4°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5], dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.


La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Les Lofts de Palombaggia, de la SCP Didier et Pinet, avocat de MM. [F] et de la société Les Lièges de Palombaggia, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 7 avril 2021), la société civile immobilière Les Lièges de Palombaggia (la SCI) et MM. [W] et [O] [F] ont assigné la société à responsabilité limitée Les Lofts de Palombaggia (la SARL) en démolition des constructions édifiées par cette société conformément à un permis de construire du 10 janvier 2011, annulé par la juridiction administrative, et, subsidiairement, en dommages-intérêts pour troubles anormaux de voisinage.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La SARL fait grief à l'arrêt de la condamner à démolir les constructions, alors « que lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et si la construction est située dans une zone protégée ; qu'en se bornant à considérer, pour ordonner la démolition de la construction litigieuse construite conformément au permis de construire du 4 janvier 2011, que le permis de construire avait été annulé, que la construction se situe sur une zone protégée, que la SCI Les Lièges de Palombaggia et les consorts [F] avaient subi un préjudice du fait de cette construction et qu'ils avaient donc intérêt à agir, sans cependant constater la méconnaissance par la SARL Les Lofts de Palombaggia des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme. »


Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

3. La SCI et MM. [F] contestent la recevabilité du moyen en soutenant qu'il est contraire à la position adoptée par la SARL devant la cour d'appel.

4. Cependant, le grief n'est pas contraire aux conclusions d'appel de la SARL, qui a soutenu que les dispositions de l'article L. 146-4, I, du code de l'urbanisme, sur lesquelles la juridiction administrative s'était fondée pour annuler le permis de construire, ne pouvaient être invoquées à l'appui d'une demande de démolition, dès lors qu'elles n'étaient pas au nombre de celles visées au I de l'article L. 480-13.

5. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

6. La cour d'appel a constaté que la SCI et MM. [F] avaient subi des préjudices personnels et directs en raison de la présence d'un mur de bois de grande hauteur et de l'altération du caractère naturel et sauvage des lieux.

7. Ayant relevé qu'il ressortait des motifs du jugement du 14 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia avait annulé l'arrêté de permis de construire que le projet se trouvait dans un espace caractérisé par un habitat diffus et ne s'inscrivait pas en continuité avec un centre urbain existant, elle a retenu, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant relatif à l'absence de nécessité d'établir une faute, un préjudice personnel et un lien de causalité entre les deux et procédant à la recherche prétendument omise, que le trouble visuel ainsi que les préjudices subis à la suite de l'altération du caractère naturel du lieu étaient en relation avec la violation de la règle d'urbanisme.

8. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société à responsabilité limitée Les Lofts de Palombaggia aux dépens ;


En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société à responsabilité limitée Les Lofts de Palombaggia et la condamne à payer à la société civile immobilière Les Lièges de Palombaggia et à MM. [W] et [O] [F] la somme globale de 3 000 euros ;

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