mardi 8 décembre 2020

Vente immobilière et notion de vice caché

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 novembre 2020




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 901 F-D

Pourvoi n° A 19-22.041




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020

1°/ M. P... K...,

2°/ Mme H... K...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° A 19-22.041 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant :

1°/ à M. N... R...,

2°/ à Mme C... A..., épouse R...,

domiciliés tous deux [...],

3°/ à I... V..., ayant été domicilié C/O Mme V..., [...] ,

4°/ à M. X... T... ,


5°/ à Mme J... D..., épouse V...,

6°/ à Mme F... M...,

domiciliés tous trois [...],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. et Mme K..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. et Mme R..., après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Greff-Bohnert, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 juin 2019), par acte authentique du 18 janvier 2008, M. et Mme R... ont vendu une maison d'habitation à M. et Mme K....

2. En 2010, M. et Mme V..., propriétaires de la parcelle voisine, ont fait procéder à des travaux.

3. Ayant constaté l'apparition de fissures dans leur maison, M. et Mme K... ont, après expertise, assigné M. et Mme R... et M. et Mme V... en résolution de la vente et en dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme K... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en résolution de la vente, alors :

« 1°/ que si le vendeur n'est pas garant des vices apparents de la chose vendue, c'est à la condition que l'acheteur ait pu s'en convaincre lui-même ; qu'en considérant que les vices observés, en 2003, par les époux R... et l'expert O... étaient constatables lors de l'achat, en 2008, de la maison litigieuse par les époux K..., après pourtant avoir relevé que, dans son rapport, l'expert judiciaire avait affirmé qu'« En 2008 lorsque la vente a été conclue, M. R... n'a pas fait état à M. K... de ces problèmes structurels sur la construction et notamment des contacts avec son assureur ni de l'expert mandaté le 8 décembre 2003 », la cour d'appel, qui n'a pas tiré toutes les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1641 et 1642 du code civil ;

2°/ que si le vendeur n'est pas garant des vices apparents de la chose vendue, c'est à la condition que l'acheteur ait pu s'en convaincre lui-même ; qu'en se bornant à considérer, après avoir relevé que, dans son rapport, l'expert judiciaire avait affirmé qu'« En 2008 lorsque la vente a été conclue, M. R... n'a pas fait état à M. K... de ces problèmes structurels sur la construction et notamment des contacts avec son assureur ni de l'expert mandaté le 8 décembre 2003 », que les vices observés étaient constatables lors l'achat dans la mesure où les reprises de fissures étaient parfaitement
visibles, sans préciser comment ces problèmes structurels avaient été portés à la connaissance des époux K..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil ;

3°/ que si le vendeur n'est pas garant des vices apparents de la chose vendue, c'est à la condition que l'acheteur ait pu s'en convaincre lui-même ; qu'en se bornant à considérer que les vices observés, en 2003, par les époux R... et l'expert O... étaient constatables lors de l'achat, en 2008, de la maison litigieuse par les époux K... dans la mesure où les « reprises » de fissures étaient parfaitement visibles, sans préciser si les fissures elles-mêmes étaient visibles des époux K..., acheteurs profanes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil ;

4°/ que le vice apparent est celui qu'un acheteur peut déceler après un examen apparent de l'immeuble, sans procéder à des investigations sous les revêtements apposés pour en dissimuler les dégradations ; qu'en considérant que les vices observés, en 2003, par les époux R... et l'expert O... étaient constatables lors de l'achat, en 2008, de la maison litigieuse par les époux K... dans la mesure où les reprises de fissures étaient parfaitement visibles, après pourtant avoir constaté que les époux R... avaient dû faire appel à un expert, en la personne de M. O..., pour apprécier la gravité des fissures litigieuses et que celui-ci avait même été contraint de rédiger un rapport détaillé après avoir réalisé des investigations approfondies, ce dont il se déduisait que les époux K..., simples acheteurs profanes, ne pouvaient deviner ce qu'un expert avait descellé en procédant à des investigations approfondies, la cour d'appel, qui n'a pas tiré toutes les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1641 et 1642 du code civil ;

