ACTUALITE MARCHES PUBLICS DE TRAVAUX
7 et 8 octobre 2021, colloque organisé par l'APASP, en partenariat avec le Journal LES ECHOS
LA SOUS-TRAITANCE et la CONSTRUCTION par Me Mario
TENDEIRO, avocat au Barreau de Paris
La
sous-traitance constitue un assouplissement au principe général de l’exécution
personnelle des marchés publics. Elle autorise les opérateurs économiques
à confier à une ou plusieurs entreprises tierces l’exécution d’une partie du
contrat dont ils sont les titulaires et qu’ils ne peuvent ou ne veulent
exécuter eux-mêmes.
Le
recours à la sous-traitance permet aux opérateurs économiques de s’appuyer sur
des compétences et des moyens extérieurs pour postuler à l’attribution de
marchés publics. Elle favorise ainsi notamment l’accès des petites et moyennes
entreprises à la commande publique.
Le régime
juridique relatif à la sous-traitance pour les contrats de droit privé et de
droit public est défini par la loi n° 75-1134 du 31 décembre 1975, d’ordre public, et, pour les
règles propres aux marchés publics passés par des acheteurs soumis au code de
la commande publique, par les articles L. 2193-1 à L.2193-14 ainsi que les
articles R. 2193-1 à R. 2193-22 du code (marchés publics classiques) et R.
2393-24 à R. 2393-40 du code (marchés publics de défense ou de sécurité).
1. Définition
de la sous-traitance :
L’article 1er de la loi du 31 décembre
1975 définit la sous-traitance
comme « l’opération par laquelle
un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une
autre personne appelée sous-traitant l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise
ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage ».
En
matière de marchés publics, la sous-traitance est l’opération par laquelle
l’opérateur titulaire d’un marché public qui présente les caractéristiques d’un contrat d’entreprise confie à un opérateur tiers, par un contrat distinct
et sous son entière responsabilité, l’exécution d’une partie des prestations qui
lui ont été confiées par l’acheteur.
La
sous-traitance n’est ainsi permise que lorsque le marché public principal est
un contrat d’entreprise.
Le
contrat d’entreprise est également dénommé louage d’ouvrage et d’industrie, et
est un contrat par lequel une personne, l’entrepreneur, s’engage envers une
autre, le maître d’ouvrage (ou donneur d’ordres), à exécuter moyennant une
rémunération un travail indépendant sans mandat et sans représentation du
maître d’ouvrage.
L’article
1779 du code civil décline le louage d’ouvrage en trois catégories :
« 1° Le louage de
service ;
2° Celui des voituriers,
tant par terre que par eau, qui se chargent du transport des personnes ou des
marchandises ;
3° Celui des architectes,
entrepreneurs d'ouvrages et techniciens par suite d'études, devis ou marchés. »
Ainsi peuvent être
sous-traités, dans le domaine de la construction, les prestations des marchés
publics de travaux et de services relatifs aux prestations d’ingénierie et
d’études : architecte, maître d’œuvre, bureau d’études …
Les marchés publics de
transport peuvent être aussi sous-traités, l’article L. 1432-13 du code des
transports, applicable à l’ensemble des contrats de transports de marchandises,
prévoyant également que « les dispositions de la loi n° 75-1334 du 31
décembre 1975 relative à la sous-traitance sont applicables aux opérations de
transport ».
En revanche un marché de
fournitures ne saurait être sous-traité, sauf si des travaux de pose ou
d’installation ou des études de conception sont prévus en accompagnement de la
fourniture des matériels ou matériaux, et équipements …
La sous-traitance est à
distinguer du mandat (un contrat de maîtrise d’ouvrage délégué ne peut donc en
principe être sous-traité, car il s’agit d’un mandat de représentation du
maître d’ouvrage).
Elle est aussi à différencier
du contrat de travail, qui suppose un lien de subordination, mais aussi du
contrat de vente et du louage de chose (baux et location ou mise disposition),
qui ne peuvent faire l’objet de sous-traitance.
Le contrat de
sous-traitance pour être autorisé doit également, lui-même, être un contrat
d’entreprise. Le contrat de sous-traitance peut être
de droit privé ou soit aussi constituer un marché public, devant faire l’objet
de mesures de publicité et d’une mise en concurrence, si le titulaire du marché
public principal qui sous-traite revêt la qualité de pouvoir adjudicateur ou
d’entité adjudicatrice (CJCE,
18 novembre 2004, Commission contre République Fédérale d’Allemagne, Aff.
C-126/3).
Et dans ce cadre le juge
administratif interprète de manière stricte la qualification de sous-traitance :
Est ainsi considéré comme
un fournisseur, et non comme un sous-traitant, l’opérateur économique qui
conclut avec le titulaire d’un marché public un contrat qui ne contient pas
d’obligations de faire mais comporte uniquement une obligation de vendre. Tel
est le cas de l’entreprise qui fournit à un chantier du béton prêt à l’emploi (CE, 26 septembre 2007, Département
du Gard, n°255993), des canalisations et des pièces de canalisations et
de pièces de raccord de fabrication courante (CAA Nantes, 30 décembre 1999, société Biwater,
n°96NT02356), des pavés ordinaires (CAA Lyon, 3 juillet 2003, Société d’exploitation de
grès de Molière, n°97LY02986).
Ainsi, le contrat par lequel le titulaire du
marché commande à un fournisseur des pavés, dalles et bordures de granit ne
peut être regardé comme lui confiant l'exécution en sous-traitance d'une partie
du marché dès lors que les éléments sont importés de Chine et que sa seule
intervention consiste à les mettre aux bonnes dimensions ce qui ne nécessite
aucune spécificité technique particulière (CAA Bordeaux, 2e ch.,
30 juill. 2019, n° 17BX02501). Idem pour
le contrat confiant à une société la fourniture d'ossatures et de charpentes en
bois aux mesures de longueur, épaisseur et largeur demandées (CAA Douai, 1re ch.,
26 janv. 2021, n° 19DA00948).
