mardi 8 juillet 2014

Prescription (régime ancien) - Responsabilité décennale du vendeur : forclusion

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 24 juin 2014
N° de pourvoi: 13-14.780
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Piwnica et Molinié, SCP Richard, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que Mme X... recherchait, sur le fondement de l'article 1792 et suivants du code civil, la responsabilité de la société d'HLM de la Guadeloupe (la société d'HLM) pour les désordres affectant l'appartement qu'elle lui avait acheté et que cette société revendiquait et établissait sa qualité de constructeur, relevé que la réception de l'immeuble était intervenue le 5 mars 1990 et que Mme X... avait engagé son action devant le juge des référés le 19 juin 2000 et retenu qu'elle ne démontrait pas que la société d'HLM avait reconnu sa responsabilité en qualité de constructeur par les deux courriers qu'elle lui avait adressés en 1998, qui ne répondaient pas à une mise en cause de sa responsabilité en cette qualité et ne visaient qu'à la mise en chantier de l'ensemble de la résidence, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de changer la dénomination ou le fondement juridique de la demande de Mme X..., a exactement déduit de ces seuls motifs que son action était irrecevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action exercée par Mme X... aux fins de réparer les désordres affectant son appartement et d'indemniser les préjudices subis,
AUX MOTIFS QUE sur l'appel du jugement du tribunal de grande instance de Pointe à Pitre en date du 7 juillet 2005, sur la responsabilité de droit commun, que le jugement a pu rappeler que les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu contre les personnes tenues de cette garantie à une action en réparation sur un autre fondement ; que la raisonnement tenu par Mme X... pour échapper à cette exclusion du droit commun est de soutenir que la Sté HLM ne serait pas tenue à aucune garantie car elle ne serait pas constructeur mais vendeur ; que ce raisonnement n'est fondé ni en droit car le vendeur est bien tenu à garantie, celle fondée sur les vices cachés, ni en fait, car la Sté HLM est en l'espèce vendeur et constructeur ; que Mme X... n'explique pas quelle serait cette responsabilité de droit commun du constructeur vendeur qui ne serait ni la garantie décennale du constructeur ni celle des vices cachés du vendeur ; que cette demande est dénuée de tout fondement ; que sur la garantie décennale, tout en ayant soutenu à titre principal que la Sté HLM n'avait pas la qualité de constructeur au sens de l'article 1792-1 du code civil et n'était pas tenue à la garantie décennale, Mme X... demande à titre subsidiaire le bénéfice de la garantie décennale ; que la Sté HLM ayant elle aussi revendiqué et établi sa qualité de constructeur de l'immeuble et l'existence de désordres qui compromettent la solidité de l'immeuble, il y a lieu de faire application des règles de la garantie décennale édictée par les articles 1792 et s. du code civil ; que la Sté HLM soutient alors que Mme X... serait forclose ; qu'il n'est pas contesté que la réception est intervenue le 5 mars 1990, et que l'action a été exercée le 19 juin 2000, lorsque Mme X... a assigné en référé la Sté HLM aux fins de désignation d'un expert ; que le premier juge a donc constaté l'écoulement du délai décennal ; que Mme X... critique cette décision en invoquant l'article 2248 ancien du code civil, et soutient que la Sté HLM a reconnu le principe de sa responsabilité dans la survenance des dommages subis antérieurement à l'écoulement du délai de prescription, ce que conteste la Sté HLM ; que sur l'interruption de la prescription décennale, le délai de prescription peut être interrompu par une reconnaissance de responsabilité par le constructeur, à la condition qu'elle soit volontaire et non équivoque ; que ni une expertise ni des pourparlers en cours ne peuvent suffire à suspendre le délai de prescription ; que Mme X... invoque comme acte interruptif manifestant une reconnaissance de responsabilité le courrier en date du 24 septembre 1999 adressée par la Cie d'assurances ACTE IARD à la Sté HLM et rédigé comme suit : « nous notons que la fuite sur canalisation d'alimentation en eau encastrée dans la dalle de l'appartement de Mme X..., ayant fait l'objet de notre accord de garantie, en date du 9 août 1999, a entraîné des dommages consécutifs dans l'appartement de Mme Y... que nous acceptons également de prendre en charge » ; que ce courrier émane de l'assureur et est relatif à un sinistre de dégât des eaux ponctuel lié à une fuite de canalisation dans l'appartement n° 50, appartenant à une dame Y..., sinistre indemnisé pour 23 993 ¿ et mis à la charge de l'entreprise CAMELEC ; que les désordres qui sont à l'origine du présent litige, sont totalement différents, s'agissant d'infiltrations diffuses sur l'ensemble du bâtiment par suite de pénétration d'eau par les façades ; que de plus, ce n'est pas la Sté HLM qui a diligenté l'expertise, destinée à faire évaluer les travaux et procéder aux réparations