Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 19-18.883
- ECLI:FR:CCASS:2020:C300899
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 26 novembre 2020
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 08 février 2019Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 novembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 899 F-D
Pourvoi n° T 19-18.883
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020
Mme L... R..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° T 19-18.883 contre l'arrêt rendu le 8 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant à Mme S... G..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
Mme G... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme R..., de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de Mme G..., après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 février 2019), par acte sous seing privé du 30 juillet 2015, Mme G... a vendu à M. U..., avec faculté de substitution, un appartement et une cave dépendant d'un immeuble en copropriété, sous diverses conditions suspensives, la signature de l'acte authentique de vente étant prévue au 31 octobre 2015.
2. L'acte stipulait une clause pénale, ainsi que l'obligation pour l'acquéreur de verser dans les dix jours un dépôt entre les mains du notaire désigné séquestre des fonds.
3. Par lettre recommandée reçue le 16 novembre 2015 par M. U..., Mme G... s'est prévalue de l'annulation de la vente et l'a mis en demeure de lui verser le montant de la clause pénale.
4. Soutenant être substituée dans les droits de M. U..., Mme R... a, après avoir sommé Mme G... de signer l'acte authentique de vente, assigné celle-ci en vente forcée.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Mme R... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu' une clause résolutoire de plein droit ne peut être déclarée acquise au créancier, sauf dispense expresse et non équivoque, si une mise en demeure restée sans effet n'a pas été préalablement délivrée ; qu'en jugeant que la venderesse avait valablement mis en oeuvre la clause résolutoire prévue au contrat de vente en cas de défaut de réitération de la promesse, sans constater que l'acquéreur, ou Mme R... qui s'y était substituée, avait été
sommé de réitérer l'acte authentique par une sommation qui leur aurait été personnellement adressée, la cour d'appel a violé les articles 1139 et 1184 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause. » Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a constaté que l'acte de substitution avait été porté à la connaissance de Mme G... lors de la sommation qu'elle avait reçue le 9 décembre 2015.
7. Elle a retenu qu'il n'était pas établi que la vente ne pouvait être signée avant le 30 novembre 2015 ni que le délai pour la réitérer avait été prorogé jusqu'à cette date et relevé que Mme G... avait adressé le 5 novembre au notaire une lettre pour l'informer qu'elle envisageait l'annulation de la vente faute de signature de l'acte définitif.
8. Elle a souverainement retenu que Mme G... établissait que son acquéreur l'avait laissée sans nouvelle de son projet d'acquérir et y avait renoncé au moment où elle lui avait notifié la résolution de la vente le 14 novembre 2015.
9. Elle a pu en déduire que les demandes de Mme R..., qui ne prouvait pas s'être substituée à M. U... à une date à laquelle Mme G... ne pouvait pas invoquer la résolution de la vente, devaient être rejetées.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen du pourvoi principal
11. Mme R... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme G... une somme au titre de la clause pénale, alors « que le tiers à un contrat de vente ne peut se voir condamner au titre d'une clause pénale à laquelle il n'a pas consenti et qui sanctionne l'inexécution d'une obligation qu'il n'a pas souscrite ; qu'en condamnant Mme R... à verser à la venderesse une somme de 1 500 euros au titre de la clause pénale, bien qu'elle ait, elle-même, relevé que la substitution de Mme R... n'était pas opposable à la venderesse, ce dont il s'évinçait que cette dernière ne pouvait s'en prévaloir, de sorte que Mme R... devait être considérée comme un tiers au contrat, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
12. Mme R... n'ayant pas soutenu, dans ses conclusions devant la cour d'appel, qu'elle ne pouvait être condamnée au paiement de la clause pénale en sa qualité de tiers au contrat, le moyen est nouveau et, étant mélangé de fait et de droit, irrecevable. Sur le moyen unique du pourvoi incident
13. Mme G... fait grief à l'arrêt de condamner Mme R... à lui verser seulement la somme de 1 500 euros au titre de la clause pénale, alors « que la stipulation d'une indemnité d'immobilisation dans une promesse de vente, qui sera acquise au promettant en cas de défaut de réalisation de cette dernière, a pour objet de fixer le prix de l'exclusivité consentie au bénéficiaire de la promesse ; que la clause pénale, en revanche, a pour objet, dans cette promesse, de sanctionner un manquement du bénéficiaire à ses obligations ; qu'ainsi ces deux clauses ont un objet distinct, irréductible l'un à l'autre ; que, pour réduire la clause pénale à la somme de 1 500 euros, la cour a retenu que « Mme S... G... a perçu une indemnité d'immobilisation de 3 000 euros » et « que le bien a été immobilisé fort peu de temps à savoir 3 semaines » ; qu'en intégrant ainsi dans l'appréciation et le calcul du préjudice subi au titre de la clause pénale l'indemnité d'immobilisation, laquelle n'avait pas pour objet de réparer la commission d'une faute, mais d'apporter au promettant la contrepartie convenue à son impossibilité de vendre le bien pendant la durée de la promesse, la cour a violé les articles 1152 et 1226 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
14. Aux termes de l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.
15. La cour d'appel a, par motifs adoptés, relevé que Mme G... avait perçu une indemnité d'immobilisation de 3 000 euros, que la clause pénale représentait 10 % du prix de vente, que le bien n'avait été immobilisé que trois semaines et qu'elle avait finalement décidé de le conserver en dépit de la confirmation de Mme R... de son intention de conclure la vente aux conditions prévues.
