mardi 26 janvier 2021

Ce n'était pas un EPERS, mais l'activité exercée ne correspondait pas à celle déclarée à l'assureur...

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 janvier 2021




Déchéance partielle et rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 47 F-D

Pourvoi n° B 19-13.371




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 JANVIER 2021

1°/ M. I... H...,

2°/ Mme E... K..., épouse H...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° B 19-13.371 contre deux arrêts rendus les 19 février 2018 et 7 janvier 2019 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société MJ corp, dont le siège est [...] , mission conduite par Mme Y... Q..., prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Gandoin, aux droits de laquelle vient la SELARL MJ corp en la personne de M. O... S..., pris en qualité de mandataire ad hoc de la société Gandouin,

2°/ à la société Norsilk, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , et ayant un établissement [...] ,

3°/ à la société Monceau générale assurances, société anonyme, dont le siège est [...] ,

4°/ à la société France contreplaqué, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , exerçant sous l'enseigne Barillet,

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Renard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme H..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société France contreplaqué, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Norsilk, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Monceau générale assurances, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Renard, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à M. et Mme H... de leur reprise d'instance à l'égard de la SELARL MJ corp, prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Gandoin.

Déchéance partielle du pourvoi examinée d'office

2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code.

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

3. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur à la cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

4. M. et Mme H... se sont pourvus en cassation contre l'arrêt du 19 février 2018 en même temps qu'ils se sont pourvus contre l'arrêt du 7 janvier 2019, mais leur mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de la première de ces décisions.

5. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 19 février 2018.

Faits et procédure

6. Selon les arrêts attaqués (Orléans, 19 février 2018 et 7 janvier 2019), M. et Mme H... ont confié à la société Gandouin, depuis en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Monceau générale assurances, des travaux d'aménagement de combles avec modification de la structure de la charpente.

7. La société France contreplaqué a fourni à la société Gandouin des matériaux fabriqués par la société Metsawood, devenue la société Norsilk.

8. Se plaignant de désordres, M. et Mme H... ont, après expertise, assigné les sociétés Gandouin, Monceau générale assurances, Norsilk et France contreplaqué en indemnisation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Énoncé du moyen

9. M. et Mme H... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre la société Norsilk, alors :

« 1°/ que le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du code civil à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la décision attaquée que le fabricant des poutres Kerto S s'était vu adresser une « Demande d'étude » concernant un « aménagement de combles Kerto® » étant précisé que « la longueur des faux entraits était à définir
», le document ne mentionnant pas le nombre de poutres commandées ; que le fabricant avait répondu : « Comme suite à votre demande de vérification de dimensionnement relative à l'affaire citée en référence, nous vous prions de bien vouloir trouver ci-joint le résultat de notre démarche avec les hypothèses retenues dans ce cadre (chargements et géométrie). Conformément à la problématique soulevée, nous avons abouti au dimensionnement suivant : - Entrait KS 36 x 300 / Arbalétrier KS 36 x 225 - Largeur habitable finie optimisée pour cette combinaison de composants : - Largeur brute 4740 mm (cotes finies 4650 sur la base de deux cloisons de 45 mm d'épaisseur), - Hauteur libre brute : 2500 mm » ; qu'il s'en évinçait que le fabricant des poutres Kerto S n'avait pas seulement fourni un produit standard, mais un produit répondant aux besoins spécifiques du chantier qu'il a lui-même étudié ; qu'en affirmant cependant, pour écarter l'application de l'article 1792-4 du code civil, qu'il n'était pas établi que le fabricant a procédé à la fabrication et à la coupe des panneaux de bois sur mesure pour la charpente construite par la société Gandouin, mais seulement conseillé son revendeur sur l'épaisseur et la hauteur des panneaux Kerto S pour une largeur habitable donnée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1792-4 du code civil ;

2°/ que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le fabricant des poutres Kerto S avait été consulté « pour déterminer le type de section de panneaux de bois adapté au projet » et qu'il avait « indiqué à la société France contreplaqué les épaisseurs et hauteurs des sections Kerto S selon les éléments de charpente sollicité » ; qu'elle a encore relevé que le rapport d'expertise constatait que « la section des poutres Kerto S est faible » ; qu'il s'en évinçait que la responsabilité du fabricant était engagée pour avoir préconisé des poutres dont la section était insuffisante alors qu'il avait précisément été consulté sur ce point et avait accepté de déterminer le type de section de panneaux de bois adapté au projet ; qu'en écartant cependant la responsabilité de la société Norsilk au prétexte que « S'agissant du bois fourni, si le rapport d'expertise mentionne que "la section des poutres Kerto S est faible", il ne précise pas si ce sont les longueurs, ou au contraire les hauteurs et épaisseurs des sections Kerto S sur lesquelles la société Metsa Wood s'était prononcée, qui présentent un lien avec les désordres », la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les écrits à leur appréciation ; que la « section » d'une poutre désigne la « dimension d'une coupe plane transversale » (cf. dictionnaire Larousse notamment) ; qu'ainsi, lorsque le rapport d'expertise énonce que « la section des poutres Kerto S est faible », il ne se réfère pas à leur longueur mais dénonce clairement le fait que leur calibre, par opposition à leur longueur, est insuffisant ; que la cour d'appel ne pouvait donc pas, sans méconnaitre le sens clair et précis du rapport d'expertise, affirmer que « S'agissant du bois fourni, si le rapport d'expertise mentionne que "la section des poutres Kerto S est faible", il ne précise pas si ce sont les longueurs, ou au contraire les hauteurs et épaisseurs des sections Kerto S sur lesquelles la société Metsa Wood s'était prononcée, qui présentent un lien avec les désordres » ; qu'il en résulte que la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise et a violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