Cette question est
importante car une entreprise dont le contrat conclu avec un entrepreneur
principal revêt la qualification de contrat de fournitures n’aura pas le droit
au paiement direct de ses prestations par le maître d’ouvrage et ce, quand bien
même celui-ci l’aurait été accepté en qualité de sous-traitant et aurait agréé
ses conditions de paiement (CAA
de Bordeaux, 8 mars 2018, n° 16BX02206, CE 26 septembre 2007, n°255993, CAA
Bordeaux, 30 juillet 2019, n°17BX02501).
Est en revanche qualifié
de contrat de sous-traitance, le contrat dans lequel l’entreprise fournit, pose
et déplace un échafaudage nécessitant un travail spécifique réalisé pour les
besoins particuliers du maître de l’ouvrage (CAA Lyon, 11 mai 2006, Société Qualia, n°01LY00279).
C'est encore le cas lorsqu'il fabrique sur mesure
des éléments de ventilation pour répondre aux spécificités imposées par le
cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché (CAA Nantes, 4e ch.,
7 oct. 2011, n° 10NT02052). Idem pour
l'entreprise qui fournit au titulaire du lot charpente d'un marché public un
ensemble de poutres en bois répondant à des spécifications techniques précises
en termes de longueur, d'épaisseur, de largeur et d'inclinaisons, fabriqué sur
mesure ainsi que la métallerie et la quincaillerie nécessaires à leurs
assemblages (CAA Bordeaux, 3e ch.,
8 mars 2018, n° 16BX02206).
2.
La sous-traitance est un droit du
titulaire du marché, qui peut être cependant être limité par l’acheteur
public :
L’article L. 2193-3 du
code de la commande publique consacre, sous réserve du respect des conditions
fixées par la loi du 31 décembre 1975, le droit, pour le titulaire d’un marché
public, de sous-traiter l’exécution de certaines des prestations faisant
l’objet dudit marché.
L’acheteur ne peut donc
imposer au titulaire d’un marché public d’exécuter lui-même l’intégralité des
prestations du contrat.
Cependant, le titulaire
ne peut sous-traiter l’intégralité des prestations faisant l’objet du marché
public. L’article 1er de la loi du 31 décembre 1975 dispose en
effet, tout comme le code de la commande publique, que le titulaire est
autorisé à sous-traiter uniquement « l’exécution de certaines parties
de son marché public », mais sans que ces textes ne précisent la part
minimale de prestations que le titulaire doit exécuter en propre.
A cet égard, l’acheteur
peut demander aux candidats, sur le fondement de l’article R. 2151-13 du code
de la commande publique, via l’avis d’appel à la concurrence ou dans un autre document
de la consultation, d’indiquer dans leur offre la part du marché public qu’ils
ont l’intention de sous-traiter à des tiers.
Cependant, l’acheteur
peut néanmoins contraindre le titulaire à exécuter lui-même certaines « tâches
essentielles » du marché public, comme le prévoient les
articles L. 2193-3 du code de la commande publique (marchés publics classiques)
et L. 2393-7 du même code (marchés publics de défense ou de sécurité) qui autorisent
l’acheteur à restreindre le recours à la sous-traitance des marchés publics en
exigeant que certaines tâches essentielles soient effectuées directement
par le titulaire. Ainsi, sur le fondement de ces dispositions, l’acheteur
peut légitimement invoquer le caractère essentiel de certaines prestations pour
refuser au titulaire le recours à un sous-traitant.
Dans le cadre des marchés
de défense ou de sécurité, l’acheteur peut imposer au titulaire le recours à la
sous-traitance, ainsi que les modalités de recours, à la sous-traitance. L’article
L. 2393-3 du code de la commande publique autorise l’acheteur public à imposer
au titulaire d’un tel marché le recours à la sous-traitance et la mise en place
d’une procédure de mise en concurrence du choix des sous-traitants, parmi
notamment certains sous-traitants librement choisis pour y participer par
l’acheteur. Si, l’acheteur souhaite recourir à ces dispositions, il devra
l’indiquer dans l’avis d’appel public à la concurrence, tout en précisant le
pourcentage minimum et maximum que le titulaire sera tenu de sous-traiter,
sachant que le pourcentage maximum est plafonné à 30% du montant du marché
(article R. 2393-8 du code de la commande publique).
3.
Le recours à la sous-traitance
s’opère sous certaines conditions et sous le contrôle de l’acheteur
public :
Le recours à la
sous-traitance est subordonné à la mise en œuvre de diverses formalités prévues
par la loi du 31 décembre 1975 et par les articles R. 2193-1 à R. 2193-22 du
code (marchés publics classiques) et R. 2393-1 à R. 2393-40 du code (marchés
publics de défense ou de sécurité). L’acheteur, le titulaire du marché
public ainsi que le sous-traitant sont concernés par le respect de ces
formalités.
Aux termes de l’article 3
de la loi du 31 décembre 1975 et de l’article L. 2193-10 du code (marchés
publics classiques) le titulaire n’est autorisé à sous-traiter l’exécution
de certaines prestations du marché public qu’à la double condition
cumulative d’avoir obtenu de l’acheteur l’acceptation des sous-traitants et
l’agrément de leur condition de paiement.
S’agissant des marchés
publics de défense ou de sécurité, l’article R. 2393-24 du code de la commande
publique impose à l’acheteur d’indiquer, dans l’avis de marché, que chaque
sous-traitant doit être soumis à son acceptation et de préciser les conditions
de rejet des sous-traitants. En revanche, l’agrément, par l’acheteur, des
conditions de paiement du sous-traitant n’est pas une condition de recours à la
sous-traitance par le titulaire du marché public. L’absence
d’agrément des conditions de paiement du sous-traitant par l’acheteur aura par
contre pour conséquence de priver le sous-traitant du droit au paiement direct,
conformément à l’article L. 2393-13 du code de la commande publique.
