Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 5 mai 2015
N° de pourvoi: 14-11.958
Non publié au bulletin Rejet
M. Terrier (président), président
SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 octobre 2013), qu'à l'occasion de travaux de conception, réalisation et mise en service d'un centre de valorisation énergétique, la société Constructions industrielles de la Méditerranée (société CNIM) a sous-traité à la société CAPE SOCAP le calorifugeage de l'installation, moyennant un prix global, forfaitaire et définitif de 492 500 euros ; qu'après avoir abandonné le chantier, la société CAPE SOCAP, depuis en redressement judiciaire, a assigné la société CNIM en paiement de factures impayées, de travaux supplémentaires, de dépassement de délais du chantier et de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la procédure collective ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société CAPE SOCAP fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, et notamment celle en paiement de factures impayées, alors, selon le moyen :
1°/ que la société CAPE SOCAP soutenait, dans ses conclusions, en se référant à plusieurs documents régulièrement versés aux débats par elle et par la société CNIM, qu'elle avait travaillé sur le chantier jusqu'à la fin du mois de juillet 2004, et que la société CNIM avait abusivement refusé de signer la situation d'avancement correspondant à ces travaux de juillet 2004 ; qu'en se bornant à affirmer que la dernière situation d'avancement signée par les parties datait de juin 2004, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'absence de situation de travaux signée des parties en juillet 2004 ne résultait pas du refus abusif de l'entrepreneur principal d'entériner les travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que, dans son courrier du 21 juillet 2004, la société CAPE SOCAP constatait le paiement effectif par la société CNIM d'un montant de 344 000 euros au titre du marché, et faisait la liste des retenues opérées ou à opérer au titre des paiements directs aux sous-traitants (73 000 euros pour la société Normandie échafaudage et 118 000 euros pour la société Termiso) et du compte prorata (12 000 euros), pour un total de 191 000 euros ; que, si elle admettait le principe de ces retenues, la société CAPE SOCAP ne reconnaissait en revanche pas, dans ce courrier, que les sommes correspondant aux retenues listées avaient effectivement été réglées par la société CNIM ; qu'en affirmant néanmoins qu'il aurait été établi par ce courrier du 21 juillet 2004 que les sommes de « 191 K euros » avaient été réglées en vertu de la procédure de paiement direct aux sous-traitants Normandie échafaudage et Termiso, outre la retenue au titre du compte prorata de « 12 K euros » et hors prise en compte de la société ICI, la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis du courrier du 21 juillet 2004, et violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que la société CAPE SOCAP faisait valoir, dans ses conclusions, que la société CNIM lui avait réglé la somme de 350 835,02 euros TTC, mais que l'entrepreneur principal ne justifiait en revanche pas avoir réglé le montant dû à la société sous-traitante Normandie échafaudage, qui avait déclaré sa créance à la procédure collective de la société CAPE SOCAP ; qu'en se bornant à affirmer que la société CNIM aurait payé la sous-traitante dans le cadre de la procédure de paiement direct, sans s'expliquer sur les circonstances ainsi mises en exergue par la société CAPE SOCAP, établissant qu'il n'était pas démontré par l'entrepreneur principal que ce paiement aurait effectivement eu lieu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que tout jugement doit être motivé ; que la société CAPE SOCAP faisait valoir, dans ses conclusions, que la facturation se faisait par étapes contractuellement prévues et qu'elle était donc en décalage par rapport à la totalité du travail effectivement accompli, que l'absence de bons d'attachement, qui correspondent à une facturation à l'heure, s'expliquait par la nature du marché à forfait, payable par tranche de réalisations matérialisées par des situations d'avancement, et que si l'on se basait sur le dernier avancement signé par la société CNIM en juin 2004, étant entendu que la société CAPE SOCAP avait effectivement été payée par la société CNIM de la somme de 293 340,32 euros HT, les sommes restant dues à la société CAPE SOCAP s'élevaient à 101 109,68 euros HT ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, que, selon le contrat, « les factures doivent être accompagnées de tous les documents faisant la preuve de l'exécution des obligations de l'entreprise », mais qu'en l'espèce aucun justificatif n'accompagnait les factures litigieuses et que, s'agissant d'un marché forfaitaire réglé en fonction de l'avancement du chantier, la société CAPE SOCAP ne démontrait pas que le règlement n'aurait pas été déjà compris dans la situation d'avancement au 30 mai 2004 et ne justifiait pas le bien-fondé de ces factures, qu'elle a rejetées en totalité, sans répondre aux conclusions opérantes de la société CAPE SOCAP, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le dernier document signé par les parties faisait état au 28 juin 2004 d'un avancement des travaux à concurrence de 80,5 %, et retenu, sans dénaturation, qu'il résultait d'un courrier du 21 juillet 2004 de la société CAPE SOCAP adressé à la société CNIM que celle-ci avait réglé une somme à deux sous-traitants en vertu de la procédure de paiement direct, et que la société CAPE SOCAP ne rapportait pas la preuve de l'exécution des travaux dont elle se prévalait, la cour d'appel, qui, répondant aux conclusions sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire que la demande en paiement n'était pas fondée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société CAPE SOCAP fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, et notamment celle au titre des travaux supplémentaires, alors, selon le moyen :
