mardi 21 juillet 2020

Le paiement intégral des travaux réalisés par la société [...] et la mise en location de l'immeuble manifestaient la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de le recevoir

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 9 juillet 2020
N° de pourvoi: 19-13.899
Non publié au bulletinRejet

M. Chauvin (président), président
Me Le Prado, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Richard, avocat(s)



Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 juillet 2020




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 460 F-D

Pourvoi n° A 19-13.899




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

1°/ M. Q... W...,

2°/ Mme H... W...,

tous deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° A 19-13.899 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Maisons Côte Atlantique, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société CAMCA assurances, société anonyme, dont le siège est [...] ),

3°/ à la société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de M. et Mme W..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Maisons Côte Atlantique, de Me Le Prado, avocat de la société CAMCA assurances, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société [...], et après débats en l'audience publique du 26 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 17 janvier 2019), M. et Mme W... ont conclu avec la société Maisons côte atlantique (la société MCA), assurée auprès de la société CAMCA assurances (la société CAMCA), un contrat de construction d'une maison individuelle en laissant la réalisation de certains travaux à la charge du maître de l'ouvrage. La société [...] a exécuté des travaux d'aménagement extérieur et de création de réseaux.

2. Se plaignant de désordres et de malfaçons, M. et Mme W... ont, après expertise, assigné les sociétés MCA et [...] et le garant de livraison en indemnisation de leurs préjudices. La société MCA a appelé à l'instance la société CAMCA.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. et Mme W... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir constater que les travaux confiés à la société [...] n'avaient pas fait l'objet d'une réception et leur demande indemnitaire se rapportant à ces travaux, alors « que la réception tacite ne peut résulter que de la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter les travaux ; qu'en se bornant à énoncer que les travaux de la Société [...] avaient été
entièrement réalisés et payés et que M. et Mme W... avaient donné les lieux en location le 17 décembre 2009, pour en déduire que lesdits travaux avaient fait l'objet d'une réception tacite à la date du bail, sans rechercher, comme elle y été invitée, si, conformément aux termes du programme immobilier auquel ils avaient souscrit, M. et Mme W... avaient donné à la société PLS un mandat de gestion locative de leur pavillon dès la conclusion du contrat de construction de maison individuelle, soit avant la réalisation des travaux par la société [...], ce dont il résultait que leur volonté non équivoque d'accepter les travaux ne pouvait se déduire de ce qu'ils avaient donné leur pavillon en location, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Ayant relevé que l'immeuble avait été donné en location par la société PLS pour le compte de M. et Mme W... et retenu que le paiement intégral des travaux réalisés par la société [...] et la mise en location de l'immeuble manifestaient la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de le recevoir, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que les travaux litigieux avaient fait l'objet d'une réception tacite à la date du bail.

5. Elle a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. M. et Mme W... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation de la société MCA à leur payer une certaine somme au titre des travaux de reprise des carrelages et plinthes, outre une somme complémentaire au titre de la maîtrise d'oeuvre, alors « que le juge n'est pas lié par les conclusions de l'expert ; qu'en se bornant à énoncer, pour débouter M. et Mme W... de leur demande tendant à obtenir le paiement d'une indemnité complémentaire au titre des travaux intérieurs de mise en conformité aux normes handicapées, qu'elle faisait sien l'avis de l'expert judiciaire, qui avait retenu le chiffrage de 17 471,41 euros HT, correspondant aux évaluations du devis de la Société Coren du 24 décembre 2012, et l'absence de nécessité des travaux complémentaires sollicités par les demandeurs, sans indiquer en quoi M. et Mme W... ne pouvaient prétendre aux travaux de reprise des plinthes et des carrelages, tels que visés dans le devis établi par la Société SCD, dès lors qu'ils soutenaient ne pas avoir à supporter une reprise a minima de tels travaux et que des bains différents des carrelages et des plinthes étaient constitutif d'un désordre imputable aux manquements de la société MCA, la sour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que la reprise des carrelages et des plinthes n'était pas nécessaire pour parvenir à la mise en conformité de l'immeuble aux normes relatives aux personnes handicapées, c'est par une appréciation souveraine de la valeur du rapport d'expertise que la cour d'appel a, par une décision motivée, écarté le coût du remplacement de ces éléments.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

10. M. et Mme W... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation de la société [...] à leur payer une certaine somme au titre des travaux nécessaires pour assurer le respect de la réglementation sur l'accessibilité des personnes handicapées à l'immeuble, outre une somme complémentaire pour la maîtrise d'oeuvre, alors « que tenu d'une obligation de conseil et d'information à l'égard de son client, l'entrepreneur chargé d'une opération de construction ou de réhabilitation doit se renseigner sur la destination de l'immeuble au regard des normes d'accessibilité aux personnes handicapées et en informer son client afin de lui permettre de les respecter ; qu'en déboutant néanmoins M. et Mme W... de leur demande tendant à voir condamner la société [...] à leur payer une indemnité au titre des travaux extérieurs de mise en conformité aux normes handicapées, motif pris que selon l'expert judiciaire, cette entreprise n'apparaissait pas soumise à la législation sur l'accessibilité aux personnes handicapées dans le cadre de l'exécution d'un marché qui n'était pas lié à celui de constructeur de maison individuelle et que l'accessibilité extérieure aux personnes handicapées avaient été réservés par les maîtres de l'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel a retenu que les travaux de mise en conformité des accès extérieurs avec les normes relatives aux personnes handicapées n'avaient pas été commandés à la société [...] et que leur exécution ne relevait pas de ses obligations.