L’obligation
d’acceptation et d’agrément des conditions de paiement s’applique à l’ensemble des
sous-traitants, quel que soit leur rang.
-
Le contenu de la déclaration préalable :
Aux termes de l’article L. 2193-5 du code de la
commande publique, l’opérateur économique qui soumissionne à un marché public
indique à l’acheteur les sous-traitants auquel il envisage de faire appel ainsi
que la nature et le montant des prestations qu’il entend sous-traiter. Cette
déclaration préalable avant l’attribution du marché public n’empêche pas le
titulaire du marché public de faire appel à de nouveaux sous-traitants en cours
d’exécution du marché public, à condition que leur intervention respecte les
formalités de déclaration préalables. Les articles R. 2193-1 et R. 2193-3 du
code de la commande publique (marchés publics classiques) ainsi que R. 2393-25
et R. 2393-27 du même code (marchés publics de défense ou de sécurité) listent
les éléments qui doivent obligatoirement figurer dans la déclaration de
sous-traitance.
Un formulaire DC4 de
déclaration de sous-traitance et différents modèles sont proposés par la DAJ
sur leur site.
·
Lorsque la demande de sous-traitance est effectuée concomitamment au dépôt de
l’offre par le candidat au marché public, celle-ci doit contenir :
- la nature des
prestations sous-traitées ;
- le nom, la raison ou la
dénomination sociale et l’adresse du sous-traitant ;
- s’agissant des marchés
publics de défense ou de sécurité, le lieu d’exécution des prestations
sous-traitées ;
- le montant maximum des
sommes à verser au sous-traitant ;
- les conditions de
paiement prévues par le projet de contrat de sous-traitance et, le cas échéant,
les modalités de variation des prix ;
- les capacités du
sous-traitant sur lesquelles l’opérateur économique s’appuie ;
- une déclaration
attestant que le sous-traitant n’est pas placé dans un des cas d’exclusion de
la procédure de passation mentionné au chapitre Ier du titre IV du code de la
commande publique.
·
Lorsque la demande de sous-traitance est effectuée après la notification du
marché public, celle-ci doit contenir :
- l’ensemble
des éléments susmentionnés,
- ainsi que l’exemplaire
unique ou le certificat de cessibilité ou une attestation ou une main levée du
bénéficiaire de la cession ou du nantissement de créance afin d’établir
qu’aucune cession ni aucun nantissement de créance résultant du marché public
ne font obstacle au paiement direct du sous-traitant.
A cet égard :
Ø Le
soumissionnaire ou le titulaire doit préciser la nature des prestations
sous-traitées et le montant maximum des sommes de son marché qui seront
sous-traités (et qui engageront le paiement direct du
maître d’ouvrage). S’agissant de travaux de construction, un dispositif
d’auto-liquidation de TVA est prévu par l’article 283-2 nonies du code général
des impôts, de sorte que seul le montant HT sous-traité est pris en compte.
Par ailleurs, s’agissant
du montant de la sous-traitance, les dispositions de l’article R. 2193-9 du
code (marchés publics classiques) imposent à l’acheteur d’opérer un contrôle
sur celui-ci afin de s’assurer, au regard des prestations sous-traitées
annoncées, que celui-ci n’est pas anormalement bas.
Si le caractère
anormalement bas de la sous-traitance est détecté au moment du dépôt de
l’offre, l’acheteur doit rejeter l’intégralité de l’offre du soumissionnaire
qui a présenté le sous-traitant. En revanche, si ce caractère anormalement bas
est détecté après le dépôt de l’offre, l’acheteur refusera uniquement d’agréer
le sous-traitant.
Ø S’agissant
des capacités du sous-traitant sur lesquelles le
soumissionnaire ou le titulaire entend s’appuyer, c’est la même liste de
renseignements et de documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés
publics pour vérifier que ceux-ci remplissent les conditions de participation
exigées.
Ø S’agissant
de la justification que le sous-traitant ne se trouve pas dans un cas
d’exclusion de la procédure de passation mentionné à l’article L.
2141-1 du code et aux 1° et 3° de l’article L. 2141-4 du code (marchés publics
classiques) ou à l’article L. 2341-1 du code (marchés de défense ou de
sécurité) la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et
à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », a autorisé à ce que
cette justification ne procède que d’une simple déclaration sur l’honneur du
sous-traitant.
Ø L’acheteur
doit vérifier qu’aucune cession ni aucun nantissement de créance résultant du
marché public ne font obstacle au paiement direct du sous-traitant et
exiger ainsi la production de l’exemplaire unique ou du certificat de
cessibilité ou une attestation ou une main levée du bénéficiaire de la cession
ou du nantissement de créances.
L’acheteur
ne doit ainsi pas accepter le sous-traitant si l’un de ces documents ne lui est
pas remis. En effet, la circonstance que l’entreprise titulaire ait omis de
communiquer à l’acheteur l’exemplaire unique du marché ou l’attestation de la
cession de créance n’est pas de nature à exonérer l’acheteur de son obligation
à l’égard de la banque (CE,
6 décembre 1999, Ville de Marseille, n° 189407), et il sera tenu de
payer deux fois, à la banque la créance cédée ainsi que les prestations
correspondantes effectuées par le sous-traitant.
Ø Par
ailleurs, en application de l’article 28.2 du RGPD, l’acheteur doit donner son
autorisation écrite préalable spécifique lorsque le titulaire du marché public
souhaite sous-traiter des prestations impliquant la sous-traitance de
traitement de données à caractère personnel.
