vendredi 8 octobre 2021

1) Isolation insuffisante et responsabilité décennale du vendeur-constructeur; 2) Portée de la faute du diagnostiqueur

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 septembre 2021




Rejet


M. MAUNAND, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 691 F-D

Pourvoi n° E 20-17.311




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2021

M. [Z] [P], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° E 20-17.311 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2020 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [F] [G], domicilié [Adresse 1],

2°/ à M. [U] [R], domicilié [Adresse 6],

3°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société Allo diagnostic, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

5°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

M. [R] et la société Gan Assurances ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demandeurs au pourvoi incident éventuel invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. [P], de la SCP Boulloche, avocat de M. [G], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Allo diagnostic, de la société Axa France IARD, de la SCP Marc Lévis, avocat de M. [R] et de la société Gan assurances, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents M. Maunand, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Nivôse, conseiller, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 30 avril 2020), par acte du 2 septembre 2013, M. [P] a vendu à M. [G] une maison d'habitation en bois qu'il avait en partie édifiée lui-même et achevée le 14 février 2006.

2. Se plaignant de divers désordres, M. [G] a, après expertise, assigné M. [P], la société Allo diagnostic, qui a établi l'état parasitaire annexé à l'acte de vente, et son assureur, la société AXA France IARD, ainsi que M. [R], auteur du diagnostic de performance énergétique, et son assureur, la société Gan assurances, en indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen du pourvoi principal, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. M. [P] fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec la société Gan assurances et M. [R], à payer à M. [G] la somme de 69 188,22 euros au titre de la reprise de l'isolation et dans la limite de 21 000 euros en ce qui concerne M. [R] et la compagnie Gan assurances, alors :

« 1°/ que seuls les dommages compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination engagent la responsabilité décennale du constructeur ; que la simple surconsommation de chauffage ne caractérise pas l'impropriété de l'ouvrage à sa destination ; que la cour d'appel qui a relevé que l'absence d'isolation ou l'isolation insuffisante rendait la maison impropre à sa destination du fait de l'impossibilité de la chauffer sans exposer des surcoûts, n'a pas constaté l'existence d'un dommage compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination ; qu'elle a violé l'article 1792 du code civil par fausse application ;

3°/ que le défaut de conformité aux normes thermiques ne peut constituer un désordre de nature décennale qui si ces normes étaient obligatoires au moment du permis de construire ou à la date de la construction et non pas à la date de l'expertise judiciaire ; qu'en retenant les conclusions de l'expert indiquant que l'isolation de la maison était inexistante par endroit et très inférieure aux normes de la réglementation technique, sans s'expliquer comme cela lui était demandé, sur le fait que Monsieur [P] avait respecté les normes en vigueur à la date du permis de construire et que l'expert ne précisait pas à quelles normes il faisait référence, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a constaté que la maison ne comportait aucune isolation au niveau des tableaux de fenêtre et sur les soubassements du mur de façade sur une hauteur de 1,10 mètre de haut où la pierre naturelle était collée au parpaing, que, sur la partie haute, l'isolant en polystyrène mis en place entre un habillage en brique rouge fixé au parpaing et la pierre naturelle était d'une épaisseur de cinq centimètres alors que le diagnostic de performance énergétique mentionnait dix centimètres d'épaisseur de l'isolant sur l'ensemble de la maison.

6. Elle a également constaté que les descentes d'eaux pluviales entre les deux parois (parpaing/pierres) prenaient la place de l'isolant, que la salle de bains n'était pas isolée au niveau du rampant et que les combles étaient isolés avec de la laine de verre de vingt centimètres, par endroits posés en vrac, avec un film plastique non respirant entre la laine de verre et le lambris.

7. Elle en a souverainement déduit que l'absence d'isolation à certains endroits, l'isolation insuffisante à d'autres et la pose en vrac ou mal ventilée de la laine de verre rendaient la maison impropre à sa destination du fait de l'impossibilité de la chauffer sans exposer des surcoûts qu'elle a constatés.

8. Sans être tenue de procéder à une recherche sur les normes applicables à la date du permis de construire que la reconnaissance de l'existence d'un désordre décennal rendait inopérante, la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

9. M. [P] fait grief à l'arrêt de le condamner à garantir intégralement la société Allo diagnostic et la société AXA France IARD de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre, alors « que le vendeur peut se prévaloir de la faute du diagnostiqueur dont le diagnostic était erroné dès lors qu'il a été privé des informations nécessaires lui permettant de remédier immédiatement aux vices affectant le bien avant la vente ; que la cour d'appel qui a constaté la faute du diagnostiqueur et qui a débouté l'exposant de sa demande en garantie au motif que ses manquements étaient à l'origine du dommage sans rechercher comme cela lui était demandé si la faute du diagnostiqueur n'avait pas empêché Monsieur [P] de procéder aux reprises nécessaires et de vendre son bien conformément à son état, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil devenu l'article 1231-1 du même code. »

Réponse de la Cour

10. La cour d'appel, qui a retenu, par motifs propres et adoptés, que la faute reprochée au diagnostiqueur, consistant à avoir fourni à l'acquéreur une information erronée sur l'état de l'immeuble lors de la vente, était sans lien de causalité avec l'obligation pour M. [P] de supporter la charge des travaux de reprise, a procédé à la recherche prétendument omise et exclu que le vendeur ait été empêché de faire les reprises nécessaires et de vendre son bien conformément à son état.

11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui n'est qu'éventuel, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. [P] aux dépens des pourvois ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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