Voir notes :
- Houtcieff, Gaz. Pal. 2014, n° 183, p. 18.
- Bacache, SJ G 2014, p. 2339.
Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 6 février 2014
N° de pourvoi: 13-10.540 13-10.745
Publié au bulletin Rejet
Mme Flise , président
M. Breillat, conseiller rapporteur
M. Lautru, avocat général
SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Vincent et Ohl, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Ordonne la jonction des pourvois n° A 13-10. 540 et n° Y 13-10. 745 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 10 septembre 2012), que la société La Txalupa, ayant Mme Nathalie X..., épouse Y..., pour gérante, a acquis, le 12 avril 1999, un fonds de commerce de café-bar-restaurant au moyen de deux prêts souscrits auprès de deux établissements différents et pour le remboursement desquels celle-ci et M. Albert X..., son père (les consorts X...), se sont portés cautions avec affectation hypothécaire d'un immeuble leur appartenant ; que dans la nuit du 24 au 25 mars 2004, un incendie ayant détruit le fonds de commerce, la société La Txalupa a demandé la prise en charge du sinistre à la société Generali (l'assureur) auprès de laquelle elle avait souscrit une police d'assurance multirisque le 24 février 2003 ; que celle-ci a refusé sa garantie et a déposé une plainte contre X avec constitution de partie civile pour destruction volontaire et tentative d'escroquerie qui a abouti à une ordonnance de non-lieu du 9 décembre 2005 ; que la société Txalupa a été, entre temps, mise en liquidation judiciaire par jugement du 18 octobre 2004 ; que le 5 juillet 2010, les consorts X... ont assigné l'assureur en indemnisation des préjudices subis du fait de son refus de garantie ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° A 13-10. 540 :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable, comme non prescrite, l'action des consorts X... en paiement de diverses sommes au titre de celles définitivement exposées en remboursement des créanciers de la société La Txalupa, de la moins-value réalisée à l'occasion de la vente amiable en urgence du bien hypothéqué, des frais de mise en vente et en réparation de leur préjudice moral, de dire que sa responsabilité délictuelle était engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil à l'égard des consorts X... en leur qualité de cautions et de le condamner à payer à ceux-ci une certaine somme restée à leur charge après désintéressement des créanciers, alors, selon le moyen :
1°/ que la caution de l'assuré qui exerce son recours contre l'assureur n'est pas un tiers au sens de l'article L. 114-1 du code des assurances, de sorte que la prescription biennale peut lui être opposée ; qu'au cas d'espèce, en se bornant, pour écarter l'exception de prescription de l'assureur, à énoncer que l'application de ce texte ne concernait que les parties au contrat d'assurance et non les tiers audit contrat quand, précisément, ainsi que le relevait l'arrêt, M. X... et Mme Y... agissaient en qualité de cautions de la société La Txalupa, si bien qu'ils ne pouvaient être considérés comme des tiers à ce contrat, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances, ensemble celles des articles 2305 et 2306 du code civil ;
2°/ que, toute action dérivant du contrat d'assurance est prescrite par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; que dérive du contrat d'assurance au sens de l'article L. 114-1 du code des assurances l'action en responsabilité délictuelle que prétend exercer un tiers contre l'assureur en se fondant, non pas sur la méconnaissance par ce dernier d'un devoir d'ordre général qui lui serait imposé par la loi, mais sur l'inexécution d'une stipulation du contrat d'assurance ; qu'au cas d'espèce, en écartant la prescription biennale dont se prévalait l'assureur, motif pris de ce que les consorts X...- Y... recherchaient sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil, quand il était par ailleurs constant que la faute délictuelle imputée à l'assureur tenait à l'inexécution par celui-ci de ses obligations contractuelles au titre de la police d'assurance, de sorte que l'action devait être réputée dériver du contrat d'assurance, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les consorts X... agissent en qualité de cautions de la société La Txalupa ; qu'ils recherchent la responsabilité délictuelle de l'assureur sur le fondement de l'article 1382 du code civil en invoquant une inexécution fautive du contrat d'assurance garantissant la société La Txalupa comme étant à l'origine de leur propre dommage ; qu'il convient en conséquence de faire application des dispositions de l'article 2270-1 ancien du code civil, issu de la loi du 5 juillet 1985, en vigueur à l'époque des faits, que la prescription décennale a commencé à courir le 24 août 2004, date du refus de garantie opposé à la société La Txalupa par l'assureur ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que l'action intentée par les consorts X..., tiers au contrat d'assurance, n'était pas soumise à la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances et, par conséquent, n'était pas prescrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la première branche du second moyen du même pourvoi :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de dire que sa responsabilité délictuelle était engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil à l'égard des consorts X... en leur qualité de cautions de la société La Txalupa et de le condamner à leur payer une certaine somme, alors, selon le moyen, que l'auteur d'une inexécution contractuelle n'engage sa responsabilité envers un tiers au contrat que si l'exécution contractuelle constitue à l'égard du tiers une faute quasi-délictuelle ; qu'en se bornant à relever, pour condamner l'assureur à verser aux consorts X...- Y... la somme de 38 736, 08 euros correspondant au montant définitif laissé à leur charge, que « le refus de garantie opposé » par l'assureur « est directement à l'origine du prononcé de la liquidation judiciaire de la société La Txalupa et partant de la mise en cause des cautions », quand par décision du 17 février 2009 devenue définitive, la cour d'appel avait écarté toute hypothèse de résistance abusive de la part de l'assureur à l'encontre de la société La Txalupa et avait débouté son cocontractant de sa demande de dommages-intérêts de ce chef de sorte qu'il lui appartenait, dans ces conditions, de caractériser en quoi le manquement contractuel qu'elle relevait constituait une faute quasi-délictuelle de la part de l'assureur à l'égard des cautions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'il résulte des éléments du dossier que la société La Txalupa bénéficiait à l'époque de la survenance du sinistre d'un plan de continuation, qu'elle se trouvait in bonis même si elle devait faire face au paiement de dettes dont une de loyers, que l'absence de possibilité d'exploitation du fonds par suite du sinistre non indemnisé par l'assureur a conduit la société à la liquidation judiciaire prononcée par jugement du tribunal de commerce de Pau du 18 octobre 2004, que la date de cessation des paiements provisoirement fixée au 18 octobre 2004 n'a pas fait l'objet d'une requête du mandataire liquidateur aux fins de report de la date ; qu'il est donc acquis que le refus de garantie opposé par l'assureur est directement à l'origine du prononcé de la liquidation judiciaire de la société La Txalupa et partant de la mise en cause des cautions ;
Qu'en l'état de ces seules énonciations et constatations, la cour d'appel a pu déduire, sans avoir à procéder à d'autres recherches, que le manquement contractuel de l'assureur était directement à l'origine du préjudice subi par les cautions en ce que, après désintéressement des créanciers, une certaine somme dont elle a souverainement évalué le montant, était restée à leur charge ;
Et attendu que le second moyen du pourvoi n° A 13-10. 540, en sa seconde branche et les deux moyens du pourvoi n° Y13-10. 745 ne sont de nature à en permettre l'admission ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes
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