lundi 17 avril 2023

Une provision peut être accordée au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 mars 2023




Cassation partielle sans renvoi


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 220 F-D

Pourvoi n° D 21-24.582




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 MARS 2023

1°/ M. [O] [J], domicilié [Adresse 4],

2°/ la société [R] [N] et [J] [O], société civile professionnelle de notaires, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° D 21-24.582 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [N] [R], domicilié [Adresse 3],

2°/ à la société Segretier-Ademar & Associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [J], de la société [R] [N] et [J] [O], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 13 septembre 2021), rendu en référé, le 30 septembre 2011, MM. [J] et [R], notaires associés, ont constitué la société civile professionnelle [N] [R] et [O] [J], titulaire d'un office notarial à Basse-Terre et d'un bureau annexe et permanent à Saint-Barthélémy. Le 26 mai 2013, ils ont conclu une convention prévoyant notamment la cession de parts sociales de cette SCP par M. [R] à M. [J] en deux phases, à compter du 1er janvier 2015.

2. Courant 2015, avant que la convention ne soit exécutée, cette SCP a été dissoute et une nouvelle a été créée entre les deux associés afin qu'elle soit titulaire du seul office de Saint-Barthélémy à compter du 1er août 2015.

3. Le 23 novembre 2018, M. [J] a assigné M. [R], celui-ci ayant refusé de lui céder ses parts en exécution forcée de la convention et vente, à son profit, de 35 % des parts sociales de la nouvelle SCP détenues par M. [R].

4. Le 17 août 2019, M. [R], ayant atteint la limite d'âge, a cessé ses fonctions de notaire.

5. Le 1er août 2020, il a assigné M. [J] et la nouvelle SCP ainsi que l'expert comptable de celle-ci, afin d'obtenir le paiement d'une provision de 414 600,05 euros à valoir sur les bénéfices de la SCP au titre de l'exercice 2019 et la communication sous astreinte de diverses pièces comptables et des procès-verbaux d'assemblée générale établis au cours de l'exercice 2019, puis, devant la cour d'appel, le paiement d'une provision complémentaire de 930 130 euros au titre de l'exercice 2020.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. M. [J] et la SCP font grief à l'arrêt de leur ordonner, sous astreinte, de communiquer à M. [R] les procès-verbaux des assemblées générales des exercices 2019 et 2020, alors « que pour justifier la condamnation de M. [O] [J] et de la SCP [R] [N] et [J] [O] à communiquer sous astreinte les procès-verbaux des assemblées générales établis au cours des exercices 2019 et 2020, la Cour d'appel s'est fondée sur la circonstance que ces procès-verbaux auraient une utilité pour permettre à M. [R] d'établir son droit à dividendes ; que dès lors la cassation à intervenir du chef du premier moyen, qui fait valoir que ce droit n'était pas acquis, entraînera la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif ayant ordonné la communication des procès-verbaux susvisés sous astreinte, conformément à l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Dans la mesure où il n'existe aucun lien d'indivisibilité ni de dépendance nécessaire entre le chef de dispositif ayant ordonné à M. [J] et la SCP de communiquer à M. [R] les procès-verbaux des assemblées générales des exercices 2019 et 2020, sous astreinte, et le chef de dispositif, critiqué par le premier moyen, condamnant les mêmes à payer diverses provisions à M. [R], le moyen est sans portée.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. [J] et la SCP font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à M. [R] les sommes de 414 600,05 euros et 930 130 euros à titre de provision à valoir sur sa quote-part de dividendes pour les exercices 2019 et 2020, avec intérêts et capitalisation, alors « que le juge des référés, juge de l'évidence, ne peut accorder une provision que si la demande qui lui est soumise ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; qu'au cas d'espèce pour soutenir que la demande de M. [R] tendant versement d'une provision à valoir sur sa quote-part de dividendes sur les exercices 2019 et 2020 se heurtait à une contestation sérieuse, M. [J] et la SCP faisaient valoir que MM. [J] et [R] s'étaient accordés sur le principe d'une cession de 35 % des 60 % des titres en capital détenus par M. [R] à la date du 1er janvier 2017, que ce dernier avait refusé d'exécuter son engagement tout en cessant toute activité, qu'il s'était abusivement maintenu au sein de la SCP alors qu'il avait atteint l'âge légal maximum d'exercice depuis 2019, et qu'une action était pendante devant le tribunal judiciaire de Basse-Terre afin que soit ordonnée la cession forcée de la participation dont la cession avait été promise avec effet au 1er janvier 2017, date de cession convenue entre les parties ; qu'en affirmant, pour condamner M. [J] et la SCP à verser à M. [R] une provision à valoir sur sa quote-part de dividendes au titre des exercices 2019 et 2020, que l'argumentation soutenue en défense ne permettait pas de considérer qu'il existerait une éventualité sérieuse de voir M. [R] condamné au remboursement des dividendes perçus depuis le 1er janvier 2017 et qu'aucune demande n'avait été formée devant les juges du fond à ce jour, quand l'instance pendante devant le tribunal judiciaire de Basse-Terre était de nature à priver M. [R] de la propriété de la participation promise avec effet au 1er janvier 2017 et était donc de nature à remettre en cause le droit aux bénéfices allégué par M. [R] au titre des exercices 2019 et 2020, ce dont s'inférait l'existence d'une contestation sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 835 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 835 du code de procédure civile :

9. Il résulte de ce texte qu'une provision peut être accordée au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

10. Pour condamner M. [J] et la SCP à payer à M. [R] des provisions à valoir sur sa quote-part de dividendes pour les exercices 2019 et 2020, l'arrêt retient qu'ils ne peuvent sérieusement s'opposer à sa demande en invoquant l'action engagée en exécution forcée de la convention de cession des parts sociales de la première SCP qui a été dissoute, que, même si M. [J] se prévaut d'une subrogation réelle qui aurait entraîné un report de l'accord sur les parts de la nouvelle SCP, son argumentation n'est pas de nature à considérer qu'il existerait une éventualité sérieuse de voir M. [R] condamné au remboursement des bénéfices afférents à ces parts sociales, d'autant qu'aucune demande de remboursement des bénéfices n'a encore été formée.

11. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter l'existence d'une contestation sérieuse quant aux sommes dues à M. [R] au titre des exercices 2019 et 2020, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement M. [J] et la SCP [R] [N] et [J] [O] à payer à M. [R] les sommes de 414 600,05 euros et 930 130 euros à titre de provision à valoir sur sa quote-part des dividendes pour les exercices 2019 et 2020, avec intérêts et capitalisation, l'arrêt rendu le 13 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit n'y avoir lieu à référé ;

Condamne M. [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] et le condamne à payer à M. [J] et la SCP [R] [N] et [J] [O] la somme globale de 3 000 euros ;

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