vendredi 28 avril 2023

Ni les motifs du jugement ni ceux de l'arrêt confirmatif, fussent-ils le soutien nécessaire des dispositifs de ces décisions, n'ont l'autorité de la chose jugée

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2023




Cassation


Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 390 F-D

Pourvoi n° M 18-24.600





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023


La société CIC Est, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 18-24.600 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2018 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile - section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [N] [F], domicilié [Adresse 1],

2°/ à Mme [P] [Y], épouse [F], domiciliée [Adresse 1], en liquidation judiciaire, représentée par M. [D], liquidateur, domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société CIC Est, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [Y], épouse [F], en liquidation judiciaire, représentée par M. [D], liquidateur, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Vendryes, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 septembre 2018), et les productions, M. et Mme [F] ont acheté un fonds de commerce pour l'acquisition et le fonctionnement duquel la banque CIC Est (la banque) a consenti différents concours. Invoquant sa décision brutale de mettre fin à une autorisation de découvert bancaire, Mme [F], représentée par le mandataire liquidateur et M. [F] ont assigné la banque devant un tribunal de grande instance et par jugement du 26 août 2011, le tribunal a condamné la banque à payer à Mme [F] la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts et réservé ses droits s'agissant de la demande d'indemnisation à raison de la perte du fonds de commerce évalué à 250 000 euros et de la demande d'indemnisation à raison de la perte de marge brute d'exploitation sur quatre ans évaluée à 100 000 euros, l'invitant à produire les bilans de 2006, 2007, 2008 et à justifier de l'impossibilité de revendre le fonds de commerce dans le cadre de la liquidation judiciaire et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure à cette fin. Par arrêt du 18 décembre 2013, la cour d'appel de Colmar a confirmé ce jugement.

2. Mme [F], représentée par le mandataire liquidateur et M. [F] ont assigné la banque devant un tribunal de grande instance aux fins de dédommagement à raison de la perte du fonds de commerce. Déboutés de leurs demandes par jugement du 18 novembre 2016, ils ont interjeté appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande tendant à être dégagée de sa responsabilité à raison de la rupture brutale de l'autorisation de découvert en compte courant eu égard à l'autorité de chose jugée de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Colmar du 18 décembre 2013, de la condamner à payer à Mme [F], représentée par M. [D], liquidateur, la somme totale de 277 908,35 euros à titre de dommages-intérêts, et à M. [F] la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts, de dire que les indemnités seront augmentées des intérêts au taux légal, capitalisables dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, à compter du présent arrêt, alors « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'espèce, le jugement du 26 août 2011, confirmé par l'arrêt du 18 décembre 2013, qui retenait que le CIC Est avait engagé sa responsabilité à l'égard de Mme [P] [F] à raison de la rupture brutale et sans notification de préavis, en janvier 2009, du crédit accordé, ne constatait pas, en son dispositif, l'existence d'un préjudice réparable tenant à la perte de son fonds de commerce et à la perte des revenus de son activité commerciale ; qu'en retenant que ce jugement du 26 août 2011, confirmé par l'arrêt du 18 décembre 2013, avait autorité de chose jugée en ce qu'il avait constaté l'existence d'un préjudice tenant à la perte par Mme [P] [F] de son fonds de commerce et à la perte des revenus de son activité commerciale, relevant de la responsabilité du CIC Est à raison de la rupture brutale début janvier 2009, sans notification de préavis, d'une autorisation de découvert constante et ancienne, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu l'article 1355, du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ces textes que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif.

5. Pour déclarer irrecevable la demande de la banque tendant à l'examen du principe de sa responsabilité quant aux préjudices causés par la rupture brutale de l'autorisation de découvert en compte courant, l'arrêt retient que par jugement du 26 août 2011, confirmé par un arrêt du 18 décembre 2013, il a été définitivement statué sur le principe de la responsabilité de la banque, y compris à raison du préjudice résultant de la perte de fonds de commerce et de la perte de revenus.

6. En statuant ainsi, alors que ni les motifs du jugement ni ceux de l'arrêt confirmatif, fussent-ils le soutien nécessaire des dispositifs de ces décisions, n'ont l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne M. [F] et Mme [F], représentée par M. [D], liquidateur, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

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