mardi 23 novembre 2021

Assurance- construction : motifs impropres à établir que l'assuré avait eu connaissance des conditions particulières du contrat d'assurance et les avait acceptées

 Note S. Bertolaso, RCA 2022-2, p. 23.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 novembre 2021




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 825 FS-B

Pourvoi n° T 20-16.771




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 NOVEMBRE 2021

M. [T] [O], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° T 20-16.771 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [N] [R], domicilié [Adresse 7],

2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],

3°/ à la société Mutuelle assurance instituteur France (MAIF), société d'assurances mutuelles, dont le siège est [Adresse 5], ayant un établissement [Adresse 2],

4°/ à la société [X] et associés, mandataires judiciaires, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], représentée par M. [P] [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Géranium,

5°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurances mutuelles, dont le siège est [Adresse 3],

6°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

7°/ à la société Géranium, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

M. [R] et la MAIF ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation également annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [O], de la SCP Boulloche, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [R] et de la société Mutuelle assurance instituteur France, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, M. Boyer, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [O] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société [X] et associés, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Géranium, et les sociétés MMA IARD assurances mutuelles, MMA IARD et Géranium.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 16 janvier 2020), le 27 mars 1999, M. et Mme [R] ont conclu avec la société Géranium, assurée auprès de la société MMA IARD, un contrat de fourniture des matériaux nécessaires à la construction d'une maison à ossature bois.

3. Ils ont confié à M. [O], assuré auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), les travaux de montage et de couverture zinguerie.

4. Se plaignant de malfaçons, M. [R] et la Mutuelle d'assurance des instituteurs de France (la MAIF), son assureur de protection juridique, ont assigné M. [O], la société Géranium et son assureur en indemnisation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal et le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, du pourvoi principal et le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

6. Par son second moyen, M. [O] fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en garantie à l'encontre de la société Axa, alors :

« 2°/ que seules les clauses de la police d'assurance qui ont été acceptées par l'assuré et sont en vigueur au jour de la survenance des faits justifiant le déclenchement de la garantie lui sont opposables ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, que les conditions particulières du 14 mars 2000 n'avaient pas été signées par l'assuré, d'autre part, que les parties s'accordaient sur le fait que celles du 27 avril 2000 n'étaient pas applicables rationae temporis au litige, compte tenu de la date de début des travaux litigieux ; qu'en faisant pourtant application de la clause excluant du champ de la garantie les « travaux ou ouvrages suivants : [?] maisons à ossature en bois », au motif qu'elle figurait dans les conditions particulières du 14 mars 2000 comme dans celles du 27 avril 2000, dont elle n'a pas suffisamment constaté qu'elles étaient opposables à l'assuré, ce qui était contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

4°/ que les motifs hypothétiques ou dubitatifs équivalent à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour faire application de la clause excluant de la garantie les « travaux ou ouvrages suivants : [?] maisons à ossature en bois » qu'elle était, « selon toute vraisemblance » (arrêt attaqué, p. 11), stipulée dans la septième page de l'attestation d'assurance dont elle constatait qu'elle n'était pas produite aux débats, la cour d'appel s'est prononcée par motifs hypothétiques en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

7. Par leur moyen, M. [R] et la MAIF font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre de la société Axa, alors :

« 2°/ que seules les clauses de la police d'assurance qui ont été acceptées par l'assuré et sont en vigueur au jour de la survenance des faits justifiant le déclenchement de la garantie lui sont opposables, qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté d'une part, que les conditions particulières du 14 mars 2000 n'avaient pas été signées par l'assuré, d'autre part, que les parties s'accordaient sur le fait que celles du 27 avril 2000 n'étaient pas applicables rationae temporis au litige, compte tenu de la date de début des travaux litigieux ; qu'en faisant pourtant application de la clause excluant du champ de la garantie les « travaux ou ouvrages suivants : [ ... ] maisons à ossature en bois », au motif qu'elle figurait dans les conditions particulières du 14 mars 2000 comme dans celles du 27 avril 2000, sans constater que les conditions particulières du 14 mars 2000 avaient été acceptées par M. [O], qui le contestait et ne les avaient pas signées, ce qui excluait leur opposabilité à M. [R] et à la Maif, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ que les motifs hypothétiques ou dubitatifs équivalent à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour faire application de la clause excluant de la garantie les « travaux ou ouvrages suivants : [ ... ] maisons à ossature en bois » qu'elle était, « selon toute vraisemblance », stipulée dans la septième page de l'attestation d'assurance dont elle constatait qu'elle n'était pas produite aux débats, la cour d'appel s'est prononcée par motifs hypothétiques en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 112-3 du code des assurances et 455 du code de procédure civile :

