Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 20-13.708
- ECLI:FR:CCASS:2021:C200947
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 14 octobre 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, du 18 décembre 2019Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 octobre 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 947 F-D
Pourvoi n° P 20-13.708
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2021
M. [I] [T], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° P 20-13.708 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Filia-MAIF,
2°/ à M. [Z] [S], domicilié [Adresse 1],
3°/ à l'Etablissement national des [1], dont le siège est [Adresse 4],
4°/ à la Mutuelle assurance des instituteurs de France, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Filia Maif,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [T], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France, venant aux droits de la société Filia Maif, de la Mutuelle assurance des instituteurs de France, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la société MAIF de la reprise, en son nom propre, de l'instance.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 18 décembre 2019) et les productions, M. [T], marin professionnel, a été victime, le 4 août 2008, d'un accident de la circulation impliquant une motocyclette, pilotée par M. [S] et assurée auprès de la société Filia-MAIF aux droits de laquelle vient la société MAIF (l'assureur).
3. Un protocole d'indemnisation transactionnel a été conclu le 4 février 2013 par M. [T] et l'assureur.
4. Par lettre du 31 août 2015, la Société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM), employeur de M. [T], lui a notifié son « licenciement pour inaptitude », en raison de l'impossibilité de reclassement.
5. M. [T], faisant valoir que son licenciement était causé par l'aggravation des séquelles physiques et psychiques liées à l'accident et que le préjudice en résultant n'entrait pas dans le champ du protocole transactionnel, a assigné M. [S], son assureur et l'Établissement national des [1] aux fins d'indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
6. M. [T] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires alors « que tout jugement doit être motivé ; que ne répond pas à cette exigence le juge qui ne procède à aucun examen, même sommaire, des documents qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, il avait produit les comptes rendus des visites médicales annuelles, qui faisaient explicitement référence aux séquelles de son accident de 2008 [20 mai 2010, 12 mai 2011, 26 avril 2012, 18 juillet 2013], le rapport médical du docteur [O] du 23 octobre 2014, qui rattachait sa conclusion d'inaptitude de M. [T] à la profession de marin à « l'histoire de [sa] maladie » qui commençait avec son accident de 2008 et aux séquelles qui en étaient résultées, en précisant qu'il s'agissait d'un « AVP (MHN) », c'est-à-dire d'un accident sur la voie publique et d'une maladie hors navigation [et donc non professionnelle], le procès-verbal administratif de la commission médicale régionale d'aptitude physique à la navigation de [Localité 1] (Cmra) du 14 avril 2015, qui se fondait sur ce rapport, et la décision du directeur inter-régional de la Mer Méditerranée [15 avril 2015], qui se fondait sur la proposition de la CMRA, tous actes qui étaient ainsi rattachés à une évolution de séquelles d'un accident de la circulation n'ayant aucune origine professionnelle ; qu'en jugeant dès lors que le licenciement de M. [T] ne pouvait pas être mis en relation causale avec cet accident, sans avoir procédé au moindre examen de ces documents, essentiels en la cause, qui établissaient à la fois ladite relation et l'absence de caractère professionnel des séquelles souffertes par M. [T], la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
7. Il résulte de ce texte que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision, l'insuffisance des motifs équivalant à leur absence.
8. Pour rejeter les demandes d'indemnisation de M. [T], l'arrêt retient que celui-ci n'établit pas que son licenciement est la conséquence d'une aggravation de son état, en relation avec l'accident du 4 août 2008.
9. La décision énonce qu'en effet, le licenciement étant intervenu, à défaut de possibilité de reclassement, en raison d'une inaptitude « ayant une origine professionnelle », il ne peut, par définition, être mis en relation causale avec un accident de la circulation (dont il n'est ni prouvé ni allégué qu'il s'agisse d'un accident du travail), et constituer l'aggravation de ses conséquences et qu'il convient, sans qu'il soit utile ou nécessaire d'entrer plus avant dans l'argumentation des parties, d'infirmer le jugement déféré.
