Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 21-14.666
- ECLI:FR:CCASS:2023:C100205
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 22 mars 2023
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 14 janvier 2021Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 mars 2023
Cassation partielle
Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 205 F-D
Pourvoi n° A 21-14.666
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 MARS 2023
1°/ M. [J] [X],
2°/ Mme [O] [W], épouse [X],
domiciliée [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° A 21-14.666 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige les opposant à la société Crédit immobilier de France développement (CIFD), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits elle-même aux droits de la société Crédit immobilier de France Rhône-Alpes-Auvergne (CIFRAA), défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les cinq moyens de cassation au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [X], de Mme [W], de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, après débats en l'audience publique du 7 février 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 janvier 2021), par actes notariés des 20 janvier et 16 février 2004, la société Crédit immobilier de France financière Rhône Ain, aux droits de laquelle vient la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. et Mme [X] (les emprunteurs) des prêts destinés à financer l'acquisition d'appartements en l'état futur d'achèvement.
2. Après avoir prononcé la déchéance du terme, la banque a assigné les emprunteurs en paiement des prêts.
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen, pris en ses première et troisième branches, et sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites leurs demandes au titre du dol, de les condamner à payer à la banque le solde des créances dues au titre de chacun des deux prêts, recalculé selon la décision, de dire que le solde porterait intérêt au taux contractuel jusqu'à complet règlement, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de rejeter leurs demandes, alors « que la prescription de l'exception de nullité tirée du dol de la clause stipulant l'intérêt conventionnel, contenue dans un acte de prêt ayant reçu un commencement d'exécution, ne court que du jour où le dol a été découvert ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux [X] ont fait valoir qu'ils n'avaient découvert les manoeuvres frauduleuses du CIFRAA dans l'octroi des crédits immobiliers aux clients présentés par la société Apollonia qu'à l'occasion de la mise en examen de plusieurs de ses cadres et dirigeants sociaux intervenue en 2011 ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas possible d'affirmer que la prescription n'aurait commencé à courir qu'en 2011 et que la demande d'annulation des intérêts conventionnels pour dol formée neuf ans après le début d'exécution des contrats de prêt était prescrite, la cour d'appel, qui n'a pas recherché à quelle date les emprunteurs avaient découvert les manoeuvres dolosives imputées à la banque, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. Selon ce texte, l'action en nullité d'un contrat fondée sur le dol se prescrit par un délai de cinq ans à compter du jour où le contractant a découvert le vice qu'il allègue.
6. Pour déclarer irrecevables les demandes d'annulation des stipulations des contrats relatives aux intérêts conventionnels formées par les emprunteurs sur le fondement du dol, l'arrêt retient que ces contrats, souscrits en novembre 2003 et janvier 2004, ont été exécutés jusqu'en avril 2008, que la prescription n'a pas pu commencer à courir en 2011 au moment des premières mises en examen des chefs d'escroquerie caractérisant les manoeuvres frauduleuses et qu'en conséquence, ces demandes, formées plus de neuf ans après le début de l'exécution, sont prescrites.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, la date à laquelle les emprunteurs avaient eu connaissance des manoeuvres frauduleuses dont ils se prétendaient victimes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur demande en déchéance du droit aux intérêts pour violation du code de la consommation, de les avoir condamnés à payer à la banque le solde des créances dues au titre de chacun des deux prêts, recalculé selon la décision, de dire que le solde porterait intérêt au taux contractuel jusqu'à complet règlement, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de les avoir débouter de leurs demandes, alors « que sous l'empire de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'action en déchéance du droit aux intérêts tirée de l'irrégularité de l'offre de prêt et de son acceptation se prescrivait par dix ans à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'irrégularité invoquée ; que le délai de prescription a été réduit à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 ; que selon l'article 26-II de cette loi, les dispositions qui réduisent le délai de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'il en résulte que la demande de déchéance totale du droit aux intérêts du prêteur tirée de l'irrégularité des offres de prêt acceptées les 21 novembre 2003 et 2 janvier 2004 était soumise à la prescription décennale, réduite à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, laquelle n'était pas acquise au jour de l'entrée en vigueur de cette loi, de sorte que la demande des époux [X] n'était pas prescrite lorsqu'elle a été formée par des conclusions du 21 mars 2013 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, les articles L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'article 26-II de la même loi et 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. La banque conteste la recevabilité du moyen en soutenant qu'il est nouveau.
10. Cependant, le moyen, qui n'appelle la prise en considération d'aucun élément de fait qui ne résulterait pas des constatations de l'arrêt, est de pur droit.
11. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et les articles 15 et 26, II, de cette loi :
12. Aux termes du premier texte, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. L'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels, soumise à ce délai, court du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître le manquement allégué.
13. Le deuxième a réduit de dix à cinq ans le délai de la prescription des obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants. Selon le dernier, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
14. Pour déclarer irrecevable l'action en déchéance du droit aux intérêts formée par les emprunteurs qui invoquaient une méconnaissance par la banque de l'article L. 312-7 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, l'arrêt énonce qu'une telle action est soumise au délai de prescription de cinq ans commençant à courir à compter de l'offre de crédit puis retient qu'ayant été formée par conclusions du 21 mars 2013, elle est prescrite.
15. En statuant ainsi, alors qu'en application des dispositions transitoires précitées, s'est substituée à la prescription décennale qui était en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, le 19 juin 2008, une prescription quinquennale, et que celle-ci, sauf à rétroagir, ne pouvait commencer à courir avant cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur demande de déchéance des intérêts conventionnels échus postérieurement au 8 avril 2010, de les condamner à payer à la banque le solde des créances dues au titre de chacun des deux prêts, recalculé selon la décision, de dire que le solde porterait intérêt au taux contractuel jusqu'à complet règlement, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de rejeter leurs demandes, alors « que la prescription est sans incidence sur les moyens de défense au fond lesquels peuvent être proposés en tout état de cause ; qu'en ce qu'il tend à faire rejeter comme non justifiée la demande en paiement du prêteur ayant consenti un crédit, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par l'emprunteur constitue une défense au fond ; qu'en déclarant prescrite la demande de déchéance du droit aux intérêts échus postérieurement au 8 avril 2010, laquelle tendait uniquement à faire rejeter, comme non justifiée, la demande en paiement par la banque des intérêts conventionnels échus après la déchéance du terme des deux contrats de prêt et constituait donc un moyen de défense au fond sur lequel la prescription était sans incidence, la cour d'appel a violé les articles 64, 71, 72 du code de procédure civile et des articles 2219, 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 64 et 71 du code de procédure civile :
17. Selon le premier de ces textes, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. Aux termes du second, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.
18. Il résulte de ces textes que le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par le souscripteur d'un crédit à la consommation constitue une défense au fond. L'invocation d'une telle déchéance s'analyse toutefois en une demande reconventionnelle si elle tend à la restitution d'intérêts trop perçus.
19. Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande tendant à la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels échus après la déchéance du terme, l'arrêt retient que cette demande, soumise au délai de prescription quinquennal, a été formée plus de quatorze ans après la signatures des prêts.
20. En statuant ainsi, alors que les demandeurs, qui ne formaient aucune demande en restitution d'intérêts trop perçus, invoquaient un moyen de défense au fond non soumis à la prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
21. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur demande de dommages et intérêts au titre de la responsabilité contractuelle de la banque, de les condamner à payer à la banque le solde des créances dues au titre de chacun des deux prêts, recalculé selon la décision, de dire que le solde porterait intérêt au taux contractuel jusqu'à complet règlement, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de rejeter leurs demandes, alors « que sous l'empire de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescription spéciales plus courtes ; que le délai de prescription a été réduit à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 ; que selon l'article 26-II de cette loi, les dispositions qui réduisent le délai de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'il en résulte que la demande reconventionnelle de dommages et intérêts fondée sur la violation par la banque de son obligation de contrôle, de mise en garde, d'information et de conseil lors de la conclusion des deux contrats de prêt consentis les 21 novembre 2003 et 2 janvier 2004 était soumise à la prescription décennale, réduite à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, laquelle n'était pas acquise au jour de l'entrée en vigueur de cette loi, de sorte que la demande des époux [X] n'était pas prescrite lorsqu'elle a été formée par des conclusions du 21 mars 2013 ; qu'en déclarant néanmoins cette demande prescrite, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'article 26-II de la même loi et 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
22. La banque conteste la recevabilité du moyen en soutenant qu'il est nouveau.
23. Cependant, le moyen, qui n'appelle la prise en considération d'aucun élément de fait qui ne résulterait pas des constatations de l'arrêt, est de pur droit.
24. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et les articles 15 et 26, II, de cette loi :
25. Aux termes du premier texte, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
26. Le deuxième a réduit de dix à cinq ans le délai de la prescription des obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants. Selon le dernier, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
27. Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande en paiement de dommages et intérêts formée par les emprunteurs à l'encontre de la banque sur le fondement du manquement de celle-ci à son devoir de mise en garde, l'arrêt énonce qu'une telle demande, formée pour la première fois par conclusions du 21 mars 2013, est soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil commençant à courir à compter du contrat.