8. Il résulte des deux premiers de ces textes que, si la garantie de l'assureur ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur, lorsque l'assureur dénie sa garantie en invoquant une clause des conditions particulières du contrat d'assurance qui exclut de la garantie souscrite l'activité accomplie par le constructeur, il lui incombe de rapporter la preuve que cette clause a été portée à la connaissance de l'assuré et qu'il l'a acceptée.

9. Selon le troisième, tout jugement doit être motivé.

10. Pour rejeter les demandes de M. [O], ainsi que celles de M. [R] et de la MAIF à l'encontre de la société Axa, l'arrêt retient qu'un seul contrat d'assurance « multirisque artisan du bâtiment » a pris effet au 1er janvier 2000, portant le numéro 1261424004, que le contrat du 27 avril 2000, seul signé par M. [O], est un avenant à ce contrat, prenant effet au 26 avril 2000 et le remplaçant, qu'aux termes des conditions particulières de cet avenant comportant sept pages, il est stipulé en page trois que ne relèvent pas des activités garanties les maisons à ossature bois et que le contrat initial du 14 mars 2000 et prenant effet au 1er janvier 2000, non signé par M. [O], comporte, en tout état de cause, en page trois de ses conditions particulières, la même clause de non-couverture de l'activité de travaux concernant des maisons à ossature bois.

11. L'arrêt ajoute que, si l'attestation d'assurance du 13 septembre 2000 ne comporte pas la page, figurant dans les conditions particulières, énumérant les travaux qui ne relèvent pas des activités garanties, elle comprend en réalité sept pages, dont seulement les six premières sont produites, la septième correspondant selon toute vraisemblance à cette énumération.

12. L'arrêt en déduit que M. [O] ne peut se prévaloir de cette attestation pour soutenir que la clause litigieuse lui est inopposable.

13. En se déterminant ainsi, alors que les parties contestaient que le contrat du 27 avril 2000, prenant effet au 26 avril 2000, était applicable ratione temporis, par des motifs, d'une part, impropres à établir que M. [O] avait eu connaissance des conditions particulières du contrat du 14 mars 2000 et les avait acceptées, d'autre part, dubitatifs équivalant à un défaut de motifs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des deux premiers textes susvisés et n'a pas satisfait aux exigences du troisième.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [O] ainsi que M. [R] et la Mutuelle d'assurance des instituteurs de France de leurs demandes à l'encontre de la société Axa France IARD, l'arrêt rendu le 16 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. [O] (demandeur au pourvoi principal)

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR condamné M. [T] [O] à payer à M. [N] [R] les sommes suivantes, à titre de dommages et intérêts : 78 685,88 € au titre des travaux de réfection, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement déféré, 4 496,75 € au titre de la police dommages-ouvrage, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement déféré, 10 000 € au titre du préjudice de jouissance, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, D'AVOIR débouté M. [T] [O] de son recours en garantie à l'encontre de la société Axa France IARD, D'AVOIR condamné M. [T] [O] à payer à M. [N] [R] et à la MAIF, ensemble, la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE « En sa qualité d'entrepreneur lié aux époux [R] par un contrat de louage d'ouvrage, M. [O] est réputé constructeur, conformément à l'article 1792-1 du code civil. Les désordres affectant la maison, tels qu'ils résultent de l'expertise de M. [Z], la rendent impropre à sa destination ; leur caractère décennal n'est pas contesté. La fourniture du kit bois par la société Geranium, avec plans erronés, ne constitue pas une cause étrangère d'exonération pour M. [O]. Il convient donc de retenir la responsabilité de M. [O] sur le fondement de l'article 1792 du code civil, conformément à l'appel provoqué de ce dernier »,