10. En statuant ainsi, sans mentionner ni analyser, même sommairement, les documents produits par la victime au soutien de ses demandes, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes indemnitaires de M. [T], l'arrêt rendu le 18 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société MAIF, venant aux droits de la société Filia-MAIF, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [T] contre l'Établissement national des [1] et contre M. [S], rejette la demande formée par la société MAIF, venant aux droits de la société Filia-MAIF, et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour M. [T]
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes indemnitaires de M. [I] [T]
AUX MOTIFS QU'en soutenant que l'inaptitude à raison de laquelle son licenciement a été prononcé constitue une aggravation de son état en causalité certaine et directe avec l'accident du 4 août 2008, [I] [T] ne peut être considéré comme irrecevable en ses demandes, dès lors que l'autorité de chose jugée qui s'attache à la transaction du 4 février 2013 ne concerne que la réparation du préjudice tel que déterminé dans son ampleur par l'expertise [R], et non son éventuelle aggravation, dont au demeurant ladite transaction prévoit in fine que son « éventualité (...) en relation avec l'accident et appréciée par référence aux données médicales servant de base aux conclusions mentionnées ci-dessus (i.e. le corps du protocole transactionnel), demeure expressément réservée » ; qu'il n'est en revanche pas établi par l'intimé que son licenciement soit la conséquence d'une aggravation de son état, en relation avec l'accident du 4 août 2008, comme l'a jugé à tort la décision querellée ; qu'en effet, le licenciement étant intervenu, à défaut de possibilité de reclassement, en raison d'une inaptitude « ayant une origine professionnelle » (cf. lettre de licenciement du 31 août 2015), il ne peut, par définition, être mis en relation causale avec un accident de la circulation (dont il n'est ni prouvé ni allégué qu'il s'agisse d'un accident du travail), et constituer l'aggravation de ses conséquences ; qu'il échet ainsi, et sans qu'il soit utile ou nécessaire d'entrer plus avant dans l'argumentation des parties, d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
1° ALORS QUE l'aggravation d'un préjudice est un élément constitutif du préjudice total subi, dont la victime est fondée à réclamer réparation, en complément de l'indemnisation qu'elle a déjà perçue ; qu'il en est ainsi d'une aggravation affectant l'incidence professionnelle d'un accident, dès lors que l'évolution de l'état de santé de la victime l'a conduite à devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage ; qu'en l'espèce, M. [T] soutenait que le licenciement dont il avait été l'objet [31 août 2015] constituait une aggravation de son préjudice, au titre de la perte de gains professionnels futurs, intervenue postérieurement au protocole transactionnel [4 février 2013] conclu avec la société MAIF, dès lors qu'il était en relation directe et certaine avec les séquelles provoquées par son accident de la circulation du 4 août 2008 ; qu'en effet, soutenait-il, ce licenciement reposait explicitement [lettre du 31 août 2015] sur la décision d'inaptitude du directeur inter-régional de la Mer Méditerranée [15 avril 2015], lequel reposait sur l'avis de la CMRA [14 avril 2015], qui reposait lui-même sur le rapport du médecin des gens de mer [23 octobre 2014], le docteur [O] ; que ce dernier, qui a suivi M. [T] depuis la reprise de son activité [2010], a toujours constaté lors des visites médicales annuelles les mêmes séquelles physiques et psychiques de l'accident de 2008, et les difficultés à la station debout qui les accompagnaient, telles qu'elles avaient été relevées avant le protocole transactionnel ; que c'est leur aggravation qui a conduit ce médecin, d'abord, à conditionner l'aptitude de M. [T] à l'absence de « poste nécessitant la station debout prolongée » [visite du 12 mai 2011], puis à conclure à l'impossibilité du « maintien dans la profession de marin » [rapport du 23 octobre 2014] ; que, dès lors que le licenciement s'est exclusivement fondé sur la décision du directeur inter-régional de la Mer Méditerranée, et que cette dernière n'avait d'autre fondement que l'évolution aggravée des séquelles de l'accident de la circulation de M. [T], il existe un lien direct entre ce licenciement et cette aggravation, sans laquelle ledit licenciement ne serait pas intervenu ; qu'en jugeant dès lors que le licenciement de M. [T] n'était pas la conséquence de son état en relation avec l'accident du 4 août 2008, la cour a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