5°/ qu'un vice doit être considéré comme caché pour l'acheteur tant qu'il ne l'a pas connu dans sa cause et son amplitude ; qu'en se bornant à considérer que les vices observés, en 2003, par les époux R... et l'expert O... étaient constatables lors de l'achat, en 2008, de la maison litigieuse par les époux K... dans la mesure où les reprises de fissures étaient parfaitement visibles, sans rechercher si les époux K... avaient eu connaissance, au moment de la vente, de la cause et de l'amplitude de ces fissures, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil ;

6°/ qu'un vice doit être considéré comme caché pour l'acheteur tant qu'il ne l'a pas connu dans sa cause et son amplitude ; qu'en se bornant à considérer que le caractère évolutif des désordres connus en 2003 jusqu'à la vente en 2008 n'était pas établi et que les époux R... avaient pu légitimement croire que les vices apparents affectant la construction qu'ils avaient acquise étaient depuis lors stabilisés, sans rechercher si les époux K... avaient eu connaissance, lors de la vente litigieuse, de la possible évolution des désordres en cas notamment de travaux de terrassement par les voisins de la parcelle vendue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil ;

7°/ que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ; qu'en considérant que le caractère évolutif des désordres connus en 2003 jusqu'à la vente en 2008 n'était pas établi et que les époux R... avaient pu légitimement croire que les vices apparents affectant la construction qu'ils avaient acquise étaient depuis lors stabilisés, quand le vendeur est, en principe, tenu de la garantie des vices cachés quand bien même il aurait ignoré le vice et son caractère évolutif, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé les articles 1643 et 1645 du code civil ;

8°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ne répondant pas au moyen déterminant des époux K... qui faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que les époux R... avaient « effectué du temps de leur propriété et notamment en 2008 des travaux, peut-être de nature à stabiliser lesdites fissures mais vraisemblablement de "maquillage" de sorte qu'ils avaient acquis ledit bien en toute ignorance puisque celui-ci ne présentait à l'époque aucune fissure apparente », ce que les premiers juges avaient également observé en retenant les fissures litigieuses avaient été camouflées, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a constaté que, aux termes du rapport d'expertise, lors de la vente de la maison, celle-ci présentait des désordres mineurs concernant l'extension sud et que les travaux de terrassement entrepris postérieurement par M. V... avaient provoqué une aggravation des fissures et l'apparition de désordres complémentaires.

6. Elle a souverainement retenu que la reprise des fissures était visible lors de l'achat, que le caractère évolutif des désordres ou leur aggravation avant la vente n'étaient pas établis et que la preuve de l'existence d'un vice rédhibitoire n'était pas rapportée.

7. Elle a pu déduire de ces seuls motifs que la demande en résolution de la vente devait être rejetée.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. M. et Mme K... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande subsidiaire en dommages-intérêts, alors « que le préjudice réparable est celui qui est en relation causale avec l'acte dommageable ; qu'en considérant que les préjudices subis par les époux K..., à savoir le coût de remise en état des désordres intérieurs, les travaux de réfection de la toiture, les travaux de traitement des fondations, les travaux complémentaires de pose de plinthes, le préjudice de jouissance, la perte financière sur la valeur de la maison, le préjudice moral, ont été causés uniquement par les travaux de terrassement irrégulièrement effectués par les époux V..., après avoir relevé que, dans son rapport complémentaire, l'expert judiciaire avait constaté une évolution du nombre et de l'importance des fissures par rapport à ses précédentes observations et estimé que la sécheresse de l'été 2016 avait vraisemblablement contribué à cette évolution, ce dont il résulte que la cause des préjudices subis par les époux K... se trouve, au moins en partie, dans l'existence de problèmes structurels affectant la maison litigieuse dont les époux R... n'avaient pas fait état aux époux K... lors de la vente, la cour d'appel, qui n'a pas tiré toutes les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1116 et 1382 du code civil, pris dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

10. La cour d'appel a souverainement retenu que le coût de remise en état des désordres intérieurs, les travaux de réfection de la toiture, les travaux de traitement des fondations, les travaux complémentaires de pose de plinthes, le préjudice de jouissance, la perte financière sur la valeur de la maison et le préjudice moral étaient uniquement en lien de causalité avec les travaux de terrassement irrégulièrement effectués par les époux V....

11. Elle en a exactement déduit que les demandes de M. et Mme K... dirigées contre M. et Mme R... devaient être rejetées.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme K... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme K... et les condamne in solidum à payer à M. et Mme R... la somme de 3 000 euros ;

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