ALORS QUE la responsabilité décennale d'un constructeur ne peut être engagée qu'en présence de désordres imputables aux travaux qu'il a réalisés ; qu'en l'espèce, il était constant que la conception de la maison était imputable à la société Geranium tandis que la mission contractuellement impartie à M. [O] consistait dans l'assemblage du « kit » acquis par M. [R], selon les instructions délivrées par la société Geranium et avec l'assistance de ses préposés ; qu'en se contentant de relever, pour condamner M. [O] sur le fondement de la responsabilité décennale, que la « fourniture du kit bois par la société Geranium, avec plans erronés, ne constitue pas une cause étrangère d'exonération », sans rechercher, sur le terrain du lien de causalité, si les désordres constatés étaient imputables à l'erreur de conception de la société Geranium ou bien aux travaux réalisés par M. [O], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR débouté M. [T] [O] de son recours en garantie à l'encontre de la société Axa France IARD,

AUX MOTIFS QUE « La règle de l'estoppel, qui interdit à une partie de se contredire au détriment d'autrui, n'interdit pas à Axa, après avoir plaidé en première instance que la garantie décennale n'était pas mobilisable, de soutenir, en appel, après que sa garantie a été retenue sur le fondement de l'assurance responsabilité civile du chef d'entreprise, qu'elle ne garantissait pas l'activité à l'origine de la responsabilité de son assuré. Il ne s'agit que d'un moyen nouveau, qui est parfaitement recevable. Sur le fond, il apparaît, au vu des pièces produites par M. [O], qu'un seul contrat d'assurance « multirisque artisan du bâtiment » a pris effet au 1er janvier 2000, portant le numéro 1261424004 ; le contrat du 27 avril 2000, seul signé par M. [O], est un avenant à ce contrat, prenant effet au 26 avril 2000 et le remplaçant.
Aux termes des conditions particulières de cet avenant comportant 7 pages, il est stipulé en page 3 que « ne relèvent pas des activités garanties les travaux et/ou ouvrages suivants : (...) maisons à ossature bois ». Le contrat initial, non signé par M. [O], en date du 14 mars 2000 et prenant effet le 1er janvier 2000, comporte, en tout état de cause, en page 3 de ses conditions particulières, la même clause de non-couverture de l'activité de travaux concernant des maisons à ossatures bois. Si l'attestation d'assurance « multirisque artisan du bâtiment », en date du 13 septembre 2000, ne comporte pas la page figurant dans les conditions particulières sus-évoquées, énumérant les travaux ne relevant pas des activités garanties par l'assureur, la cour observe qu'elle comprend en réalité 7 pages, dont seulement les 6 premières sont produites, la septième correspondant, selon toute vraisemblance, précisément à cette énumération ; en effet, la page 6/7 correspond à la description des activités, reprenant le titre 1 des conditions générales, telle qu'elle figure en page 2 des conditions particulières susévoquées, sachant que c'est la page suivante de l'avenant qui concerne les travaux ne relevant pas des activités garanties, dont ceux des maisons à ossature bois. M. [O] ne peut donc se prévaloir de cette attestation pour soutenir que la clause litigieuse lui est inopposable. Les travaux effectués par M. [O] concernaient bien une maison à ossature bois. Si les éléments de cette maison ont été fournis par la société Geranium, qui lui a apporté une assistance technique, il ressort du devis du 16 février 2000 et des factures des 22 février 2000, 9 mars 2000, 3, 7 et 28 avril 2000, 29 mai 2000, 7 juin 2000 et 12 février 2001, qu'il a réalisé les travaux de montage, d'une part de la coquille, comprenant la pose de la partie bois massif (murs extérieurs), de la charpente, des fenêtres, des portes fenêtres et du solivage, et, d'autre part, de la partie habitat, comprenant la pose de l'isolation, du lambris intérieur, du parquet, des portes intérieures, des encadrements de portes et les travaux de finition ; il a en outre effectué les travaux de couverture zinguerie de cette maison selon facture du 3 avril 2000. En conséquence, ces travaux se rattachent à une activité non garantie par l'assureur. Dès lors, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande principale et au recours en garantie contre Axa »,

1°/ ALORS QUE la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions ; qu'en l'espèce, la société Axa, dans un premier temps, a subordonné la mise en oeuvre de l'assurance à la seule existence d'une réception judiciaire, admettant ainsi que les travaux réalisés par M. [O] entraient bien dans le champ de la garantie puis, dans un second temps et à hauteur d'appel, a finalement soutenu que les désordres considérés relevaient d'une activité non déclarée et, partant, exclue par la police (concl. d'appel [O], p. 10 ; pièce 34 en appel) ; qu'en jugeant que la société Axa était recevable à soutenir, en première instance, que les travaux considérés étaient couverts par la police d'assurance pour finalement prétendre, en appel et de manière contradictoire, que cette même activité était exclue d'une telle couverture, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile, ensemble le principe en vertu duquel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.

