mercredi 23 décembre 2020

Interrompt la prescription la reconnaissance du droit du créancier figurant dans un document qui ne lui est pas adressé s'il contient un aveu non équivoque

 

Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 2 décembre 2020, 19-15.813, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 décembre 2020




Cassation partielle


Mme BATUT, président



Arrêt n° 749 FS-P

Pourvoi n° F 19-15.813




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

M. U... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 19-15.813 contre deux arrêts rendus les 22 novembre 2017 et 19 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige l'opposant à Mme W... C..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. E..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme C..., et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Paris, 22 novembre 2017 et 19 décembre 2018), Mme C... et M. E... se sont mariés le [...] sous le régime de la séparation de biens. Le 14 mai 2003, les époux ont acquis en indivision un appartement au moyen de fonds propres et de différents emprunts.

2. Par ordonnance du 5 juillet 2010, consécutive à une ordonnance de non-conciliation rendue le 5 mars 2008 dans la procédure de divorce opposant les époux, le juge de la mise en état a, sur le fondement de l'article 255, 10°, du code civil, désigné un notaire afin, notamment, d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager.

3. Un jugement du 2 septembre 2013 a prononcé le divorce des époux et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens et sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches, et le troisième moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le premier moyen qui est irrecevable.

Mais sur le moyen relevé d'office

5. Conformément aux articles 620, alinéa 2, et 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

Vu les articles 870 et 1542 du code civil :

6. Il résulte de ces textes qu'il appartient à la juridiction saisie d'une demande de liquidation et partage de l'indivision existant entre époux séparés de biens de déterminer les éléments actifs et passifs de la masse à partager.

7. Pour rejeter la demande de M. E... tendant à inscrire au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père aux époux afin de payer les frais d'acquisition du bien indivis, après avoir relevé que la créance est établie par une reconnaissance de dette, que le prêt n'a pas été remboursé et que la dette n'est pas éteinte, mais que celle-ci peut être prescrite, l'arrêt retient qu'il ne peut être considéré que la prescription acquise a été interrompue par la reconnaissance qu'en a faite Mme C... dans un dire adressé au notaire désigné au titre de l'article 255, 10°, du code civil, alors que la dette correspond à une créance éventuelle de la succession qui seule pourrait se prévaloir d'une cause d'interruption.

8. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de trancher le désaccord des époux quant à l'existence d'une créance à inscrire au passif, peu important le titulaire de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. M. E... fait grief à l'arrêt du 22 novembre 2017 de rejeter sa demande tendant à ce que soit inscrite au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père aux époux afin de payer les frais d'acquisition du bien indivis, alors « que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que tout acte du débiteur révélateur, de sa part, d'un aveu du droit de celui contre lequel il prescrivait, même si cet acte n'a pas été accompli à l'égard du créancier lui-même, interrompt le délai de prescription ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que le délai de prescription auquel étaient soumises les obligations de M. E... et de Mme C... résultant du prêt d'un montant de 58 000 euros que leur avait consenti le père de M. E... n'avait pas été interrompu par la reconnaissance de cette dette par Mme C... dans le dire qu'elle avait adressé le 20 avril 2012 à M. Y... A..., que la dette correspondait à une créance éventuelle de la succession du père de M. E... qui, seule, pourrait être amenée à se prévaloir d'une cause d'interruption, et que ce dire n'avait d'effet qu'entre les parties, quand la seule condition que devait satisfaire le dire adressé par Mme C... le 20 avril 2012 à M. Y... A... pour interrompre le délai de prescription était qu'il soit révélateur, de la part de Mme C..., d'un aveu des obligations de M. E... et de Mme C... résultant du prêt d'un montant de 58 000 euros que leur avait consenti le père de M. E..., la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2240 du code civil :

10. Aux termes de ce texte, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

11. Pour rejeter la demande de M. E... tendant à ce que soit inscrite au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père aux époux afin de payer les frais d'acquisition du bien indivis, l'arrêt retient qu'il ne peut être considéré que la prescription acquise a été interrompue par la reconnaissance de cette dette par Mme C... dans un dire adressé au notaire, le dire n'ayant d'effet qu'entre les parties.

12. En statuant ainsi, alors qu'interrompt la prescription la reconnaissance du droit du créancier figurant dans un document qui ne lui est pas adressé s'il contient l'aveu non équivoque par le débiteur de l'absence de paiement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. E... tendant à ce que soit inscrite au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père aux époux d'un montant de 58 000 euros afin de payer les frais d'acquisition du bien indivis, l'arrêt rendu le 22 novembre 2017, entre les mêmes parties, par ladite cour d'appel ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne Mme C... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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