-
La décision d’acceptation et
d’agrément des conditions de paiement du sous-traitant par l’acheteur peut être
expresse ou implicite :
Dans
l’hypothèse d’une déclaration de sous-traitance lors du dépôt de l’offre, la
notification du marché au titulaire emporte implicitement acceptation du
sous-traitant et agrément de ses conditions de paiement. Il n’est donc pas
formellement nécessaire que l’acheteur signe la déclaration de sous-traitance.
Pour autant, il est néanmoins toujours préférable que ce document soit signé
par l’acheteur pour la bonne information du sous-traitant et du comptable.
Dans
l’hypothèse d’une déclaration de sous-traitance effectuée après la notification
du marché public, l’acte spécial de sous-traitance doit être expressément signé
par l’acheteur et le titulaire du marché public. L’acceptation et
l’agrément du sous-traitant délivré par l’acheteur par la signature de l’acte
spécial de sous-traitance ne fait pas naître de relation contractuelle entre
eux : (CE, 27 janvier 1989,
Société SOPREMA, n° 80975), et le sous-traitant n’a pas l’obligation de
signer l’acte spécial, même si cela est conseillé pour apporter la preuve de
son consentement sur la nature des prestations sous-traitées et des conditions
du paiement direct. Une fois signé, l’acte spécial de
sous-traitance est notifié par l’acheteur au titulaire du marché public.
Lorsque
le sous-traitant est présenté en cours d’exécution du marché public, le silence
de l’acheteur gardé pendant 21 jours à compter de la réception de la
déclaration de sous-traitance comportant, de manière exhaustive, l’ensemble des
éléments exigés, vaut acceptation tacite et agrément des conditions de paiement
du sous-traitant présenté en cours d’exécution du marché public.
Cependant,
en cas de déclaration de sous-traitance incomplète transmise par le titulaire à
l’acheteur, le délai de 21 ne court pas (CAA Bordeaux, 9 février 1993, Sté revêtement Technique Sud-Ouest,
n°91BX00249).
Aucune
disposition n’oblige l’acheteur à informer le titulaire du marché que son
dossier est incomplet, mais il y a tout lieu de le faire pour éviter que ce
dernier ne pense que son sous-traitant a été tacitement accepté.
Ø La décision d’acceptation du sous-traitant
et l’agrément de ses conditions de paiement ne vaut, en principe, que pour la
durée initiale du marché public. Dans le cas d’un marché reconductible, et
en l’absence de clause expresse du formulaire de déclaration indiquant que, en
cas de reconduction du marché la déclaration de sous-traitance est également
reconduite dans les mêmes conditions, le titulaire doit rédiger un nouvel acte
spécial de sous-traitance indiquant les prestations confiées au titulaire au
titre de l’exécution du marché reconduit. Il peut être dérogé à cette règle, en
prévoyant, avec l’accord du titulaire, dans la déclaration préalable ou l’acte
spécial qu’ils seront reconduits dans les mêmes conditions.
Ø L’acheteur
doit justifier du refus ou du retrait d’acceptation et d’agrément du
sous-traitant, sous peine d’engager sa responsabilité
quasi-délictuelle pour faute envers celui-ci (CE, 21 mai 2008, Société Bernard Travaux Polynésie, n°205449).
Ce
refus ou retrait ne peut être justifié que si les conditions légalement prévues
(et ci-avant rappelées) ne sont pas remplies, et ce refus ou retrait doit être
motivé, eu égard notamment aux dispositions des articles L. 211-1 à L. 211-8 du
code des relations entre le public et l’administration.
Ainsi
par exemple, les motifs permettant de justifier le rejet du sous-traitant sont
notamment : montant de la sous-traitance anormalement bas, capacités
insuffisantes du sous-traitant qui sont susceptibles de nuire à la bonne
exécution du marché public (CE,
29 mai 1981, Roussey, n°12315, mentionné au Lebon), sous-traitant qui
tombe sous le coup d’une interdiction de soumissionner, existence d’un
nantissement ou d’une cession de créance qui ferait obstacle au paiement direct
du sous-traitant (CE, 2 juin
1989, Société Phinelec, n°67152, mentionné au Lebon) .
Ø L’acte
spécial de sous-traitance peut être modifié en cours d’exécution du marché
public par un acte spécial modificatif pour tenir compte des
modifications apportées au marché public, ou pour augmenter ou diminuer la part
qui a été sous-traitée, si les relations contractuelles du titulaire et du
sous-traitant sont également modifiées sur ce point.
En
revanche, l’acte spécial de sous-traitance ne peut être modifié en cours
d’exécution pour tenir compte de la manière dont les prestations sous-traitées
ont effectivement été exécutées. L’acheteur et le titulaire ne peuvent pas en
particulier modifier l’acte spécial de sous-traitance pour tenir compte de la
défaillance du sous-traitant à exécuter les prestations prévues au contrat (CE, 27 janvier 2017, Société
Baudin Châteauneuf Dervaux, n°397311 ; CAA Bordeaux, 1re ch.,
29 novembre 2018, n° 16BX02297).
Un
changement de sous-traitant est également possible en cours d’exécution du
marché public, mais l’acheteur devra s’assurer auprès du titulaire de l’acte
qui met fin au contrat de sous-traitance initial ainsi qu’un état des paiements
effectués au sous-traitant et de l’avancement des travaux ou prestations
confiés au sous-traitant jusqu’au terme du contrat.