2°/ ALORS QUE seules les clauses de la police d'assurance qui ont été acceptées par l'assuré et sont en vigueur au jour de la survenance des faits justifiant le déclenchement de la garantie lui sont opposables ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, que les conditions particulières du 14 mars 2000 n'avaient pas été signées par l'assuré, d'autre part, que les parties s'accordaient sur le fait que celles du 27 avril 2000 n'étaient pas applicables rationae temporis au litige, compte tenu de la date de début des travaux litigieux ; qu'en faisant pourtant application de la clause excluant du champ de la garantie les « travaux ou ouvrages suivants : [?] maisons à ossature en bois », au motif qu'elle figurait dans les conditions particulières du 14 mars 2000 comme dans celles du 27 avril 2000, dont elle n'a pas suffisamment constaté qu'elles étaient opposables à l'assuré, ce qui était contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

3°/ ALORS QU'il appartient à l'assureur, qui dénie sa garantie, de prouver que l'activité exercée est exclue par une clause du contrat d'assurance acceptée par l'assuré ; qu'en reprochant à M. [O] de n'avoir pas produit intégralement l'attestation d'assurance en date du 13 septembre 2000, pour en déduire qu'il ne pouvait se prévaloir de cette attestation pour soutenir que la clause excluant de la garantie les « travaux ou ouvrages suivants : [?] maisons à ossature en bois » lui était inopposable, quand il appartenait à l'assureur de justifier de l'acte par lequel l'assuré avait accepté la clause qu'il entendait lui opposer, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil.

4°/ ALORS QUE les motifs hypothétiques ou dubitatifs équivalent à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour faire application de la clause excluant de la garantie les « travaux ou ouvrages suivants : [?] maisons à ossature en bois » qu'elle était, « selon toute vraisemblance » (arrêt attaqué, p. 11), stipulée dans la septième page de l'attestation d'assurance dont elle constatait qu'elle n'était pas produite aux débats, la cour d'appel s'est prononcée par motifs hypothétiques en violation de l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. [R] et la société Mutuelle Assurance Instituteur France (demandeurs au pourvoi incident)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. [N] [R] et la Maif de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société Axa France Iard ;

AUX MOTIFS QUE la règle de l'estoppel, qui interdit à une partie de se contredire au détriment d'autrui, n'interdit pas à Axa, après avoir plaidé en première instance que la garantie décennale n'était pas mobilisable, de soutenir, en appel, après que sa garantie a été retenue sur le fondement de l'assurance responsabilité civile du chef d'entreprise, qu'elle ne garantissait pas l'activité à l'origine de la responsabilité de son assuré. Il ne s'agit que d'un moyen nouveau, qui est parfaitement recevable. Sur le fond, il apparaît, au vu des pièces produites par M. [O], qu'un seul contrat d'assurance « multirisque artisan du bâtiment » a pris effet au 1er janvier 2000, portant le numéro 1261424004 ; le contrat du 27 avril 2000, seul signé par M. [O], est un avenant à ce contrat, prenant effet au 26 avril 2000 et le remplaçant. Aux termes des conditions particulières de cet avenant comportant 7 pages, il est stipulé en page 3 que « ne relèvent pas des activités garanties les travaux et/ou ouvrages suivants : (...) maisons à ossature bois ». Le contrat initial, non signé par M. [O], en date du 14 mars 2000 et prenant effet le 1er janvier 2000, comporte, en tout état de cause, en page 3 de ses conditions particulières, la même clause de non-couverture de l'activité de travaux concernant des maisons à ossatures bois. Si l'attestation d'assurance « multirisque artisan du bâtiment », en date du 13 septembre 2000, ne comporte pas la page figurant dans les conditions particulières sus-évoquées, énumérant les travaux ne relevant pas des activités garanties par l'assureur, la cour observe qu'elle comprend en réalité 7 pages, dont seulement les 6 premières sont produites, la septième correspondant, selon toute vraisemblance, précisément à cette énumération ; en effet, la page 6/7 correspond à la description des activités, reprenant le titre 1 des conditions générales, telle qu'elle figure en page 2 des conditions particulières sus-évoquées, sachant que c'est la page suivante de l'avenant qui concerne les travaux ne relevant pas des activités garanties, dont ceux des maisons à ossature bois. M. [O] ne peut donc se prévaloir de cette attestation pour soutenir que la clause litigieuse lui est inopposable. Les travaux effectués par M. [O] concernaient bien une maison à ossature bois.

