Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 4 février 2014
N° de pourvoi: 13-11.044
Non publié au bulletin Cassation partielle
M. Petit (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société de droit italien Ferragamo parfums a mis en vente en France un nouveau parfum dénommé « Signorina » ; qu'estimant que les conditions de cette mise sur le marché caractérisaient un comportement parasitaire à l'égard de son propre parfum « Miss Dior », commercialisé depuis de nombreuses années, la société Parfums Christian Dior a fait assigner la société Ferragamo parfums en référé afin, notamment, qu'il lui soit interdit de fabriquer, distribuer et commercialiser en France le parfum « Signorina » et qu'il lui soit enjoint de le retirer du marché ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu que la société Ferragamo parfums fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance qui avait ordonné la cessation de la commercialisation et de la promotion du parfum « Signorina » sur le territoire français, le retrait du marché sur le territoire français de l'ensemble des produits litigieux et de tout élément portant une reproduction ou référence des produits litigieux, et qui lui avait enjoint de communiquer à la société Parfums Christian Dior tous documents de nature à établir la liste des points de vente en France incriminés et de déterminer le chiffre d'affaires réalisé sur la vente des produits litigieux, le tout sous astreinte, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne saurait dénaturer les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la société Parfums Christian Dior, en cause d'appel, s'était exclusivement placée sur le terrain du parasitisme, prétendant que « la concurrence parasitaire peut résulter de l'imitation d'un produit, concurrent ou non, et qu'elle peut être constituée alors même qu'il n'existe aucun risque de confusion » ; que la société Parfums Christian Dior avait expressément reconnu que la question du risque de confusion ne se posait pas et qu'elle se plaignait exclusivement d'une concurrence parasitaire ; qu'en se plaçant sur le terrain de la concurrence déloyale et en affirmant que « la société Parfums Christian Dior démontre, au vu des commentaires que la commercialisation du parfum « Signorina » a suscité auprès de la clientèle de ce type de produit que le risque de confusion est réel », la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ qu'elle avait fait valoir « que la présence d'un noeud sur un parfum n'a rien d'inhabituel, comme en témoigne le nombre incalculable de parfums sur le marché dotés d'un noeud » ; qu'elle ajoutait que « le noeud est en effet l'une des tendances phares de ces deux dernières années, à tel point que cet accessoire se trouve aujourd'hui décliné sur toute sorte d'articles de prêt-à-porter, de joaillerie ou encore de cosmétologie » ; qu'en retenant l'existence d'une concurrence déloyale de sa part du fait de la « présence d'un noeud stylisé au niveau du bouchon » sur le parfum « Signorina », sans rechercher, comme elle y était invitée, si le recours à un noeud sur un flacon de parfum n'était pas un procédé banal exclusif de toute concurrence déloyale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;
3°/ que la reproduction ou l'imitation servile d'un produit n'est constitutive d'un acte de concurrence déloyale que si le demandeur à l'action prouve que la similitude a pour objet ou pour effet de créer un risque de confusion entre les productions dans l'esprit du public ; qu'en l'espèce, la société Ferragamo parfums avait fait valoir que le noeud « Vara » surplombant le parfum « Signorina » constituait le noeud emblématique de Ferragamo commercialisé depuis 1978 et décliné depuis lors sur ses créations excluant de ce fait la reprise du noeud radicalement différent figurant sur le parfum « Miss Dior » ; qu'en reprochant pourtant à la société Ferragamo parfums d'avoir agi fautivement en commercialisant le parfum « Signorina » en raison de l'utilisation « d'un noeud stylisé au niveau du bouchon », sans préciser en quoi elle aurait repris les caractéristiques distinctives du noeud figurant sur le parfum « Miss Dior », quand elle invoquait l'antériorité de la commercialisation et le caractère radicalement différent du noeud emblématique « Vara », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, qu'à la différence de la concurrence déloyale, qui ne saurait résulter d'un faisceau de présomptions, le parasitisme, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité ; qu'après avoir relevé que le parfum « Signorina » présentait, tant par son emballage que par son flacon et sa publicité, des ressemblances frappantes, qu'il détaille, avec le parfum « Miss Dior », notamment un noeud stylisé au niveau du bouchon, jusqu'alors jamais utilisé pour ses autres parfums par la société Ferragamo parfums, l'arrêt retient que ces similitudes entraînent, par la reprise d'éléments caractéristiques fortement évocateurs du parfum « Miss Dior », une ressemblance d'ensemble avec celui-ci et qu'il a créé la confusion dans l'esprit de la clientèle précisément visée, à savoir celle des jeunes femmes ; qu'il en déduit qu'est ainsi caractérisée la démarche de la société Ferragamo parfums de se placer dans le sillage de la société Parfums Christian Dior et de profiter de son savoir-faire, de sa notoriété et de ses investissements pour commercialiser son parfum, un tel comportement étant constitutif d'un agissement parasitaire, qui engendre en conséquence un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ; qu'en l'état de ces motifs déduits de son appréciation souveraine des éléments de la cause, la cour d'appel, qui ne s'est pas placée sur le terrain de la concurrence déloyale par copie servile, comme invoqué par les deux premières branches du moyen, et qui pouvait, indépendamment des écritures des parties, relever, parmi les éléments du débat, les effets du comportement fautif qu'elle constatait, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 873 du code de procédure civile, ensemble l'article 1382 du code civil et le principe de réparation intégrale ;
Attendu qu'après avoir constaté que la commercialisation et la promotion du parfum « Signorina » effectuées par la société Ferragamo parfums étaient constitutives de parasitisme, l'arrêt confirme l'ordonnance qui, sous astreinte, avait interdit à cette société de distribuer, commercialiser et faire la promotion de ce parfum sur le territoire français, sous quelque forme, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, et avait ordonné le retrait du marché sur le territoire français, aux frais de la société Ferragamo parfums, de l'ensemble des produits litigieux et de tout document commercial, catalogue, support promotionnel portant une reproduction des produits litigieux ou une référence à ceux-ci en France ;
Attendu qu'en statuant ainsi, en prononçant une interdiction générale et sans limiter la mesure qu'elle prononçait aux produits et publicités revêtus des caractéristiques jugées parasitaires, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme l'ordonnance qui, sous astreinte, avait interdit à la société Ferragamo parfums de distribuer, commercialiser et faire la promotion du parfum « Signorina » sur le territoire français, sous quelque forme, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, et ordonné le retrait du marché sur le territoire français, aux frais de la société Ferragamo parfums, de l'ensemble des produits litigieux et de tout document commercial, catalogue, support promotionnel portant une reproduction des produits litigieux ou une référence à ceux-ci en France, l'arrêt rendu le 9 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Parfums Christian Dior aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Ferragamo parfums et rejette sa demande ;
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jeudi 10 juillet 2014
Trouble illicite et pouvoir du juge des référés
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