L’acheteur
devra également s’assurer que le changement de sous-traitance n’a pas pour
effet de bouleverser l’équilibre du marché public. En
effet, la jurisprudence européenne considère qu’un « changement de
sous-traitant, même lorsque la possibilité en est prévue dans le contrat, peut,
dans des cas exceptionnels, constituer une telle modification de l’un
des éléments essentielles du contrat (…) lorsque le recours à un sous-traitant
plutôt qu’à un autre a été, compte tenu des caractéristiques propres à la
prestation en cause, un élément déterminant de la conclusion du contrat,
notamment en raison du fait que la modification d’un contrat en cours de
validité peut être considérée comme substantielle lorsqu’elle introduit des
conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure d’attribution
initiale, auraient permis l’admission de soumissionnaires autres que ceux
initialement admis ou auraient permis de retenir une offre autre que celle
initialement retenue » (CJUE,
13 avril 2012, Wall AG, aff. C-1/08).
4.
Le droit à paiement direct du
sous-traitant par le maître d’ouvrage :
Le paiement direct du
sous-traitant est un droit d’ordre public que les parties, mêmes d’un
commun accord, ne peuvent remettre en cause (CE, avis du 18 juin 1991, n°349740). Ainsi, une
clause insérée dans le contrat de sous-traitance ayant pour effet de faire
échec au paiement direct est réputée non écrite (article 15 de la loi du 31
décembre 1975 et article L. 2193-11 du code de la commande publique). Le
droit au paiement direct du sous-traitant est subordonné à la condition que le
montant de la sous-traitance soit égal ou supérieur à 600 euros TTC.
Seul le sous-traitant de
premier rang accepté par l’acheteur et dont les conditions de paiement ont été
agréées par celui-ci, peut bénéficier du droit au paiement direct des
prestations qu’il a exécutées (articles L. 2193-11 et
L. 2393-13 du code de la commande publique). Ainsi, un sous-traitant ne peut
prétendre au paiement direct des prestations exécutées antérieurement à la
décision d’acceptation et d’agrément de l’acheteur (CAA Nancy, 20 février 2018, Société HSOLS, n°16NC01473 ;
CE, 3 avril 1991, n°90552).
Les sous-traitants de
second rang ne bénéficient pas du droit au paiement direct.
Cependant afin de protéger les sous-traitants faisant l’objet d’une
sous-traitance en chaine, l’article L. 2193-14 du code de la commande publique dispose
que le sous-traitant direct doit délivrer au sous-traitant de second rang une
caution ou une délégation de paiement dans les conditions définies à l’article
14 de la loi du 31 décembre 1975.
Cette délégation de
paiement est une forme contractuelle de paiement direct qui permet à
l’acheteur, sur instruction du sous-traitant de premier rang, de régler
directement le sous-traitant de second rang en déduction des sommes dues à ce
dernier.
En l’absence de
délégation de paiement, le sous-traitant direct est tenu de fournir une caution
personnelle et solidaire et ce, préalablement à toute acceptation de
sous-traitance indirecte.
L’acheteur est tenu de
veiller à ce que le sous-traitant de premier rang, entrepreneur principal à
l’égard du sous-traitant indirect, ait effectivement respecté ses obligations
en matière de garantie de paiement. Ainsi, dès lors que l’acheteur a
connaissance d’un sous-traitant de second rang, il doit mettre en demeure le
sous-traitant direct afin que celui-ci délivre au sous-traitant de second rang
une délégation de paiement ou une caution. Si l’acheteur omet de mettre en
demeure le sous-traitant de premier rang, tel que cela est prévu par l’article
14-1 de la loi du 31 décembre 1975, il commet une faute de nature à engager sa
responsabilité quasi-délictuelle envers le sous-traitant (CAA de Versailles, 1er
juin 2011, Société JCI, n°09VE01379).
D’une manière générale,
l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 fait obligation
au maître d’ouvrage qui « a connaissance de la présence sur le chantier
d’un sous-traitant » de mettre en demeure l’entrepreneur de faire
accepter le sous-traitant et d’agréer les conditions de paiement, et ce, afin
d’éviter toute sous-traitance occulte.
Le Conseil d’Etat retient
que le maître d’ouvrage qui s’abstient de « provoquer la régularisation »
d’un sous-traitant non déclaré, en mettant en demeure l’entrepreneur principal,
commet une faute de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle à
l’égard du sous-traitant occulte (CE, 28 mai 2001, n°205449 ; CE, 7 novembre 1980, n°12060).
Pour le juge
administratif, la faute du maître d’ouvrage est uniquement constituée par sa
carence à mettre en demeure l’entrepreneur principal, en dépit de la
connaissance qu’il avait de la présence d’un sous-traitant sur le chantier.
Le juge administratif
subordonne cependant l’indemnisation du sous-traitant à la démonstration d’un
lien de causalité directe et le préjudice allégué par le sous-traitant occulte.
Au regard des
jurisprudences existantes, ce lien de causalité est rapporté et se limite strictement
au cas d’espèce où l’entrepreneur principal a perçu des sommes du maître
d’ouvrage qu’il aurait dû reverser au sous-traitant pour son exécution
personnelle, et est devenu insolvable ou impécunieux à pouvoir le faire.
Le sous-traitant occulte
ne sera pas tenu pour responsable de son absence de déclaration ou
d’acceptation. Cependant il lui appartient d’apporter la preuve que le maître
d’ouvrage avait « connaissance de sa présence sur le chantier »
en qualité de sous-traitant.
Dans un arrêt du 20 octobre 2020 (req.
n°18LY04737), la CAA de Lyon a rejeté la mise en cause du maître
d’ouvrage en l’absence de toute preuve apportée par le sous-traitant, de ce que
le premier avait connaissance de la présence du second sur le chantier.
Généralement, le juge se
fonde sur un faisceau d’indices, plutôt que sur un seul élément. Dans deux
arrêts (7 décembre 2010,
req. n°09BX01024 et 17 décembre 2018, req. n°16BX01315), la CAA de Bordeaux a
considéré cette preuve apportée, en se basant sur un faisceau d’indices liés à
la mention de l’intervention du sous-traitant : dans un avenant passé
entre l’entrepreneur et le maître d’ouvrage, sur une facture adressée par
l’entrepreneur et dans le projet de décompte général.