Si les éléments de cette maison ont été fournis par la société Geranium, qui lui a apporté une assistance technique, il ressort du devis du 16 février 2000 et des factures des 22 février 2000, 9 mars 2000, 3, 7 et 28 avril 2000, 29 mai 2000, 7 juin 2000 et 12 février 2001, qu'il a réalisé les travaux de montage, d'une part de la coquille, comprenant la pose de la partie bois massif (murs extérieurs), de la charpente, des fenêtres, des portes fenêtres et du solivage, et, d'autre part, de la partie habitat, comprenant la pose de l'isolation, du lambris intérieur, du parquet, des portes intérieures, des encadrements de portes et les travaux de finition ; il a en outre effectué les travaux de couverture zinguerie de cette maison selon facture du 3 avril 2000. En conséquence, ces travaux se rattachent à une activité non garantie par l'assureur. Dès lors, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande principale et au recours en garantie contre Axa ;

1) ALORS QUE nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions ; qu'en l'espèce, la société Axa, dans un premier temps, a subordonné la mise en oeuvre de l'assurance à la seule existence d'une réception judiciaire, admettant ainsi que les travaux réalisés par M. [O] entraient bien dans le champ de la garantie puis, dans un second temps et à hauteur d'appel, a finalement soutenu que les désordres considérés relevaient d'une activité non déclarée et, partant, exclue par la police ; qu'en jugeant que la société Axa était recevable à soutenir, en première instance, que les travaux considérés étaient couverts par la police d'assurance pour finalement prétendre, en appel et de manière contradictoire, que cette même activité était exclue d'une telle couverture, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile, ensemble le principe en vertu duquel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ;

2) ALORS QUE seules les clauses de la police d'assurance qui ont été acceptées par l'assuré et sont en vigueur au jour de la survenance des faits justifiant le déclenchement de la garantie lui sont opposables, qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté d'une part, que les conditions particulières du 14 mars 2000 n'avaient pas été signées par l'assuré, d'autre part, que les parties s'accordaient sur le fait que celles du 27 avril 2000 n'étaient pas applicables rationae temporis au litige, compte tenu de la date de début des travaux litigieux ; qu'en faisant pourtant application de la clause excluant du champ de la garantie les « travaux ou ouvrages suivants : [ ... ] maisons à ossature en bois», au motif qu'elle figurait dans les conditions particulières du 14 mars 2000 comme dans celles du 27 avril 2000, sans constater que les conditions particulières du 14 mars 2000 avaient été acceptées par M. [O], qui le contestait et ne les avaient pas signées, ce qui excluait leur opposabilité à M. [R] et à la Maif, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3) ALORS QU'il appartient à l'assureur, qui dénie sa garantie, de prouver que l'activité exercée est exclue par une clause du contrat d'assurance acceptée par l'assuré ; que, pour juger que le contrat d'assurance excluait l'activité de construction de maisons ossature bois, la cour d'appel a reproché à M. [O] de n'avoir pas produit intégralement l'attestation d'assurance en date du 13 septembre 2000, et en a déduit qu'il ne pouvait se prévaloir de cette attestation pour soutenir que la clause excluant de la garantie les « travaux ou ouvrages suivants:[ ... ] maisons à ossature en bois » lui était inopposable ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il appartenait à l'assureur de justifier de l'acte par lequel l'assuré avait accepté la clause qu'il entendait lui opposer, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil ;

4) ALORS QUE les motifs hypothétiques ou dubitatifs équivalent à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour faire application de la clause excluant de la garantie les « travaux ou ouvrages suivants: [ ... ] maisons à ossature en bois» qu'elle était, « selon toute vraisemblance », stipulée dans la septième page de l'attestation d'assurance dont elle constatait qu'elle n'était pas produite aux débats, la cour d'appel s'est prononcée par motifs hypothétiques en violation de l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2021:C300825

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