12. Elle en a exactement déduit qu'aucune faute ne pouvait être imputée à la société [...] pour ne pas avoir réalisé les travaux litigieux et que la demande indemnitaire formée à ce titre devait être rejetée.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

14. M. et Mme W... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à la réintégration du coût des travaux réservés dans le prix forfaitaire du contrat et à la condamnation in solidum des sociétés MCA et [...] au paiement d'une certaine somme à ce titre, alors :

« 1°/ que les travaux nécessaires à l'habitation de l'immeuble, non prévus ou non chiffrés dans la notice descriptive et n'ayant pas fait l'objet d'une mention manuscrite, par laquelle le maître de l'ouvrage accepte d'en supporter la charge, incombent au constructeur ; qu'en affirmant, pour débouter M. et Mme W... de leur demande de réintégration du coût des travaux réservés dans le prix forfaitaire et global de la construction, fondée sur le fait que la mention de la notice descriptive n'a pas été écrite de leur main, que seule la nullité du contrat pouvait sanctionner une telle irrégularité, de sorte que M. et Mme W... ne pouvaient prétendre voir réintégrer le coût de ces travaux dans le prix forfaitaire de la construction, la cour d'appel a violé les articles L. 231-2, c) et d) et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'annexe de l'arrêté du 27 novembre 1991 fixant la notice descriptive prévue par les articles R. 231-4 et R. 232-4 du code de la construction et de l'habitation relatifs au contrat de construction d'une maison individuelle ;

2°/ que les travaux nécessaires à l'habitation de l'immeuble, non prévus ou non chiffrés dans la notice descriptive et n'ayant pas fait l'objet d'une mention manuscrite, par laquelle le maître de l'ouvrage accepte d'en supporter la charge, incombent au constructeur ; qu'en énonçant, pour débouter M. et Mme W... de leur demande de réintégration du coût des travaux réservés dans le prix forfaitaire et global de la construction, fondée sur le fait que la mention de la notice descriptive n'a pas été écrite de leur main, qu'ils avaient paraphé toutes les pages de cette notice dans laquelle se trouvaient clairement mentionnés les travaux réservés par eux et qu'ils avaient souscrit un prêt pour un montant supérieur aux prix d'achat du terrain, de la construction, des travaux réservés et des travaux extérieurs, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a violé les articles L. 231-2, c) et d) et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'annexe de l'arrêté du 27 novembre 1991 fixant la notice descriptive prévue par les articles R. 231-4 et R. 232-4 du code de la construction et de l'habitation relatifs au contrat de construction d'une maison individuelle ;

3°/ que les travaux nécessaires à l'habitation de l'immeuble, non prévus ou non chiffrés dans la notice descriptive et n'ayant pas fait l'objet d'une mention manuscrite, par laquelle le maître de l'ouvrage accepte d'en supporter la charge, incombent au constructeur ; qu'en déboutant M. et Mme W... de leur demande de réintégration du coût des travaux réservés dans le prix forfaitaire et global de la construction, fondée sur le fait que la mention de la notice descriptive n'a pas été écrite de leur main, au motif inopérant qu'ils ne justifiaient d'aucun préjudice qui leur aurait été causé par l'irrégularité invoquée, même s'agissant d'une irrégularité d'ordre publique, la cour d'appel a violé les articles L. 231-2, c) et d) et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'annexe de l'arrêté du 27 novembre 1991 fixant la notice descriptive prévue par les articles R. 231-4 et R. 232-4 du code de la construction et de l'habitation relatifs au contrat de construction d'une maison individuelle ;

4 °/ qu'en déboutant M. et Mme W... de leur demande tendant à voir réintégrer le coût des travaux réservés dans le prix forfaitaire et condamner la société [...] à leur rembourser la somme de 21 964,99 euros qu'ils lui avaient payée au titre des travaux réservés, au motif pris que la société [...] n'était pas responsable du manquement tenant au fait que la mention apposée dans la notice descriptive, selon laquelle le maître de l'ouvrage précise et accepte la charge et le coût des travaux réservés dont il se réserve l'exécution, avait été portée par un tiers, bien que la société [...] ait été tenue au remboursement de cette somme dès lors qu'elle correspondait à des travaux devant être réintégrés dans le forfait et qu'il était indifférent que ce manquement ne lui ait pas été imputable, la cour d'appel a violé les articles L. 231-2, c) et d) et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'annexe de l'arrêté du 27 novembre 1991 fixant la notice descriptive prévue par les articles R. 231-4 et R. 232-4 du code de la construction et de l'habitation relatifs au contrat de construction d'une maison individuelle. »

Réponse de la Cour

15. La cour d'appel a retenu que, si la mention manuscrite de la notice descriptive n'avait pas été portée par M. et Mme W..., ceux-ci ne sollicitaient pas la nullité du contrat alors qu'elle était la seule sanction applicable à l'irrégularité constatée de la notice descriptive.

16. Abstraction faite de motifs surabondants, la cour d'appel en a déduit à bon droit que les demandes de réintégration du coût des travaux réservés dans le prix forfaitaire de la construction et de condamnation des sociétés MCA et [...] au paiement d'une somme équivalente devaient être rejetées.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme W... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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