mardi 21 juillet 2020

Responsabilité décennale et principe de réparation intégrale du préjudice

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 9 juillet 2020
N° de pourvoi: 19-18.954
Non publié au bulletinCassation partielle

M. Chauvin (président), président
Me Le Prado, SCP Boulloche, SCP Boutet et Hourdeaux, avocat(s)



Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 juillet 2020




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 464 F-D

Pourvoi n° V 19-18.954




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

M. S... K..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° V 19-18.954 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2018 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme P... A..., domiciliée [...] ,

2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de M. K..., de la SCP Boulloche, avocat de Mme T..., de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, après débats en l'audience publique du 26 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 17 décembre 2018), M. K... a confié à Mme A... la maîtrise d'oeuvre de travaux de réhabilitation d'un immeuble d'habitation afin d'y créer deux logements destinés à la location, la société ABC charpente, désormais en liquidation judiciaire, assurée en responsabilité décennale auprès de la société Axa France IARD, étant titulaire du lot charpente-couverture.

2. Se plaignant d'un défaut de stabilité et d'ancrage d'une galerie à ossature de bois réalisée lors de cette opération, M. K... a, après expertise, assigné en réparation de ses préjudices Mme A... et la société Axa France IARD sur le fondement de la responsabilité décennale.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. M. K... fait grief à l'arrêt de limiter l'indemnisation allouée au titre du préjudice locatif, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, des factures d'électricité et de la consommation d'eau, alors « que pour indemniser la perte locative subie par M. K..., ainsi que les frais d'enlèvement des ordures ménagères, d'électricité, et de consommation d'eau, la cour d'appel s'est fondée sur une durée d'indemnisation dont elle a fixé, d'une part, le point de départ au mois de novembre 2012 pour ce qui est du 1er étage et au mois de mai 2012 pour le rez-de-chaussée, et d'autre part, la date d'achèvement, non à la date de réception des travaux de reprise mais à la date de paiement de l'indemnisation au titre des travaux de reprise ; qu'en privant M. K... de toute réparation de son préjudice immatériel pendant la durée des travaux, fut-elle estimée de manière forfaitaire, sans constater que ses biens immobiliers auraient été habitables et disponibles à la location avant achèvement des travaux de reprise, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale. » Réponse de la Cour

Vu l'article 1792 du code civil et le principe de réparation intégrale du préjudice :

4. Selon le texte susvisé, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

5. En application du principe énoncé, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.

6. Pour fixer le terme des préjudices immatériels subis par le maître de l'ouvrage à la date du 30 juin 2016, l'arrêt retient que celui-ci a reçu à cette date les sommes allouées par le jugement en réparation de son préjudice matériel et que les constructeurs responsables des désordres n'ont pas à supporter les aléas du chantier de réfection ou les délais de séchage du bois à poser.

7. En se déterminant ainsi, sans constater que les biens immobiliers auraient été habitables et disponibles à la location avant l'achèvement des travaux de reprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation.

8. La cassation prononcée du chef de l'arrêt critiqué par le moyen s'étend, par application de l'article 624 du code de procédure civile, à la disposition de l'arrêt ayant un lien d'indivisibilité nécessaire avec lui et disant que les chefs de préjudice relatifs au préjudice locatif, aux taxes foncières et aux frais d'eau et d'électricité seront indemnisés jusqu'au 30 juin 2016.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite l'indemnisation allouée au titre du préjudice locatif, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, des factures d'électricité et de la consommation d'eau aux sommes de 49 260,32 euros, de 1 302,75 euros, de 1 054,87 euros et de 1 066,98 euros et en ce qu'il dit que ces chefs de préjudice seront indemnisés jusqu'au 30 juin 2016, l'arrêt rendu le 17 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne Mme A... et la société Axa France IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme A... et la société Axa France IARD et les condamne à payer à M. K... la somme globale de 3 000 euros ;

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