2° ALORS, en toute hypothèse, QUE tout jugement doit être motivé ; que ne répond pas à cette exigence le juge qui ne procède à aucun examen, même sommaire, des documents qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, M. [T] avait produit les comptes rendus des visites médicales annuelles, qui faisaient explicitement référence aux séquelles de son accident de 2008 [20 mai 2010, 12 mai 2011, 26 avril 2012, 18 juillet 2013], le rapport médical du docteur [O] du 23 octobre 2014, qui rattachait sa conclusion d'inaptitude de M. [T] à la profession de marin à « l'histoire de [sa] maladie » qui commençait avec son accident de 2008 et aux séquelles qui en étaient résultées, en précisant qu'il s'agissait d'un « AVP (MHN) », c'est-à-dire d'un accident sur la voie publique et d'une maladie hors navigation [et donc non professionnelle], le procès-verbal administratif de la CMRA du 14 avril 2015, qui se fondait sur ce rapport, et la décision du directeur inter-régional de la Mer Méditerranée [15 avril 2015], qui se fondait sur la proposition de la CMRA, tous actes qui étaient ainsi rattachés à une évolution de séquelles d'un accident de la circulation n'ayant aucune origine professionnelle ; qu'en jugeant dès lors que le licenciement de M. [T] ne pouvait pas être mis en relation causale avec cet accident, sans avoir procédé au moindre examen de ces documents, essentiels en la cause, qui établissaient à la fois ladite relation et l'absence de caractère professionnel des séquelles souffertes par M. [T], la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3° ALORS QUE le rapport médical du médecin des gens de mer, du 23 octobre 2014, sur lequel repose l'avis et le procès-verbal administratif de la CMRA ainsi que, par voie de conséquence, la décision du directeur inter-régional de la Mer Méditerranée, a explicitement fondé l'impossibilité du maintien de M. [T] « dans la profession de marin » sur l'évolution des séquelles de l'accident de la circulation de ce dernier (2008), en précisant qu'il s'agissait d'un « AVP (MHN) », c'est-à-dire d'un accident sur la voie publique constituant une maladie hors navigation (MHN) ; que le procès-verbal administratif de la CMRA du 14 avril 2015, versé aux débats, ne comporte aucune référence à une inaptitude d'origine professionnelle, non plus que la décision d'inaptitude du 15 avril 2015 ; qu'en retenant dès lors que le licenciement de M. [T] était intervenu, selon la lettre de licenciement, pour une aptitude « ayant une origine professionnelle », ce qui empêchait de la rattacher causalement à l'accident de la circulation de 2008, sans avoir retenu aucun élément de nature à justifier la réalité de cette origine professionnelle, contestée par M. [T], et contredite par les constatations du médecin de gens de mer, la cour a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale du préjudice.ECLI:FR:CCASS:2021:C200947
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 octobre 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 947 F-D
Pourvoi n° P 20-13.708
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2021
M. [I] [T], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° P 20-13.708 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Filia-MAIF,
2°/ à M. [Z] [S], domicilié [Adresse 1],
3°/ à l'Etablissement national des [1], dont le siège est [Adresse 4],
4°/ à la Mutuelle assurance des instituteurs de France, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Filia Maif,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [T], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France, venant aux droits de la société Filia Maif, de la Mutuelle assurance des instituteurs de France, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la société MAIF de la reprise, en son nom propre, de l'instance.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 18 décembre 2019) et les productions, M. [T], marin professionnel, a été victime, le 4 août 2008, d'un accident de la circulation impliquant une motocyclette, pilotée par M. [S] et assurée auprès de la société Filia-MAIF aux droits de laquelle vient la société MAIF (l'assureur).
3. Un protocole d'indemnisation transactionnel a été conclu le 4 février 2013 par M. [T] et l'assureur.
4. Par lettre du 31 août 2015, la Société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM), employeur de M. [T], lui a notifié son « licenciement pour inaptitude », en raison de l'impossibilité de reclassement.