suite au sinistre dégâts des eaux, puisque la déclaration de sinistre résulte d'une mise en cause de l'assureur multirisque MAIF de Mme X... ; que cette reconnaissance de garantie de la part de l'assureur ne peut donc avoir interrompu le délai de prescription vis à vis du constructeur ; que le premier courrier que Mme X... invoque à titre de fait interruptif manifestant une reconnaissance de responsabilité par la Sté HLM est le courrier du 29 septembre 1999 par lequel la Sté HLM demande à Mme X... de laisser visiter son appartement et ainsi rédigé : « objet : recensement général, Madame Monsieur, lors du recensement réalisé dans votre propriété, et qui était relatif à la déclaration de sinistre, relevant de la décennale, votre appartement n'a pas fait l'objet de la visite de l'expert. Nous voulons procéder à la réalisation des réparations après consultation des entreprises sur la base des indemnisations proposées par la compagnie d'assurance. Pour éviter de réaliser des travaux par intermittence, nous souhaitons que l'ensemble de la résidence soit en chantier en même temps. Pour cette impérieuse et urgente obligation, je vous serais gré¿ » ; que le deuxième courrier faisant suite au premier est le courrier du 29 septembre 1998, par lequel le Sté HLM informe Mme X... de la visite d'un expert architecte pour procéder aux réparations de son logement ; que ces courriers sont bien relatifs aux désordres faisant l'objet du présent litige, mais ils ne peuvent être considérés comme une reconnaissance de responsabilité du constructeur vis à vis de Mme X... car ils ne répondent pas à une mise en cause de la Sté HLM en qualité de constructeur, par Mme X..., et semblent avoir été envoyés par la Sté HLM en sa qualité de syndic de la copropriété ; que dans ces conditions, Mme X... ne démontre pas que la Sté HLM ait reconnu sa responsabilité en qualité de constructeur ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de Mme X... ; que Mme X... demande que le jugement soit infirmé en ce qu'il a jugé que l'action en garantie décennale était exclusive de l'action en garantie des vices cachés de droit commun de l'article 1641 du code civil, mais, s'agissant de simples motifs, il n'y a pas lieu de les infirmer ; que sur la mise en cause de l'assureur, il ne peut être recherché que sur le fondement de la garantie décennale, que l'action formée contre elle est prescrite, que sa mise hors de cause s'impose ;
1) ALORS QU'il appartient au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, et il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux, sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; que pour écarter la responsabilité de droit commun de la Sté HLM de la Guadeloupe, la cour d'appel a relevé que Mme X... n'expliquait pas quelle serait la responsabilité contractuelle de la Sté HLM, constructeur et vendeur, qui ne serait ni la garantie décennale du constructeur ni celle des vices cachés du vendeur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui a méconnu la faculté d'exercer une action en responsabilité ayant pour objet la réparation des dommages ne présentant pas la gravité requise pour fonder la garantie décennale, faute d'atteinte à la solidité de l'immeuble ou de le rendre impropre à sa destination mais a exigé de Mme X... qu'elle s'explique sur le fondement de l'action en responsabilité de droit commun dont elle était saisie et qu'elle-même aurait dû, d'office et en tout état de cause, relever a, en statuant ainsi, violé l'article 12 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE statuant sur la garantie décennale invoquée, à titre subsidiaire, par Mme X..., la cour d'appel s'est bornée à relever que la Sté HLM avait établi sa qualité de constructeur et l'existence de désordres compromettant la solidité de l'ouvrage et qu'il y avait lieu à faire application des règles de la garantie décennale de l'article 1792 et s. du code civil ; qu'en statuant ainsi, sans constater que les désordres allégués relevaient bien de ces dispositions et que les conditions légales de la garantie étaient bien réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et s. du code civil ;
3) ALORS QUE conformément à l'article 2248 ancien du code civil, applicable en l'espèce, la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait ; que pour décider que la Sté HLM n'avait pas reconnu, par ses courriers du 29 septembre 1999, sa responsabilité quant aux désordres allégués par Mme X..., la cour d'appel a retenu que ces courriers étaient relatifs aux désordres, objet du litige, mais qu'il « semblait » que la Sté HLM avait adressé ces courriers à Mme X... comme aux autres propriétaires concernés, pour organiser les travaux de réparation, en qualité de syndic de la copropriété ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui a ôté à ce courrier tout effet interruptif de prescription en considération de la qualité, supposée, de syndic de copropriété de la Sté HLM, ce qui ne privait pas l'acte de la reconnaissance de responsabilité qu'il comportait, a violé le texte susvisé.



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