La preuve de cette
connaissance peut également résulter de la mention du sous-traitant dans les
comptes-rendus de chantier (CAA
Versailles, 12 avril 2005, req. n°02VE01958).
Le maître d’ouvrage qui
s’est abstenu de mettre en demeure l’entrepreneur principal de régulariser la
situation d’un sous-traitant non déclaré, peut s’en exonérer partiellement, en
invoquant la faute commise par l’entrepreneur principal, qui n’a pas soumis le
sous-traitant à l’acceptation du maître d’ouvrage (CE, 7 novembre 1980, req. n°12060).
Par ailleurs, le CCAG-Travaux,
en son article 32.1 prévoit que constitue un motif de résiliation pour faute,
la circonstance que le titulaire ait « sous-traité en contrevenant aux
dispositions législatives et réglementaires relatives à la sous-traitance, ou
s’il ne respecte pas les obligations relatives aux sous-traitants mentionnées à
l’article 3.6 ». Egalement ces mêmes circonstances peuvent conduire à
l’application de pénalités de retard, en application de l’article 3.6.3 du
CCAG-Travaux.
Ø La
procédure de paiement direct :
C’est le sous-traitant
qui adresse sa demande de paiement direct au titulaire, ce qui conditionne
son droit à paiement direct (CE, 19 avril 2017, Société Angles et fils, n°396174 ; CE 28 déc. 1988, Sté Prometal, req.
no 69850 , Lebon 476 – CAA Nantes,
20 déc. 2003, Sté Parlalu, req. no 00NT00682.).
A compter de
l’accomplissement de cette formalité, le titulaire dispose d’un délai de 15
jours pour accepter ou refuser la demande de paiement direct. Pour ce
faire, il examine la demande et vérifie si elle correspond aux prestations qui
ont effectivement été exécutées par le sous-traitant.
En cas d’acceptation
expresse, il joint au projet de décompte adressé à l’acheteur ou son
représentant une attestation et indique le montant des sommes à prélever au
profit du sous-traitant. Dans l’hypothèse où le titulaire oppose un refus de
paiement direct au sous-traitant, il doit motiver sa décision auprès du
sous-traitant et de l’acheteur. L’acheteur n’a pas à apprécier la légalité du
motif invoqué par le titulaire à l’appui de son refus. A l’issue du délai de 15
jours, le titulaire qui ne s’est pas manifesté est réputé avoir accepté la
demande de paiement direct adressée par le sous-traitant, comme le prévoit
l’article 8 de la loi du 31 décembre 1975 .
En parallèle de la
demande adressée au titulaire, le sous-traitant adresse sa demande à l’acheteur,
qu’il accompagne des copies des factures adressées au titulaire et de l’accusé
de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande.
A la réception de cette demande, l’acheteur adresse alors à son tour, et sans
délai, au titulaire du marché une copie des factures produites par le
sous-traitant.
Cette demande parallèle
est importante à respecter pour le sous-traitant, car dans l’hypothèse où le
titulaire du marché public n’a ni opposé un refus motivé à la demande de
paiement du sous-traitant dans le délai de 15 jours imparti suivant sa
réception, ni transmis celle-ci à l’acheteur, le sous-traitant qui n’a pas
transmis en parallèle sa demande de paiement à l’acheteur ne pourra prétendre
au paiement direct et aucun intérêt moratoire ne pourra être réclamé (CAA Versailles, 1er
juin 2011, Société JCI, n°09VE01379). Pour obtenir le
paiement direct par l'acheteur public de toute ou partie des prestations qu'il
a exécutées, le sous-traitant régulier doit adresser sa demande avant la
notification du décompte général du marché à l'entrepreneur (CE, 2 déc. 2019, n° 425204 CAA Marseille, 6e ch.,
15 juin 2020, n° 18MA02292).
Pour autant,
l’acceptation du paiement direct par le titulaire du marché public ne lie pas
de manière irrévocable l’acheteur qui conserve un droit de contrôle sur la
demande de paiement direct du sous-traitant.
Ainsi, le Conseil d’Etat
considère que le droit au paiement direct ne fait pas obstacle au contrôle, par
l’acheteur, de l’exécution effective des travaux sous-traités et du montant de
la créance du sous-traitant (CE,
28 avril 2000, Société Peinture Normandie, n° 181604 ; CE, 27 janvier 2017,
Société Baudin Châteauneuf Dervaux, n° 397311).
Au titre de ce contrôle
de l’exécution effective des prestations, l’acheteur peut s’assurer que la
consistance des travaux réalisés par le sous-traitant correspond effectivement
à ce qui était prévu par les stipulations du marché public (CE, 9 juin 2017, Société Keller
Fondations Spéciales contre Commune de Montereau-Fault-Yonne, n° 396358).
Si tel n’est pas le cas,
il peut refuser au sous-traitant le droit au paiement direct. L’acheteur peut
également refuser le paiement direct des prestations, non conformes aux
spécifications du marché public, qui n’étaient pas indispensables à l’exécution
des travaux et qui n’ont fait l’objet ni d’un avenant ni d’un ordre de service
(CAA Bordeaux, 9 décembre
2010, Société Dirickx Espace Protect SAS, n° 10BX00725).
L’acheteur peut également
refuser le paiement direct des travaux qui ne font pas partie de ceux pour
lesquels la sous-traitance a été acceptée et les conditions de paiement ont été
agréées (CE, 17 décembre
2003, Sté Laser, n° 250494).
