vendredi 28 avril 2023

Procédure : notion de "prétentions énoncées au dispositif et de moyens invoqués dans la discussion.au soutien de ces prétentions"

Voir note :G. Chevalier :

https://www.village-justice.com/articles/dire-juger-vers-fin-une-aberrante-saga-procedurale,45997.html?mtm_campaign=newsletter_Village

Note M. Carius, SJ G 2023, p. 1105

Note R. Laffly, Procédure 2023-6, p. 12

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2023




Cassation partielle


Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 392 F-D

Pourvoi n° P 21-21.463






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023


M. [E] [R], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 21-21.463 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Grave-Randoux, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Consultae,

2°/ à Mme [H] [B], épouse [G], domiciliée [Adresse 2],

3°/ au procureur général près la cour d'appel d'Amiens, domicilié [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [R], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de Mme [B], épouse [G], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Vendryes, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 24 juin 2021), par jugement du 11 mai 2015, un tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de la société Consultae, placée initialement en redressement judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 11 novembre 2013, la société Graves-Randoux (le liquidateur) ayant été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

2. Par acte du 9 mai 2018, le liquidateur a assigné Mme [G] et M. [R] devant un tribunal de commerce afin d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement d'une somme, sur le fondement de la responsabilité pour insuffisance d'actif ainsi que pour entendre prononcer des sanctions à leur encontre. Par jugement du 18 septembre 2020, le tribunal a notamment débouté M. [R], débouté le liquidateur de ses demandes à l'égard de Mme [G], condamné M. [R] à payer au liquidateur une somme avec intérêts au taux légal, et dit qu'il n'y a pas lieu à sanctions commerciales à son encontre.

3. M. [R] a interjeté appel de la décision par déclaration enregistrée le 29 septembre 2020.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [R] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Grave-Randoux, en qualité de mandataire liquidateur de la société Consultae, la somme de 80 527,18 euros avec intérêts au taux légal à compter de son arrêt et capitalisation annuelle desdits intérêts et de prononcer à son encontre une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale ainsi que toute personne morale, d'une durée de huit ans, alors « que, tenue de respecter, en toutes circonstances, le principe de loyauté des débats judiciaires, une cour d'appel ne peut, en prétendant soumettre leur présentation à un formalisme excessif, s'affranchir de son obligation de statuer sur toutes les prétentions récapitulées dans le dispositif des conclusions de l'appelant, dont le libellé est libre et ne requiert l'emploi d'aucune formule sacramentelle ; qu'en l'espèce, après avoir conclu dans le dispositif de ses dernières écritures à l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle avait rejeté ses moyens de nullité de l'assignation et d'irrecevabilité, M. [R] avait demandé à la cour d'appel de constater les diverses irrégularités qui émaillaient l'assignation introductive d'instance du liquidateur judiciaire et, en conséquence, de « dire et juger » que ces irrégularités « constituaient un élément substantiel et de fond susceptible d'entrainer la nullité de l'assignation », et encore, de « dire et juger en toute hypothèse que les modes de convocation et de représentation en justice en vue d'une sanction patrimoniale ou professionnelle constituent des fins de non-recevoir en application de l'article 122 du code de procédure civile » ; que cette formulation, eût-elle été perfectible sur le plan purement rédactionnel, ne faisait naître aucun doute raisonnable sur la saisine de la cour d'appel de véritables prétentions tendant à voir prononcer la nullité de l'assignation introductive d'instance et l'irrecevabilité des demandes formées par l'appelant ; que dès lors, en considérant qu'elle n'était pas saisie de telles demandes, motif pris qu'elles avaient été introduites par la formule « dire et juger », ce qui les ramèneraient au rang de simple moyens, la cour d'appel a violé les articles 954 du code civil et 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe de loyauté procédurale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

7. Pour dire qu'elle ne statuera que sur les demandes présentées sur le fond du dossier, la cour d'appel énonce que les « dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi, que l'appelant sollicite l'infirmation de la décision en ce qu'elle rejette les moyens de nullité de l'assignation et d'irrecevabilité mais ne demande pas le prononcé de la nullité de l'assignation ou le prononcé de l'irrecevabilité des demandes.

8. En statuant ainsi, alors que l'appelant demandait, dans le dispositif de ses conclusions, de dire et juger que les irrégularités affectant l'exploit introductif d'instance constituent un élément substantiel et de fond susceptible d'entraîner la nullité de l'assignation, et de dire et juger que les modes de convocation et de représentation en justice en vue d'une sanction patrimoniale professionnelle, constituent des fins de non-recevoir en application de l'article 122 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui était tenue d'examiner ces prétentions, a violé le textes et le principe susvisés.

Mise hors de cause

9. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause Mme [G], dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

MET HORS DE CAUSE Mme [G] ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement en ses dispositions concernant Mme [B], épouse [G], l'arrêt rendu le 24 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société Grave-Randoux, en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Consultae, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.