5. M. [T], faisant valoir que son licenciement était causé par l'aggravation des séquelles physiques et psychiques liées à l'accident et que le préjudice en résultant n'entrait pas dans le champ du protocole transactionnel, a assigné M. [S], son assureur et l'Établissement national des [1] aux fins d'indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
6. M. [T] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires alors « que tout jugement doit être motivé ; que ne répond pas à cette exigence le juge qui ne procède à aucun examen, même sommaire, des documents qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, il avait produit les comptes rendus des visites médicales annuelles, qui faisaient explicitement référence aux séquelles de son accident de 2008 [20 mai 2010, 12 mai 2011, 26 avril 2012, 18 juillet 2013], le rapport médical du docteur [O] du 23 octobre 2014, qui rattachait sa conclusion d'inaptitude de M. [T] à la profession de marin à « l'histoire de [sa] maladie » qui commençait avec son accident de 2008 et aux séquelles qui en étaient résultées, en précisant qu'il s'agissait d'un « AVP (MHN) », c'est-à-dire d'un accident sur la voie publique et d'une maladie hors navigation [et donc non professionnelle], le procès-verbal administratif de la commission médicale régionale d'aptitude physique à la navigation de [Localité 1] (Cmra) du 14 avril 2015, qui se fondait sur ce rapport, et la décision du directeur inter-régional de la Mer Méditerranée [15 avril 2015], qui se fondait sur la proposition de la CMRA, tous actes qui étaient ainsi rattachés à une évolution de séquelles d'un accident de la circulation n'ayant aucune origine professionnelle ; qu'en jugeant dès lors que le licenciement de M. [T] ne pouvait pas être mis en relation causale avec cet accident, sans avoir procédé au moindre examen de ces documents, essentiels en la cause, qui établissaient à la fois ladite relation et l'absence de caractère professionnel des séquelles souffertes par M. [T], la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
7. Il résulte de ce texte que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision, l'insuffisance des motifs équivalant à leur absence.
8. Pour rejeter les demandes d'indemnisation de M. [T], l'arrêt retient que celui-ci n'établit pas que son licenciement est la conséquence d'une aggravation de son état, en relation avec l'accident du 4 août 2008.
9. La décision énonce qu'en effet, le licenciement étant intervenu, à défaut de possibilité de reclassement, en raison d'une inaptitude « ayant une origine professionnelle », il ne peut, par définition, être mis en relation causale avec un accident de la circulation (dont il n'est ni prouvé ni allégué qu'il s'agisse d'un accident du travail), et constituer l'aggravation de ses conséquences et qu'il convient, sans qu'il soit utile ou nécessaire d'entrer plus avant dans l'argumentation des parties, d'infirmer le jugement déféré.
10. En statuant ainsi, sans mentionner ni analyser, même sommairement, les documents produits par la victime au soutien de ses demandes, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes indemnitaires de M. [T], l'arrêt rendu le 18 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société MAIF, venant aux droits de la société Filia-MAIF, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [T] contre l'Établissement national des [1] et contre M. [S], rejette la demande formée par la société MAIF, venant aux droits de la société Filia-MAIF, et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour M. [T]
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes indemnitaires de M. [I] [T]
AUX MOTIFS QU'en soutenant que l'inaptitude à raison de laquelle son licenciement a été prononcé constitue une aggravation de son état en causalité certaine et directe avec l'accident du 4 août 2008, [I] [T] ne peut être considéré comme irrecevable en ses demandes, dès lors que l'autorité de chose jugée qui s'attache à la transaction du 4 février 2013 ne concerne que la réparation du préjudice tel que déterminé dans son ampleur par l'expertise [R], et non son éventuelle aggravation, dont au demeurant ladite transaction prévoit in fine que son « éventualité (...) en relation avec l'accident et appréciée par référence aux données médicales servant de base aux conclusions mentionnées ci-dessus (i.e. le corps du protocole transactionnel), demeure expressément réservée » ; qu'il n'est en revanche pas établi par l'intimé que son licenciement soit la conséquence d'une aggravation de son état, en relation avec l'accident du 4 août 2008, comme l'a jugé à tort la décision querellée ; qu'en effet, le licenciement étant intervenu, à défaut de possibilité de reclassement, en raison d'une inaptitude « ayant une origine professionnelle » (cf. lettre de licenciement du 31 août 2015), il ne peut, par définition, être mis en relation causale avec un accident de la circulation (dont il n'est ni prouvé ni allégué qu'il s'agisse d'un accident du travail), et constituer l'aggravation de ses conséquences ; qu'il échet ainsi, et sans qu'il soit utile ou nécessaire d'entrer plus avant dans l'argumentation des parties, d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
