Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mercredi 9 mai 2018
N° de pourvoi: 17-13.030 Publié au bulletin Cassation partielle
M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Alain Bénabent , SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Metracom a confié à la société DHL express France (la société DHL) le transport, de France en Belgique, d'un colis contenant un dossier de candidature à un appel d'offres ; que le colis ayant été livré en retard, la candidature de la société Metracom a été rejetée ; que cette dernière a assigné la société DHL en paiement de dommages-intérêts en raison de la perte de l'appel d'offres et des marchés à venir ;
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches :
Attendu que la société Metracom fait grief à l'arrêt de juger applicable la Convention de Genève du 19 mai 1956, relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR, et d'écarter la faute inexcusable du transporteur alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article 2, alinéa 1, de la Convention de Genève du 19 mai 1956, relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR, que la Convention ne prévoit son application au transport intermodal comportant une phase routière que dans le cas où il est constaté que le véhicule routier contenant la marchandise est lui-même transporté sans rupture de charge ; que pour écarter le moyen tiré par la société Metracom de l'inapplicabilité de la CMR au transport intermodal litigieux, la cour d'appel s'est bornée à rappeler abstraitement les termes de cette disposition sans rechercher concrètement si ses conditions étaient réunies, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 2, alinéa 1, de la CMR ;
2°/ qu'est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ; que pour écarter l'existence d'une faute inexcusable imputable à la société DHL express France la cour d'appel s'est bornée à relever « qu'alors que la lettre de transport ne vise aucun autre intérêt spécial que celui de livrer le colis avant 12 h 00 le lendemain de son expédition, il ne peut être déduit ni du retard dans la livraison, ni du défaut de demande d'instructions complémentaires en cours de livraison ] de faute caractérisée » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher s'il ne résultait pas de l'accumulation des manquements reprochés au transporteur, qui, ainsi que l'exposait la société Metracom, avait présenté le colis au jour contractuellement prévu pour la livraison, non pas à l'adresse indiquée, au siège du ministère belge de la Défense, mais au siège de la Commission européenne, où cette erreur lui avait été dûment signalée et n'avait pourtant pris aucune mesure pour respecter malgré tout le délai convenu en ne représentant finalement le colis à la bonne adresse que le lendemain, que celui-ci ne pouvait manquer d'avoir eu conscience du dommage auquel il exposait délibérément et sans nécessité son cocontractant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 29 de la CMR, ensemble l'article L. 133-8 du code de commerce ;
3°/ que la stipulation d'un intérêt spécial à la livraison n'est pas une condition à la réparation intégrale de l'expéditeur victime d'une faute équivalente au dol imputable au transporteur, qu'en se fondant, pour écarter toute responsabilité de la société DHL express France, sur la circonstance que la lettre de transport ne visait aucun autre intérêt spécial que celui de livrer le colis avant 12 h 00 le lendemain de son expédition, la cour d'appel a violé l'article 29 de la CMR par refus d'application, et l'article 26 de la CMR par fausse application ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que le colis avait été acheminé de France en Belgique et qu'un dommage était survenu lors de la livraison du colis à l'issue d'un transport terrestre, la cour d'appel, sans avoir à effectuer la recherche non demandée invoquée par la première branche, a légalement justifié sa décision de déclarer la CMR applicable ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche qui critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur ce moyen, pris en sa cinquième branche, qui est recevable comme étant de pur droit :
Vu les articles 41, alinéa 1er, et 23, alinéa 5, de la CMR ;
Attendu que pour rejeter les demandes indemnitaires de la société Metracom, l'arrêt retient qu'aucune faute inexcusable n'étant caractérisée, la société DHL est bien fondée à opposer les limitations de sa responsabilité stipulées aux conditions générales de transport figurant au dos de la lettre de voiture, et d'après lesquelles, elle n'est tenue par l'article 6 qu'« aux seules pertes directes et à l'intérieur des limites par kilo/livre » et ne garantit pas, selon l'article 9, les « préjudices causés du fait d'un retard dans la livraison de l'envoi » ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une clause contractuelle qui exonère le transporteur de toute responsabilité pour retard est nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il déclare recevable l'action de la société Metracom, l'arrêt rendu le 29 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société DHL express France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Metracom la somme de 3 000 euros ;
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