16. Elle a souverainement retenu que le préjudice de Mme G... résultant de la résolution de la vente était faible.
17. Elle a pu en déduire que le montant de la clause pénale était manifestement excessif et devait être réduit et en a souverainement fixé le montant.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mme R... aux dépens des pourvois ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 novembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 899 F-D
Pourvoi n° T 19-18.883
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020
Mme L... R..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° T 19-18.883 contre l'arrêt rendu le 8 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant à Mme S... G..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
Mme G... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme R..., de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de Mme G..., après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 février 2019), par acte sous seing privé du 30 juillet 2015, Mme G... a vendu à M. U..., avec faculté de substitution, un appartement et une cave dépendant d'un immeuble en copropriété, sous diverses conditions suspensives, la signature de l'acte authentique de vente étant prévue au 31 octobre 2015.
2. L'acte stipulait une clause pénale, ainsi que l'obligation pour l'acquéreur de verser dans les dix jours un dépôt entre les mains du notaire désigné séquestre des fonds.
3. Par lettre recommandée reçue le 16 novembre 2015 par M. U..., Mme G... s'est prévalue de l'annulation de la vente et l'a mis en demeure de lui verser le montant de la clause pénale.
4. Soutenant être substituée dans les droits de M. U..., Mme R... a, après avoir sommé Mme G... de signer l'acte authentique de vente, assigné celle-ci en vente forcée.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Mme R... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu' une clause résolutoire de plein droit ne peut être déclarée acquise au créancier, sauf dispense expresse et non équivoque, si une mise en demeure restée sans effet n'a pas été préalablement délivrée ; qu'en jugeant que la venderesse avait valablement mis en oeuvre la clause résolutoire prévue au contrat de vente en cas de défaut de réitération de la promesse, sans constater que l'acquéreur, ou Mme R... qui s'y était substituée, avait été
sommé de réitérer l'acte authentique par une sommation qui leur aurait été personnellement adressée, la cour d'appel a violé les articles 1139 et 1184 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause. » Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a constaté que l'acte de substitution avait été porté à la connaissance de Mme G... lors de la sommation qu'elle avait reçue le 9 décembre 2015.
7. Elle a retenu qu'il n'était pas établi que la vente ne pouvait être signée avant le 30 novembre 2015 ni que le délai pour la réitérer avait été prorogé jusqu'à cette date et relevé que Mme G... avait adressé le 5 novembre au notaire une lettre pour l'informer qu'elle envisageait l'annulation de la vente faute de signature de l'acte définitif.
8. Elle a souverainement retenu que Mme G... établissait que son acquéreur l'avait laissée sans nouvelle de son projet d'acquérir et y avait renoncé au moment où elle lui avait notifié la résolution de la vente le 14 novembre 2015.
9. Elle a pu en déduire que les demandes de Mme R..., qui ne prouvait pas s'être substituée à M. U... à une date à laquelle Mme G... ne pouvait pas invoquer la résolution de la vente, devaient être rejetées.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen du pourvoi principal
11. Mme R... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme G... une somme au titre de la clause pénale, alors « que le tiers à un contrat de vente ne peut se voir condamner au titre d'une clause pénale à laquelle il n'a pas consenti et qui sanctionne l'inexécution d'une obligation qu'il n'a pas souscrite ; qu'en condamnant Mme R... à verser à la venderesse une somme de 1 500 euros au titre de la clause pénale, bien qu'elle ait, elle-même, relevé que la substitution de Mme R... n'était pas opposable à la venderesse, ce dont il s'évinçait que cette dernière ne pouvait s'en prévaloir, de sorte que Mme R... devait être considérée comme un tiers au contrat, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
12. Mme R... n'ayant pas soutenu, dans ses conclusions devant la cour d'appel, qu'elle ne pouvait être condamnée au paiement de la clause pénale en sa qualité de tiers au contrat, le moyen est nouveau et, étant mélangé de fait et de droit, irrecevable. Sur le moyen unique du pourvoi incident
13. Mme G... fait grief à l'arrêt de condamner Mme R... à lui verser seulement la somme de 1 500 euros au titre de la clause pénale, alors « que la stipulation d'une indemnité d'immobilisation dans une promesse de vente, qui sera acquise au promettant en cas de défaut de réalisation de cette dernière, a pour objet de fixer le prix de l'exclusivité consentie au bénéficiaire de la promesse ; que la clause pénale, en revanche, a pour objet, dans cette promesse, de sanctionner un manquement du bénéficiaire à ses obligations ; qu'ainsi ces deux clauses ont un objet distinct, irréductible l'un à l'autre ; que, pour réduire la clause pénale à la somme de 1 500 euros, la cour a retenu que « Mme S... G... a perçu une indemnité d'immobilisation de 3 000 euros » et « que le bien a été immobilisé fort peu de temps à savoir 3 semaines » ; qu'en intégrant ainsi dans l'appréciation et le calcul du préjudice subi au titre de la clause pénale l'indemnité d'immobilisation, laquelle n'avait pas pour objet de réparer la commission d'une faute, mais d'apporter au promettant la contrepartie convenue à son impossibilité de vendre le bien pendant la durée de la promesse, la cour a violé les articles 1152 et 1226 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
14. Aux termes de l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.
15. La cour d'appel a, par motifs adoptés, relevé que Mme G... avait perçu une indemnité d'immobilisation de 3 000 euros, que la clause pénale représentait 10 % du prix de vente, que le bien n'avait été immobilisé que trois semaines et qu'elle avait finalement décidé de le conserver en dépit de la confirmation de Mme R... de son intention de conclure la vente aux conditions prévues.
16. Elle a souverainement retenu que le préjudice de Mme G... résultant de la résolution de la vente était faible.
17. Elle a pu en déduire que le montant de la clause pénale était manifestement excessif et devait être réduit et en a souverainement fixé le montant.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mme R... aux dépens des pourvois ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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