28. En statuant ainsi, alors qu'en application des dispositions transitoires précitées, s'est substituée à la prescription décennale qui était en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, le 19 juin 2008, une prescription quinquennale, et que celle-ci, sauf à rétroagir, ne pouvait commencer à courir avant cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
29. Les emprunteurs font grief à l'arrêt d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige et de les avoir déboutés de leurs demandes, alors « que la règle édictée par l'article L. 312-23 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du même code ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévue par ces articles, fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par l'article 1154 du code civil devenu 1343-2 du code civil ; qu'en ordonnant la capitalisation des intérêts selon les modalités prévues par l'article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 312-23, dans sa rédaction antérieure à celle dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, et l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
30. La règle édictée par le premier de ces textes, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation d'un prêt immobilier ou de défaillance prévus par ces articles, fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par le second texte susvisé.
31. Pour ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil, l'arrêt énonce que cette capitalisation est de droit et qu'elle ne constitue pas une clause pénale.
32. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
33. La cassation des chefs du dispositif qui déclarent irrecevables comme prescrites les demandes d'annulation des stipulations des contrats relatives aux intérêts conventionnels ainsi que les demandes en déchéance de la banque de son droit aux intérêts s'étend aux chefs de dispositif qui fixent le montant des créances de la banque au titre des prêts n° 26920 et n° 27594, disent qu'il appartiendra à la banque de recalculer sa créance conformément à la décision, condamnent les emprunteurs à payer à la banque le solde des créances dues au titre de chacun des deux prêts ainsi recalculé, disent que le solde porte intérêts au taux contractuel jusqu'à complet règlement, déboutent les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, rejettent les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnent les emprunteurs aux dépens.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception de litispendance et déclare recevable les demandes formée par la société Crédit immobilier de France développement, déclare irrecevable la demande de sursis à statuer et dit n'y avoir lieu à l'ordonner, déclare irrecevable comme prescrite la demande en dommages-intérêts au titre de la responsabilité délictuelle de la banque et ordonne la réduction à un euro des indemnités de résiliation, l'arrêt rendu le 14 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société Crédit immobilier de France développement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit immobilier de France développement et la condamne à payer à M. et Mme [X] la somme de 3 000 euros ;
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 mars 2023
Cassation partielle
Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 205 F-D
Pourvoi n° A 21-14.666
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 MARS 2023
1°/ M. [J] [X],
2°/ Mme [O] [W], épouse [X],
domiciliée [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° A 21-14.666 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige les opposant à la société Crédit immobilier de France développement (CIFD), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits elle-même aux droits de la société Crédit immobilier de France Rhône-Alpes-Auvergne (CIFRAA), défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les cinq moyens de cassation au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [X], de Mme [W], de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, après débats en l'audience publique du 7 février 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 janvier 2021), par actes notariés des 20 janvier et 16 février 2004, la société Crédit immobilier de France financière Rhône Ain, aux droits de laquelle vient la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. et Mme [X] (les emprunteurs) des prêts destinés à financer l'acquisition d'appartements en l'état futur d'achèvement.
2. Après avoir prononcé la déchéance du terme, la banque a assigné les emprunteurs en paiement des prêts.
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen, pris en ses première et troisième branches, et sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites leurs demandes au titre du dol, de les condamner à payer à la banque le solde des créances dues au titre de chacun des deux prêts, recalculé selon la décision, de dire que le solde porterait intérêt au taux contractuel jusqu'à complet règlement, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de rejeter leurs demandes, alors « que la prescription de l'exception de nullité tirée du dol de la clause stipulant l'intérêt conventionnel, contenue dans un acte de prêt ayant reçu un commencement d'exécution, ne court que du jour où le dol a été découvert ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux [X] ont fait valoir qu'ils n'avaient découvert les manoeuvres frauduleuses du CIFRAA dans l'octroi des crédits immobiliers aux clients présentés par la société Apollonia qu'à l'occasion de la mise en examen de plusieurs de ses cadres et dirigeants sociaux intervenue en 2011 ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas possible d'affirmer que la prescription n'aurait commencé à courir qu'en 2011 et que la demande d'annulation des intérêts conventionnels pour dol formée neuf ans après le début d'exécution des contrats de prêt était prescrite, la cour d'appel, qui n'a pas recherché à quelle date les emprunteurs avaient découvert les manoeuvres dolosives imputées à la banque, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. Selon ce texte, l'action en nullité d'un contrat fondée sur le dol se prescrit par un délai de cinq ans à compter du jour où le contractant a découvert le vice qu'il allègue.
