jeudi 17 juillet 2014

Construction : dommages immatériels non couverts par l'assurance décennale obligatoire

Voir note Charbonneau, RTDI 2014, n° 2, p. 29.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 11 février 2014
N° de pourvoi: 12-35.323
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Terrier (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boutet, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, le 9 octobre 2012), que l'association Le Lycée Tricastin-Baronnies (l'association) a confié à la société X... frères (société X...) des travaux de transformation d ¿ une chapelle en salles de classe ; que l'association, depuis en redressement judiciaire, a, après expertise, assigné la société X... et son assureur, la société Axa France IARD (société Axa), en indemnisation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Axa fait grief à l'arrêt de déclarer la société X... seule responsable des désordres de nature décennale, dire qu'elle lui doit son entière garantie, et la condamner, in solidum avec cette société, à payer une somme à l'association, alors selon le moyen, que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve ; que, dès lors, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations, en violation de l'article 1792-6, alinéa 1er, du code civil, la cour d'appel qui a retenu l'existence d'une réception sans réserve du maître de l'ouvrage, l'association, par l'acte du 30 octobre 1999 intitulé « constat de réception des travaux » signé par M. Y...après avoir constaté que celui-ci n'avait pourtant pas reçu de délégation de pouvoirs de l'association ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le constat de réception des travaux du 30 octobre 1999 était porteur du tampon du lycée avec la signature de M. Y..., à l'époque adjoint au proviseur, et établissait clairement la commune intention des parties, la cour d'appel, devant laquelle l'association n'a pas contesté la validité de l'acte de réception en l'absence d'une délégation de pouvoir de M. Y..., a pu en déduire l'existence d'une réception expresse des travaux ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Axa fait le même grief à l'arrêt, alors selon le moyen :

1°/ que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, de sorte qu'il appartient à celui qui se prévaut d'une inexécution d'un contrat d'entreprise, dont l'existence est contestée, d'en établir l'existence et le contenu ; qu'en retenant dès lors la responsabilité exclusive de la société X... dans les désordres invoqués par l'association Le Lycée Tricastin-Baronnies après avoir constaté que cette dernière ne produisait pas diverses pièces dont elle n'était pas en mesure de justifier, que l'organisation des relations contractuelles était difficile à déterminer et qu'il était impossible de savoir si le travail était intervenu sur plan, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

2°/ qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en retenant dès lors que la conception du projet a été réalisée par la société X..., seule en mesure de l'établir, en raison de l'incompétence du maître d'ouvrage au titre de la maîtrise d'oeuvre de conception et d'exécution, tout en constatant qu'il était impossible de savoir si le travail était intervenu sur plans et dans l'affirmative quelle partie les avait établis, la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il n'était pas contesté que les travaux, ayant fait l'objet d'un marché signé le 10 juin 1999, avaient été réalisés par la seule société X... et retenu que bien que l'organisation des relations contractuelles ait été difficile à déterminer compte tenu de la confusion des rôles, de l'impossibilité de savoir si le travail était intervenu sur plans et dans l'affirmative, quelle partie les avait établis et enfin, des dysfonctionnements ayant affecté la gestion de l'établissement scolaire, il ressortait des pièces et écritures versées aux débats que le défaut de maîtrise d'oeuvre était un choix économique de l'association qui s'en était remise à la seule société X..., que celle-ci, tenue d'une obligation de conseil, ne pouvait en rejeter la seule responsabilité sur le maître de l'ouvrage qui s'était également abstenu de toutes études de faisabilité préalable, que la société X... était fautive d'avoir accepté d'intervenir dans de telles conditions, et que l'absence totale de compétence de l'association en matière de construction ne permettait pas d'envisager que le maître de l'ouvrage se soit chargé de la maîtrise d'oeuvre de conception et d'exécution, la cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu en déduire que la conception du projet avait été réalisée par la société X..., seule en mesure de l'établir et que la société X... était responsable des désordres ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Vu les articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances ;

Attendu que pour condamner in solidum la société Axa avec la société X... à payer à l'association une somme, l'arrêt retient que la réparation intégrale du dommage devant inclure les préjudices annexes et la police d'assurance souscrite par la société X... n'excluant pas les dommages immatériels, la société Axa doit sa garantie à l'entrepreneur ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des articles L. 241-1 et A 243-1 du code des assurances que l'assurance obligatoire de la responsabilité du constructeur, qui garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué, ne s'étend pas, sauf stipulations contraires, aux dommages immatériels, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si ce préjudice était couvert par la police, n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 1792 du code civil ;

Attendu que pour évaluer l'indemnité due à l'association au titre des travaux de reprise, l'arrêt retient que la société X... ne saurait supporter, du fait de l'attitude du maître de l'ouvrage qui a restreint au maximum ses frais, ni les frais d'études, de maîtrise d'oeuvre et de bureau de contrôle non financés initialement, ni la fourniture de divers éléments d'équipement et leurs frais de pose ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir écarté une acceptation des risques du maître de l'ouvrage et retenu que la société X... n'établissait pas avoir exprimé des réserves ou attiré l'attention de ce dernier sur les conséquences de ses choix techniques moins onéreux, et alors que le maître de l'ouvrage doit être replacé dans la situation où il se serait trouvé si l'ouvrage avait été livré sans vices, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum la société X... et la société Axa France IARD à payer à l'association Le Lycée Tricastin-Baronnies la somme de 327 626, 38 euros, l'arrêt rendu le 9 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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