En revanche, l’acheteur
ne saurait, dans le cadre de son droit de contrôle, vérifier la qualité des
prestations réalisées (règles de l’art) ou bien encore faire application des
stipulations contractuelles relatives aux pénalités de retard relevant du
marché public conclu avec le titulaire ni des stipulations contractuelles
relatives aux pénalités de retard relevant du sous-traité, ni au titre de
réserves formulées lors de la réception, pour s’opposer au paiement direct (CAA Lyon, 4e ch.,
15 mai 2014, n° 12LY22756).
Ø L’étendue
du droit au paiement direct dont bénéficie le sous-traitant :
Le sous-traitant
régulièrement accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par
l’acheteur a le droit au bénéfice du paiement direct à hauteur des prestations
du marché public qu’il est chargé d’exécuter et qui ont effectivement été
constatées (CAA Bordeaux, 6
juillet 2004, Sté Rosique Construction métallique, n° 00BX010112).
Il découle de ce principe
que l’acheteur ne peut, en principe, faire bénéficier le sous-traitant d’une
rémunération plus importante que celle prévue dans le marché public, l’avenant
ou l’acte spécial de sous-traitance (CAA Lyon, 6 juin 2013, EHPAD d’Effiat, n°12LY01935).
Cependant, le sous-traitant
accepté et agréé qui bénéficie du paiement direct a également le droit
au paiement direct des travaux supplémentaires, qui ont été convenus avec
le maître d’ouvrage et le titulaire du marché. Ces prestations supplémentaires
doivent faire l’objet d’un avenant au contrat de sous-traitance et donner lieu
à la modification de l’acte spécial de sous-traitance. A défaut d’avoir soumis
le sous-traitant à une nouvelle acceptation par l’acheteur et à l’agrément de
ses conditions de paiement pour ces prestations supplémentaires, le
sous-traitant ne pourra prétendre de l’acheteur un droit au paiement direct de
celles-ci (CE, 28 mai 2001, SA Bernard Travaux Polynésie, 205449).
Sans accord exprès, le
sous-traitant accepté et agréé peut toutefois bénéficier du paiement direct du
maître d’ouvrage pour des travaux indispensables à la réalisation de l’ouvrage
ainsi que des dépenses résultant pour lui de sujétions techniques imprévues qui
ont bouleversé l’économie générale du marché, et ce sur les mêmes fondements et
conditions que pour le titulaire du marché public
(CE, 1er juillet 2015, Régie
des eaux du canal de Belletrud, n° 383613 ; CE, 13 février 1987, Société
Ponticelli Frères, n° 67314 ; CE, 24 juin 2002, Département de la
Seine-Maritime, n° 240271 ; CE, 3 mars 2010, Société PRESSPALI, n°
304604 ; CE, 24 juin 2002, Département de la Seine-Maritime, n° 240271).
Aujourd’hui ces
conditions d’indemnisation du titulaire d’un marché de travaux pour ces travaux
ou dépenses supplémentaires non acceptés sont fixées par l’arrêt du Conseil d’Etat du 05 juin 2013 « Région Haute-Normandie »
(n°352917) l’indemnisation
de tels coûts supplémentaires est subordonnée à la preuve par le requérant de
l’existence de difficultés d’exécution subis qui soit trouvent leur origine
dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du
contrat, soit que ces difficultés d’exécution sont imputables à une faute
personnelle de la personne publique, maître d’ouvrage. Il s’agit d’une
jurisprudence établie, qui est maintenant constante, et voir par exemple
s’agissant de la Cour administrative d’appel de DOUAI dans un arrêt du 02 avril 2020
(n°18DA00736).
S’agissant
du cas particulier du sous-traitant,
le Conseil d’Etat considère que le bouleversement de l’économie générale du
marché public s’apprécie en confrontant « le montant des dépenses résultant
de ces sujétions au
montant total du marché
et non au montant de la partie sous-traitée » (CE, 1er juillet 2015, Régie des eaux du canal de Belletrud, n°
383613).
► Aux termes de l’article
R. 2193-19 du code de la commande publique, dès lors que le sous-traitant
bénéficie du droit au paiement direct et que, au titre du marché public, le
titulaire remplit les conditions pour bénéficier d’une avance, le sous-traitant
peut réclamer de l’acheteur le versement d’une avance.
Le refus du titulaire de bénéficier de
l’avance n’empêche pas le sous-traitant d’en obtenir le versement. Les
conditions de versement et de remboursement de l’avance sont identiques à
celles prévues pour l’avance versée au titulaire du marché public.
Le sous-traitant éligible au paiement direct
bénéficie de ce droit, dès la notification du marché public ou à la
notification de l’acte spécial de sous-traitance.
Les montants qui
conditionnent le versement de l’avance et qui sont prévus aux articles R. 2191-3
du code de la commande publique (marchés publics classiques) et R.
2391-1 du code de la commande publique (marchés publics de défense ou de
sécurité), s’apprécient par rapport au montant global du marché public et non
par rapport au
montant des prestations sous-traitées. Ainsi, pour les marchés publics «
classiques », l’avance est de droit si le montant total du marché public, et
non le seul montant des prestations sous-traitées, est supérieur à 50 000 euros
HT et si le délai d’exécution du marché public est supérieur à 2 mois. Pour
les marchés publics de défense ou de sécurité, l’avance est de droit si le montant
total du marché public est supérieur à 250 000 euros HT et si le délai
d’exécution est supérieur à 3 mois.
► Lorsque le sous-traitant bénéficie du
paiement direct et que l’acheteur est un pouvoir adjudicateur, y compris s’il
agit en qualité d’entité adjudicatrice, son paiement doit être effectué dans le
respect des dispositions des articles L. 3133-10 et suivants du code de la
commande publique et des dispositions des articles R. 3133-10 et suivants du
code de la commande publique.