6. Pour déclarer irrecevables les demandes d'annulation des stipulations des contrats relatives aux intérêts conventionnels formées par les emprunteurs sur le fondement du dol, l'arrêt retient que ces contrats, souscrits en novembre 2003 et janvier 2004, ont été exécutés jusqu'en avril 2008, que la prescription n'a pas pu commencer à courir en 2011 au moment des premières mises en examen des chefs d'escroquerie caractérisant les manoeuvres frauduleuses et qu'en conséquence, ces demandes, formées plus de neuf ans après le début de l'exécution, sont prescrites.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, la date à laquelle les emprunteurs avaient eu connaissance des manoeuvres frauduleuses dont ils se prétendaient victimes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur demande en déchéance du droit aux intérêts pour violation du code de la consommation, de les avoir condamnés à payer à la banque le solde des créances dues au titre de chacun des deux prêts, recalculé selon la décision, de dire que le solde porterait intérêt au taux contractuel jusqu'à complet règlement, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de les avoir débouter de leurs demandes, alors « que sous l'empire de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'action en déchéance du droit aux intérêts tirée de l'irrégularité de l'offre de prêt et de son acceptation se prescrivait par dix ans à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'irrégularité invoquée ; que le délai de prescription a été réduit à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 ; que selon l'article 26-II de cette loi, les dispositions qui réduisent le délai de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'il en résulte que la demande de déchéance totale du droit aux intérêts du prêteur tirée de l'irrégularité des offres de prêt acceptées les 21 novembre 2003 et 2 janvier 2004 était soumise à la prescription décennale, réduite à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, laquelle n'était pas acquise au jour de l'entrée en vigueur de cette loi, de sorte que la demande des époux [X] n'était pas prescrite lorsqu'elle a été formée par des conclusions du 21 mars 2013 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, les articles L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'article 26-II de la même loi et 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. La banque conteste la recevabilité du moyen en soutenant qu'il est nouveau.
10. Cependant, le moyen, qui n'appelle la prise en considération d'aucun élément de fait qui ne résulterait pas des constatations de l'arrêt, est de pur droit.
11. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et les articles 15 et 26, II, de cette loi :
12. Aux termes du premier texte, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. L'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels, soumise à ce délai, court du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître le manquement allégué.
13. Le deuxième a réduit de dix à cinq ans le délai de la prescription des obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants. Selon le dernier, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
14. Pour déclarer irrecevable l'action en déchéance du droit aux intérêts formée par les emprunteurs qui invoquaient une méconnaissance par la banque de l'article L. 312-7 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, l'arrêt énonce qu'une telle action est soumise au délai de prescription de cinq ans commençant à courir à compter de l'offre de crédit puis retient qu'ayant été formée par conclusions du 21 mars 2013, elle est prescrite.
15. En statuant ainsi, alors qu'en application des dispositions transitoires précitées, s'est substituée à la prescription décennale qui était en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, le 19 juin 2008, une prescription quinquennale, et que celle-ci, sauf à rétroagir, ne pouvait commencer à courir avant cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur demande de déchéance des intérêts conventionnels échus postérieurement au 8 avril 2010, de les condamner à payer à la banque le solde des créances dues au titre de chacun des deux prêts, recalculé selon la décision, de dire que le solde porterait intérêt au taux contractuel jusqu'à complet règlement, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de rejeter leurs demandes, alors « que la prescription est sans incidence sur les moyens de défense au fond lesquels peuvent être proposés en tout état de cause ; qu'en ce qu'il tend à faire rejeter comme non justifiée la demande en paiement du prêteur ayant consenti un crédit, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par l'emprunteur constitue une défense au fond ; qu'en déclarant prescrite la demande de déchéance du droit aux intérêts échus postérieurement au 8 avril 2010, laquelle tendait uniquement à faire rejeter, comme non justifiée, la demande en paiement par la banque des intérêts conventionnels échus après la déchéance du terme des deux contrats de prêt et constituait donc un moyen de défense au fond sur lequel la prescription était sans incidence, la cour d'appel a violé les articles 64, 71, 72 du code de procédure civile et des articles 2219, 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 64 et 71 du code de procédure civile :
17. Selon le premier de ces textes, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. Aux termes du second, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.
18. Il résulte de ces textes que le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par le souscripteur d'un crédit à la consommation constitue une défense au fond. L'invocation d'une telle déchéance s'analyse toutefois en une demande reconventionnelle si elle tend à la restitution d'intérêts trop perçus.
19. Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande tendant à la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels échus après la déchéance du terme, l'arrêt retient que cette demande, soumise au délai de prescription quinquennal, a été formée plus de quatorze ans après la signatures des prêts.
20. En statuant ainsi, alors que les demandeurs, qui ne formaient aucune demande en restitution d'intérêts trop perçus, invoquaient un moyen de défense au fond non soumis à la prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
21. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur demande de dommages et intérêts au titre de la responsabilité contractuelle de la banque, de les condamner à payer à la banque le solde des créances dues au titre de chacun des deux prêts, recalculé selon la décision, de dire que le solde porterait intérêt au taux contractuel jusqu'à complet règlement, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de rejeter leurs demandes, alors « que sous l'empire de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescription spéciales plus courtes ; que le délai de prescription a été réduit à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 ; que selon l'article 26-II de cette loi, les dispositions qui réduisent le délai de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'il en résulte que la demande reconventionnelle de dommages et intérêts fondée sur la violation par la banque de son obligation de contrôle, de mise en garde, d'information et de conseil lors de la conclusion des deux contrats de prêt consentis les 21 novembre 2003 et 2 janvier 2004 était soumise à la prescription décennale, réduite à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, laquelle n'était pas acquise au jour de l'entrée en vigueur de cette loi, de sorte que la demande des époux [X] n'était pas prescrite lorsqu'elle a été formée par des conclusions du 21 mars 2013 ; qu'en déclarant néanmoins cette demande prescrite, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'article 26-II de la même loi et 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
22. La banque conteste la recevabilité du moyen en soutenant qu'il est nouveau.
23. Cependant, le moyen, qui n'appelle la prise en considération d'aucun élément de fait qui ne résulterait pas des constatations de l'arrêt, est de pur droit.
24. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et les articles 15 et 26, II, de cette loi :
25. Aux termes du premier texte, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
26. Le deuxième a réduit de dix à cinq ans le délai de la prescription des obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants. Selon le dernier, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
27. Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande en paiement de dommages et intérêts formée par les emprunteurs à l'encontre de la banque sur le fondement du manquement de celle-ci à son devoir de mise en garde, l'arrêt énonce qu'une telle demande, formée pour la première fois par conclusions du 21 mars 2013, est soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil commençant à courir à compter du contrat.
28. En statuant ainsi, alors qu'en application des dispositions transitoires précitées, s'est substituée à la prescription décennale qui était en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, le 19 juin 2008, une prescription quinquennale, et que celle-ci, sauf à rétroagir, ne pouvait commencer à courir avant cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
29. Les emprunteurs font grief à l'arrêt d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige et de les avoir déboutés de leurs demandes, alors « que la règle édictée par l'article L. 312-23 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du même code ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévue par ces articles, fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par l'article 1154 du code civil devenu 1343-2 du code civil ; qu'en ordonnant la capitalisation des intérêts selon les modalités prévues par l'article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 312-23, dans sa rédaction antérieure à celle dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, et l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
30. La règle édictée par le premier de ces textes, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation d'un prêt immobilier ou de défaillance prévus par ces articles, fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par le second texte susvisé.
31. Pour ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil, l'arrêt énonce que cette capitalisation est de droit et qu'elle ne constitue pas une clause pénale.
32. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
33. La cassation des chefs du dispositif qui déclarent irrecevables comme prescrites les demandes d'annulation des stipulations des contrats relatives aux intérêts conventionnels ainsi que les demandes en déchéance de la banque de son droit aux intérêts s'étend aux chefs de dispositif qui fixent le montant des créances de la banque au titre des prêts n° 26920 et n° 27594, disent qu'il appartiendra à la banque de recalculer sa créance conformément à la décision, condamnent les emprunteurs à payer à la banque le solde des créances dues au titre de chacun des deux prêts ainsi recalculé, disent que le solde porte intérêts au taux contractuel jusqu'à complet règlement, déboutent les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, rejettent les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnent les emprunteurs aux dépens.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception de litispendance et déclare recevable les demandes formée par la société Crédit immobilier de France développement, déclare irrecevable la demande de sursis à statuer et dit n'y avoir lieu à l'ordonner, déclare irrecevable comme prescrite la demande en dommages-intérêts au titre de la responsabilité délictuelle de la banque et ordonne la réduction à un euro des indemnités de résiliation, l'arrêt rendu le 14 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société Crédit immobilier de France développement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit immobilier de France développement et la condamne à payer à M. et Mme [X] la somme de 3 000 euros ;
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