1°/ que la société CAPE SOCAP faisait valoir, dans ses conclusions, que la société CNIM avait sous-estimé certaines lignes de travaux lors de l'élaboration de l'appel d'offre et qu'elle lui avait remis une nomenclature n° 4849 1420/64G 101C sur la base de laquelle elle avait réalisé sa proposition du 28 juillet 2003 ; qu'elle indiquait n'avoir été mise en possession d'une nouvelle nomenclature que tardivement ; qu'en retenant, pour débouter la société CAPE SOCAP de sa demande au titre des travaux supplémentaires, qu'elle ne pouvait se prévaloir d'une sous-estimation des travaux lors de la signature du marché, en raison de sa méconnaissance de la nomenclature du marché, quand cet argument était contredit par la proposition de la société CAPE SOCAP du 25 juillet 2003 faisant référence à l'estimation des surfaces à traiter, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si lors de la rédaction de cette proposition, la société CAPE SOCAP avait été mise en mesure d'effectuer une juste évaluation des surfaces, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que la société CAPE SOCAP faisait valoir, dans ses conclusions, que la société CNIM avait sous-estimé certaines lignes de travaux lors de l'élaboration de l'appel d'offre et qu'elle lui avait remis une nomenclature n° 4849 1420/64G 101C sur la base de laquelle elle avait réalisé sa proposition du 28 juillet 2003 ; qu'elle indiquait n'avoir été mise en possession de la nouvelle nomenclature n° 4849 1420/64G 109B que trop tardivement ; que, pour débouter la société CAPE SOCAP de sa demande au titre des travaux supplémentaires, la cour d'appel retient encore que, dans un courrier de confirmation de son offre de prix du 30 juillet 2003, elle faisait expressément référence aux deux nomenclatures techniques incluses dans le marché signé le 23 septembre 2003 ; qu'en statuant ainsi, quand ce courrier faisait référence à deux nomenclatures techniques portant les numéros 4849. 12-22 / 64 E 001 ¿ Rév. B et 4849. 18-42 / 64 E 003 ¿ Rév. B, sans aucune relation avec les nomenclatures des métrés sous-évalués litigieux, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que la société CAPE SOCAP faisait valoir, dans ses conclusions, que les stipulations contractuelles - auxquelles la société CNIM renvoyait - prévoyant que le sous-traitant conservait à sa charge certains travaux rendus nécessaires par l'éventuel écart entre les plans de fabrication contractuels transmis à la société CAPE SOCAP et les installations existantes, étaient inopérantes dès lors que les tuyauteries litigieuses n'étaient pas construites lors de la réalisation du devis et ne pouvaient donc être considérées comme des installations existantes ; qu'en se bornant à rappeler ces stipulations, sans expliquer en quoi elles auraient pour conséquence de faire écarter les prétentions de la société CAPE SOCAP, quand elle était expressément saisie d'une contestation sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que la société CAPE SOCAP faisait valoir, dans ses conclusions, que la situation d'avancement du 29 avril 2004, signée par la société CNIM, mentionnait expressément, en page 2, un métré de 570,10 mètres et précisait qu'il y avait des surfaces réalisées en plus par rapport au marché, avec une plus-value à chiffrer, ce dont il se déduisait qu'en application du contrat d'entreprise (avenant 002) signé entre la société CAPE SOCAP et la société CNIM, dont elle citait les stipulations, la société CNIM ayant imposé une modification des travaux, un devis devait être établi sur les bases contractuellement prévues et les travaux supplémentaires devaient faire l'objet d'un avenant au contrat initial ; qu'en se bornant à affirmer qu'en l'absence de modification des plans guides, la société CAPE SOCAP ne pouvait prétendre au paiement de travaux supplémentaires, sans expliquer en quoi les modifications apportées par l'entrepreneur principal aux travaux initialement convenus ne justifiaient pas l'application des stipulations auxquelles elle se référait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
5°/ que tout jugement doit être motivé ; que la société CAPE SOCAP soutenait, dans ses conclusions, qu'elle avait respecté et mis en oeuvre la procédure prévue à l'article 24.2 du CGA-E, en réalisant sans délai les travaux supplémentaires nécessaires, et en notifiant par écrit à l'entreprise principale sa proposition de valorisation, et que la société CNIM, profitant de ce que le contrat obligeait en tout hypothèse la société sous-traitante à exécuter les travaux, même dans l'attente de l'accord de l'entreprise principale, avait ignoré purement et simplement les courriers de la société CAPE SOCAP ; qu'elle en déduisait que la société CNIM avait manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat, et engagé sa responsabilité contractuelle à son égard ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions opérantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les parties étaient liées par un marché à forfait, que les « plans guides » n'avaient pas été modifiés, que la société CAPE SOCAP faisait référence à l'estimation des surfaces à traiter dans son offre et aux deux nomenclatures techniques dans son courrier confirmatif, la cour d'appel, qui, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu retenir que la société CAPE SOCAP avait procédé à une mauvaise appréciation des données techniques du marché, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société CAPE SOCAP fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, et notamment celle au titre des retards de chantier, alors selon le moyen, que tout jugement doit être motivé ; que la société CAPE SOCAP soutenait, dans ses conclusions, qu'elle avait respecté et mis en oeuvre la procédure prévue à l'article 24.2 du CGA-E, en alertant sa cocontractante dès le début sur les conséquences économiques du dépassement des délais, en chiffrant les conséquences de ce dépassement et en continuant le chantier jusqu'à ce que cela devienne économiquement intolérable, et que la société CNIM avait ignoré purement et simplement les nombreux courriers de la société CAPE SOCAP ; qu'elle en déduisait que la société CNIM avait manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat, et engagé sa responsabilité contractuelle à son égard ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions opérantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'article 8.1 du CGA-E prévoyait qu'en l'absence de formule de révision de prix l'entreprise ne pourrait présenter aucune réclamation en compensation d'un retard de réalisation, la cour d'appel, répondant aux conclusions sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que la demande en indemnisation du retard de chantier ne pouvait pas être accueillie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen, ci-après annexé :
Attendu que les moyens précédents étant rejetés, le moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CAPE SOCAP aux dépens du pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société CAPE SOCAP à payer à la société Construction industrielle de la méditerranée la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société CAPE SOCAP ;
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