En vertu de l’article 6
du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013, le délai de paiement qui engage le
pouvoir adjudicateur à l’égard du titulaire dans le cadre d’un marché public
engage également celui-ci à l’égard des sous-traitants du titulaire.
Le délai de paiement du
sous-traitant court à compter de la plus tardive des formalités suivantes :
- la réception par le
pouvoir adjudicateur de l’accord exprès du titulaire concernant la demande de
paiement du sous-traitant ou de son accord tacite, si dans le délai de 15 jours
qui lui est imparti, il n’a pas formellement opposé son refus au paiement
direct ;
- la réception par
l’acheteur de la copie de la facture adressée au titulaire et de l’accusé de réception
attestant que le titulaire a bien reçu la demande de paiement du sous-traitant.
Enfin, en cas de retard
de paiement par le pouvoir adjudicateur, le sous-traitant perçoit des intérêts
moratoires et une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dans les
conditions prévues par les articles 39 et 40 de la loi n° 2013-100102 du 28
janvier 2013.
S’il constate que la
demande de paiement ne comporte pas l’ensemble des pièces justificatives requises,
le pouvoir adjudicateur peut suspendre le délai de paiement du sous-traitant.
Cette suspension ne peut avoir lieu qu’une seule fois pour chaque demande de
paiement.
Afin que cette suspension
soit régulière, le pouvoir adjudicateur doit notifier au titulaire et au sous-traitant,
par tout moyen attestant d’une date certaine de réception, la suspension du
délai de paiement, les motifs d’une telle décision ainsi que les pièces
justificatives exigées aux fins de la régularisation de la demande. Le délai
sera suspendu jusqu’à la date de réception par le pouvoir adjudicateur des
pièces et justificatifs manquants. Dès la réception de l’ensemble des éléments
exigés, un nouveau délai de paiement commencera à courir (article R. 3133-23 du
code de la commande publique).
5.
La responsabilité du sous-traitant au
titre de son exécution personnelle envers le maître d’ouvrage :
Le sous-traitant, même
s’il a signé le procès-verbal de réception des travaux, n’est pas tenu à
l’égard du maître d’ouvrage, ni de la garantie de parfait achèvement, ni de la
garantie biennale de bon fonctionnement, ni encore de la garantie décennale,
car ces garanties exigent un lien contractuel entre le maître d’ouvrage et le
débiteur de ces garanties.
Seul l’entrepreneur
principal, lié contractuellement au maître d’ouvrage est responsable des
éventuelles fautes commises par ses sous-traitants. L’article L. 2193-3 du code
de la commande publique rappelle d’ailleurs que le titulaire sous-traite sous
sa propre responsabilité.
Ainsi le maître d’ouvrage
recherchera, au titre de désordres affectant l’ouvrage, en premier lieu la
responsabilité du titulaire qui ne saurait pouvoir s’exonérer en invoquant des
fautes du sous-traitant, puisqu’il en répond à l’égard du maître d’ouvrage.
Toutefois, le Conseil
d’Etat a admis dans son
arrêt « Commune de Bihorel » du 7 décembre 2015 (n°380419) que
le maître d’ouvrage pouvait rechercher directement la responsabilité
quasi-délictuelle du sous-traitant, mais d’une façon subsidiaire et
limitée :
-
La responsabilité des cocontractants,
locateurs d’ouvrages du maître d’ouvrage, ne doit plus pouvoir être utilement
recherchée (voir pour confirmation CE, 27 janvier 2017, Sté Baudin Châteauneuf Dervaux, req. n°397311).
En
pratique, les hypothèses sont limitées : liquidation judiciaire des
locateurs d’ouvrage, clause limitative de responsabilité au bénéfice de
l’entrepreneur principal.
Si
le maître d’ouvrage a pu utilement rechercher la responsabilité contractuelle
du titulaire du marché et a obtenu sa condamnation ainsi que celle du maître
d’œuvre, il ne peut pas rechercher la responsabilité du sous-traitant sur le
fondement quasi-délictuel (CAA
Nantes, 20 octobre 2020, req. n°19NT02903).
Le
maître d’ouvrage ne doit pas s’être placé lui-même dans l’impossibilité de
rechercher utilement la responsabilité de ses cocontractants (CAA Douai, 14 janvier 2020, req.
n°18DA02297). Dans cette espèce, un incendie du fait d’un sous-traitant
s’était déclaré sur une toiture-terrasse avant la réception des travaux. Le
maître d’ouvrage avait réceptionné et établit le décompte général définitif
sans émettre de réserves à ce sujet vis-à-vis de l’entrepreneur. Et ayant ainsi
renoncé à agir contre le titulaire, son action contre le sous-traitant a été
par conséquent rejetée.
-
La responsabilité du sous-traitant doit
être recherchée sur la base de la violation des règles de l’art ou la
méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. A contrario le
maître d’ouvrage ne saurait se prévaloir de fautes du sous-traitant résultant
de sa seule inexécution de ses propres obligations contractuelles vis-à-vis de
l’entrepreneur principal, et qui ne caractérisent pas une méconnaissance de
règles de l’art ou de dispositions législatives et réglementaires.
Et
notamment le retard dans l’exécution des prestations ne suffit pas à
caractériser une violation des règles de l’art ou une méconnaissance des
dispositions législatives et réglementaires (CE, 27 janvier 2017, Sté Baudin Châteauneuf Dervaux,
req. n°397311, CAA Douai, 29 septembre 2020, req. n°18DA01593).
-
Enfin, les désordres doivent être apparus
après réception et doivent être de nature décennale, soit de nature à
compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.
Les actions dirigées
contre les sous-traitants sur le fondement du droit commun se prescrivent
par dix ans à compter de la réception lorsqu’elles sont initiées par le
maître d’ouvrage (article 1792-4-3 du code civil).
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