1° ALORS QUE l'aggravation d'un préjudice est un élément constitutif du préjudice total subi, dont la victime est fondée à réclamer réparation, en complément de l'indemnisation qu'elle a déjà perçue ; qu'il en est ainsi d'une aggravation affectant l'incidence professionnelle d'un accident, dès lors que l'évolution de l'état de santé de la victime l'a conduite à devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage ; qu'en l'espèce, M. [T] soutenait que le licenciement dont il avait été l'objet [31 août 2015] constituait une aggravation de son préjudice, au titre de la perte de gains professionnels futurs, intervenue postérieurement au protocole transactionnel [4 février 2013] conclu avec la société MAIF, dès lors qu'il était en relation directe et certaine avec les séquelles provoquées par son accident de la circulation du 4 août 2008 ; qu'en effet, soutenait-il, ce licenciement reposait explicitement [lettre du 31 août 2015] sur la décision d'inaptitude du directeur inter-régional de la Mer Méditerranée [15 avril 2015], lequel reposait sur l'avis de la CMRA [14 avril 2015], qui reposait lui-même sur le rapport du médecin des gens de mer [23 octobre 2014], le docteur [O] ; que ce dernier, qui a suivi M. [T] depuis la reprise de son activité [2010], a toujours constaté lors des visites médicales annuelles les mêmes séquelles physiques et psychiques de l'accident de 2008, et les difficultés à la station debout qui les accompagnaient, telles qu'elles avaient été relevées avant le protocole transactionnel ; que c'est leur aggravation qui a conduit ce médecin, d'abord, à conditionner l'aptitude de M. [T] à l'absence de « poste nécessitant la station debout prolongée » [visite du 12 mai 2011], puis à conclure à l'impossibilité du « maintien dans la profession de marin » [rapport du 23 octobre 2014] ; que, dès lors que le licenciement s'est exclusivement fondé sur la décision du directeur inter-régional de la Mer Méditerranée, et que cette dernière n'avait d'autre fondement que l'évolution aggravée des séquelles de l'accident de la circulation de M. [T], il existe un lien direct entre ce licenciement et cette aggravation, sans laquelle ledit licenciement ne serait pas intervenu ; qu'en jugeant dès lors que le licenciement de M. [T] n'était pas la conséquence de son état en relation avec l'accident du 4 août 2008, la cour a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
2° ALORS, en toute hypothèse, QUE tout jugement doit être motivé ; que ne répond pas à cette exigence le juge qui ne procède à aucun examen, même sommaire, des documents qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, M. [T] avait produit les comptes rendus des visites médicales annuelles, qui faisaient explicitement référence aux séquelles de son accident de 2008 [20 mai 2010, 12 mai 2011, 26 avril 2012, 18 juillet 2013], le rapport médical du docteur [O] du 23 octobre 2014, qui rattachait sa conclusion d'inaptitude de M. [T] à la profession de marin à « l'histoire de [sa] maladie » qui commençait avec son accident de 2008 et aux séquelles qui en étaient résultées, en précisant qu'il s'agissait d'un « AVP (MHN) », c'est-à-dire d'un accident sur la voie publique et d'une maladie hors navigation [et donc non professionnelle], le procès-verbal administratif de la CMRA du 14 avril 2015, qui se fondait sur ce rapport, et la décision du directeur inter-régional de la Mer Méditerranée [15 avril 2015], qui se fondait sur la proposition de la CMRA, tous actes qui étaient ainsi rattachés à une évolution de séquelles d'un accident de la circulation n'ayant aucune origine professionnelle ; qu'en jugeant dès lors que le licenciement de M. [T] ne pouvait pas être mis en relation causale avec cet accident, sans avoir procédé au moindre examen de ces documents, essentiels en la cause, qui établissaient à la fois ladite relation et l'absence de caractère professionnel des séquelles souffertes par M. [T], la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3° ALORS QUE le rapport médical du médecin des gens de mer, du 23 octobre 2014, sur lequel repose l'avis et le procès-verbal administratif de la CMRA ainsi que, par voie de conséquence, la décision du directeur inter-régional de la Mer Méditerranée, a explicitement fondé l'impossibilité du maintien de M. [T] « dans la profession de marin » sur l'évolution des séquelles de l'accident de la circulation de ce dernier (2008), en précisant qu'il s'agissait d'un « AVP (MHN) », c'est-à-dire d'un accident sur la voie publique constituant une maladie hors navigation (MHN) ; que le procès-verbal administratif de la CMRA du 14 avril 2015, versé aux débats, ne comporte aucune référence à une inaptitude d'origine professionnelle, non plus que la décision d'inaptitude du 15 avril 2015 ; qu'en retenant dès lors que le licenciement de M. [T] était intervenu, selon la lettre de licenciement, pour une aptitude « ayant une origine professionnelle », ce qui empêchait de la rattacher causalement à l'accident de la circulation de 2008, sans avoir retenu aucun élément de nature à justifier la réalité de cette origine professionnelle, contestée par M. [T], et contredite par les constatations du médecin de gens de mer, la cour a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale du préjudice.
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