mercredi 2 décembre 2020

Pompe à chaleur et garantie décennale

 Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb., 2021-1, p. 31

Arrêt n°886 du 26 novembre 2020 (19-17.824) - Cour de cassation - Troisième chambre civile
- ECLI:FR:CCAS:2020:C300886

ASSURANCE RESPONSABILITÉ

Cassation partielle sans renvoi

Demandeur(s) : société GAN assurances

Défendeur(s) : Mme A... X..., épouse Y... ; et autres


Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société GAN assurances (la société GAN) du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Aixia France, M. Z..., pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société, et la société Cofidis.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Bastia, 27 mars 2019), M. et Mme Y... ont commandé à la société Aixia Méditerranée, absorbée depuis par la société Aixia France, assurée par la société GAN, la fourniture et l’installation dans leur maison d’une pompe à chaleur et d’un ballon thermodynamique. Pour financer ces opérations, ils ont souscrit un emprunt auprès de la société Sofemo financement, devenue Cofidis.

3. Se plaignant de pannes survenues durant les mois de février et mars 2012, ils ont assigné la société Aixia Méditerranée, le liquidateur de la société Aixia France et les sociétés Sofemo financement et GAN en indemnisation des préjudices ou en remboursement du prix payé et du coût du financement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. La société GAN fait grief à l’arrêt de dire que la prestation commandée à la société Aixia Méditerranée est impropre à l’usage auquel elle était destinée et de dire qu’elle se substituera à la société Aixia Méditerranée pour le paiement des sommes dues à M. et Mme Y..., alors « que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, ne relèvent de la responsabilité décennale que s’ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination dans son ensemble ; que la performance insuffisante d’un élément d’équipement dissociable n’est pas de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination dans son ensemble ; qu’en l’espèce, pour retenir la responsabilité décennale de la société Aixia France et la garantie de la société GAN assurances, la cour d’appel a considéré, par motifs propres et adoptés, que le nouveau système de chauffage installé par la société Aixia Méditerranée était inadapté au volume d’air à chauffer, que l’installateur aurait dû conseiller à ses clients de prévoir un chauffage d’appoint, et que le mode de chauffage existant ne nécessitait pas l’installation d’une pompe à chaleur dont le coût en électricité était plus important ; qu’en se prononçant ainsi, tandis que l’absence des performances attendues de la pompe à chaleur et l’inadaptation de cette dernière à l’habitation de M. et Mme Y... n’était pas de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination dans son ensemble, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que M. et Mme Y... s’étaient plaints de plusieurs pannes de la pompe à chaleur survenues durant les mois de février et mars 2012 et retenu que le volume d’air à chauffer était trop important par rapport à la capacité de la pompe à chaleur, que le système de chauffage était incompatible avec les radiateurs équipant l’immeuble et qu’il était inévitable que la pompe à chaleur connût des problèmes durant les périodes de grand froid, la cour d’appel en a souverainement déduit que les désordres atteignant celle-ci rendaient l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination et relevaient de la garantie décennale.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société GAN fait grief à l’arrêt de dire qu’elle se substituera à la société Aixia Méditerranée pour le paiement des sommes dues à M. et Mme Y..., alors « que si la fusion-absorption transmet à la société absorbante l’actif et le passif de la société absorbée, elle ne saurait étendre le bénéfice de l’assurance de responsabilité souscrite par la société absorbante aux faits commis par la société absorbée avant la fusion et modifier ainsi le risque garanti ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a considéré que, « du fait de l’absorption par Aixia France d’Aixia Méditerranée, le contrat d’assurance [souscrit par Aixia France] trouve bien application au cas d’espèce », privant ainsi la société Gan Assurances de la possibilité d’« exciper de la clause selon laquelle le contrat a pour objet de garantir Aixia France en dehors de toutes autres sociétés filiales ou concessionnaires, quel que soit le statut juridique » ; qu’en se prononçant ainsi, tandis qu’il résultait de ses propres constatations que le contrat d’assurance souscrit par la société Aixia France ne couvrait pas la responsabilité de ses filiales, de sorte que, peu important l’absorption de la société Aixia Méditerranée, la société GAN assurances n’avait pas à couvrir la responsabilité éventuellement encourue par cette société au titre de faits antérieurs à la fusion-absorption, au surplus au titre d’une activité qui n’était pas couverte par l’assurance souscrite par la société Aixia France, la cour d’appel a violé les articles 1134, devenu l’article 1103, du code civil et L. 236-1 et L. 236-3 du code de commerce.  »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et l’article L. 236-3 du code de commerce :

9. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

10. Il résulte du second, dans sa version applicable à la cause, que, en cas de fusion entre deux sociétés par absorption de l’une par l’autre, la dette de responsabilité de la société absorbée est transmise de plein droit à la société absorbante.

11. Toutefois, l’assurance de responsabilité de la société absorbante, souscrite avant la fusion, n’a pas vocation à garantir le paiement d’une telle dette, dès lors que le contrat d’assurance couvre, sauf stipulation contraire, la responsabilité de la seule société assurée, unique bénéficiaire, à l’exclusion de toute autre, même absorbée ensuite par l’assurée, de la garantie accordée par l‘assureur en fonction de son appréciation du risque.

12. Pour dire que la société GAN se substituera à la société Aixia Méditerranée pour le paiement des sommes dues aux maîtres de l’ouvrage, l’arrêt retient que ceux-ci ont produit une attestation d’assurance concernant la société Aixia France à effet du 1er janvier 2012, que les désordres sont survenus en février et mars 2012, à une période normalement couverte par le contrat d’assurance, et que, même si la société GAN entend se prévaloir de la clause de la police selon laquelle le contrat a pour objet de garantir la société Aixia France en dehors de toutes autres sociétés filiales ou concessionnaires, le contrat d’assurance trouve à s’appliquer, du fait de l’absorption de la société Aixia Méditerranée par la société Aixia France.

13. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés .

Portée et conséquences de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que la société GAN se substituera à la société Aixia Méditerranée pour le paiement des sommes dues à M. et Mme Y..., l’arrêt rendu le 27 mars 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Bastia ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande de M. et Mme Y... contre la société GAN ;


Président : M. Chauvin
Rapporteur : Mme Bech
Avocat général : Mme Vassallo, premier avocat général
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

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