10. D'une part, la cour d'appel a retenu que la société Norsilk avait été consultée afin de satisfaire à son devoir d'information pour déterminer le type de section de panneaux de bois adapté au projet et non les mesures nécessaires à la réalisation de la charpente de M. et Mme H..., qu'elle avait seulement conseillé son revendeur sur « l'épaisseur et la hauteur des panneaux Kerto S pour une largeur habitable donnée », qu'elle n'avait pas procédé à la fabrication et à la coupe des panneaux de bois sur mesure pour la charpente construite par la société Gandouin et qu'aucun plan de charpente n'avait été établi, de sorte que la société Norsilk n'avait pu réaliser les sections de Kerto S spécifiquement pour la charpente.

11. Elle en a exactement déduit que les matériaux fournis par la société Norsilk ne constituaient pas des éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire du fabricant sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil.

12. D'autre part, la cour d'appel a relevé que, selon l'expert, la société Gandouin avait procédé à une mauvaise réalisation de la modification de la charpente en comble aménageable ayant causé une déformation de l'ensemble des plafonds, liée notamment à l'absence d'étude de charpente, au manque de fixation sur gousset et flambement des fermes, à une fixation faible sur un seul gousset et potelet de fermette, à l'absence d'anti-flambement et contreventement d'entretoise, au manque de fixation sur entrée de fermette sur poutre Kerto.

13. Elle a retenu, sans dénaturation, que, si le rapport d'expertise mentionnait que la section des poutres était « faible », l'expert avait indiqué que c'était la faiblesse des assemblages qui fragilisait l'ensemble de la charpente et non les sections choisies.

14. Elle a pu en déduire que M. et Mme H... ne rapportaient pas la preuve d'une faute délictuelle commise par la société Norsilk qui leur aurait causé un préjudice.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.



Sur le second moyen

Énoncé du moyen

16. M. et Mme H... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre la société Monceau générale assurances, alors :

« 1°/ que l'assureur qui fournit à son assuré une attestation destinée à être présentée au maître de l'ouvrage, ne mentionnant aucune restriction quant aux activités déclarées, n'est plus recevable à opposer au tiers lésé les restrictions opposables à son assuré ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la décision attaquée que l'attestation d'assurance remise aux époux H...-K... indiquait que la garantie était accordée pour les activités suivantes « 2.6 - Pose de charpentes courantes et structures bois hors lamellé collé. 2.7- Fabrication suivie de pose de charpentes courantes et structures bois hors lamellé collé. » et « 4,9 - Fourniture et pose (cloisons placoplâtre, bois) à structures métalliques ou bois. » ; qu'il n'était pas précisé que ces activités n'incluaient pas les transformations de charpente visant à aménager des combles ; que de telles transformations devaient dès lors être regardées comme incluses dans le champ de garantie accordée pour l'activité de pose de charpentes ; qu'en se référant cependant au contenu du contrat d'assurance pour en déduire que puisque l'assuré n'avait pas déclaré l'activité 2.8 « aménagements de combles par transformation de charpentes », la garantie de l'assureur n'était pas due, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble les articles 1134 et 1165 du code civil dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et les articles L. 241-1 et L. 243-8 du code des assurances ;

2°/ que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, les époux H...-K... soutenaient que, à tout le moins, il fallait retenir que la société Monceau générale assurances avait manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas l'attention de la société Gandouin sur la nécessité pour elle de souscrire une garantie au titre de l'activité 2,8 « aménagements de combles par transformation de charpentes » compte tenu de sa qualité de charpentier et que ce manquement leur avait causé un préjudice ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions avant de débouter les époux H...-K... de toutes leurs demandes à l'encontre de la société Monceau générale assurances, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

17. La cour d'appel a relevé que l'attestation remise aux maîtres de l'ouvrage mentionnait que la société Gandoin avait notamment déclaré les activités de fabrication et de pose de charpentes courantes, mais n'avait pas déclaré celle d'« aménagements de combles par transformation de charpentes. »

18. Elle a retenu que, les travaux réalisés par la société Gandouin ayant consisté en un aménagement de combles perdus par transformation de la charpente afin de les rendre habitables, il ne pouvait pas s'agir d'une simple pose de charpente telle que prévue aux activités garanties.

19. Elle en a déduit à bon droit, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes alors qu'il n'était pas démontré que la société Monceau générale assurances aurait eu connaissance de cette activité, que la garantie de l'assureur ne pouvait pas s'appliquer.

20. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE LA DÉCHÉANCE du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 19 février 2018 ;

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt du 7 janvier 2019 ;

Condamne M. et Mme H... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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