vendredi 28 avril 2023

La faute dolosive en droit des assurances

 Vu sur le site de la Cour de cassation :

La faute dolosive en droit des assurances

Note Bertolaso, RCA 2023-5, p. 24
Note L. Mayaux, RGDA 2023-5, p. 21

Note JP Karila, RGDA 2023-6, p. 11

Note P. Dessuet, SJ G 2023, p. 1157.

Note A. Pélissier, D. 2023, p. 1293.

Note D. Noguéro, GP 2023-23, p.39.

Note B. Beignier, D. 2023, n°37, p. 1941


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3E CIV., 30 MARS 2023, POURVOI N° 21-21.084, PUBLIÉ AU BULLETIN ET AU RAPPORT Voir rapport av. gén. Brun, RCA 2023-5, p. 14.

L’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances dispose que l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré. Traditionnellement, la Cour de cassation ne faisait pas de différence entre faute intentionnelle et faute dolosive : sous des appellations différentes, n’était visée que la faute par laquelle l’assuré avait cherché à créer le dommage tel qu’il était survenu.

Cette définition unique, protectrice des intérêts de l’assuré et, surtout, de ceux du tiers lésé, auquel les exclusions de garantie sont opposables, obligeait les assureurs à garantir des comportements particulièrement graves par lesquels l’assuré, sans avoir recherché le dommage, avait délibérément enfreint ses obligations avec la conscience qu’un dommage en résulterait inéluctablement, de sorte que l’aléa, consubstantiel à la convention d’assurance, avait été supprimé.

A partir de 2013, la jurisprudence a évolué pour étendre le champ des fautes non assurables et sanctionner d’autres comportements faisant disparaître l’aléa. Pour parvenir à cette extension, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, chargée du contentieux de l’assurance, a donné à la faute dolosive une définition distincte de celle de la faute intentionnelle, en jugeant qu’elle n’impliquait pas nécessairement la recherche du dommage tel qu’il était survenu.

La troisième chambre civile, chargée du contentieux de l’assurance de construction, avait, pour sa part, conservé la définition originelle de la faute dolosive, en continuant d’exiger la démonstration d’une recherche du dommage par l’assuré. Craignant qu’une acception trop large de la faute non assurable prive trop facilement le maître de l’ouvrage de toute indemnisation d’assurance, sans que celui-ci puisse se retourner contre le constructeur, souvent défaillant, elle n’avait pas donné son autonomie à la faute dolosive non assurable.

La définition donnée par la deuxième chambre civile à la faute dolosive s’est toutefois affinée aux cours des dernières années, afin d’éviter que, par une acception trop large, elle absorbe des fautes qui, quoique lourdes ou inexcusables, ne supprimaient pas tout aléa. La deuxième chambre civile définit désormais la faute dolosive comme un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables (2e Civ., 20 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.245, publié au Bulletin).

Par l’arrêt commenté, la troisième chambre civile rejoint la deuxième chambre civile dans sa définition autonome de la faute dolosive. La décision reprend la définition exacte rappelée ci-dessus et rejette un pourvoi qui reprochait à une cour d’appel de n’avoir pas caractérisé, pour retenir une faute dolosive exclusive de garantie, l’intention de l’assuré de causer le dommage tel qu’il était survenu.

Les juges du fond devront se montrer rigoureux dans la qualification de la faute de l'assuré, en recherchant si celui-ci avait conscience que son manquement délibéré allait inéluctablement causer le dommage survenu. L'assureur doit démontrer que l'assuré savait, en manquant à ses obligations, que le dommage ne serait pas seulement probable, voire très probable, mais certain. Ainsi, lorsque la survenance du dommage ne dépend pas uniquement de la faute de l'assuré mais également d'événements dont la survenance ne pouvait être tenue pour certaine, la faute de l'assuré n'est pas dolosive au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances. Si un aléa subsiste, l'exclusion légale ne peut être retenue. La faute dolosive se distingue, en cela, de la faute inexcusable et notamment de l'inobservation inexcusable des règles de l'art, qui, selon les clauses-types applicables aux contrats d'assurance de responsabilité décennale, n'est pas sanctionnée par une exclusion de garantie mais par une déchéance inopposable au tiers lésé.

Les maîtres de l’ouvrage ont intérêt, pour leur part, à se conformer à leur obligation de souscrire une assurance de dommages-ouvrage, puisque la garantie de l’assureur de responsabilité pourra plus fréquemment leur être refusée en cas de manquement délibéré du constructeur aux règles de l’art.

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