vendredi 5 novembre 2021

Bilatéralisation attendue des exigences rédactionnelles du dispositif des conclusions en appel

 Note S. Amrani-Mekki, GP 2021, n° 38, p. 63

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juillet 2021




Annulation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 682 F-B

Pourvoi n° N 20-10.694




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUILLET 2021

1°/ M. [K] [U], domicilié [Adresse 1],

2°/ Mme [Z] [U], veuve [W], domiciliée [Adresse 2],

3°/ Mme [B] [U], épouse [H], domiciliée [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° N 20-10.694 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (3e chambre famille), dans le litige les opposant à M. [F] [U], domicilié [Adresse 4], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Maunand, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [K] [U] et de Mmes [Z] et [B] [U], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [F] [U], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 26 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Maunand, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 novembre 2019), un litige oppose les héritiers [U] sur le partage de la succession de leurs parents.

2. Par jugement du 6 avril 2018, un tribunal de grande instance a, notamment, dit n'y avoir lieu à rapport de donations déguisées ou de dons manuels au profit d'un ou plusieurs héritiers de [I] [U], ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et de partage de la succession de [I] [U], décédé le [Date décès 1] 2007, et désigné pour y procéder le président de la chambre des notaires, et rejeté les demandes plus amples ou contraires.

3. Par déclaration du 16 mai 2018, M. [F] [U] a relevé appel de cette décision sur l'ensemble des dispositions du jugement précité, sauf celles rejetant les demandes reconventionnelles présentées par M. [K] [U] et Mmes [B] et [Z] [U].

4. Ces derniers ont, par conclusions notifiées le 8 novembre 2018, déclaré former appel incident et demandé la confirmation du jugement uniquement en ce qu'il a écarté les conclusions tardives déposées le 25 janvier 2018, dit n'y avoir lieu à rapport de donations déguisées ou de dons manuels à leur profit et rejeté la demande indemnitaire de M. [F] [U].

5.Par ordonnance du 15 mai 2019, le conseiller de la mise en état, saisi d'un incident par M. [F] [U], a déclaré recevable l'appel incident formé par les intimés et les demandes formées dans leurs conclusions du 8 novembre 2018.

6. M. [F] [U] a déféré cette ordonnance à la cour d'appel.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

7. M. [F] [U] demande de dire que le pourvoi est irrecevable sur le fondement des articles 606 et 608 du code de procédure civile.

8. Pour infirmer l'ordonnance déclarant recevable l'appel incident, l'arrêt dit que Mmes [Z] et [B] [U] et M. [K] [U] n'ont pas valablement formé appel incident dans le délai imparti à l'article 909 du code de procédure civile, apprécié au regard des dispositions de l'article 954 du même code, ce dont il résultait que les demandes tendant à la faire trancher sur les prétentions déjà soumises aux premiers juges qui avaient statué en réponse, étaient irrecevables.

9. En privant Mmes [Z] et [B] [U] et M. [K] [U] de leur appel incident, la cour d'appel a tranché une partie du principal.

10. Dès lors, le pourvoi est recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

11. Mmes [Z] et [B] [U] et M. [K] [U] font grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance rendue le 5 mai 2019 par le magistrat chargé de la mise en état, dire que Mmes [Z] et [B] [U] et M. [K] [U], intimés sur l'appel principal de M. [F] [U], n'ont pas valablement formé appel incident à l'encontre du jugement du 6 avril 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Bergerac et dire que leurs demandes tendant à faire statuer la cour sur des prétentions déjà soumises aux premiers juges qui ont statué en réponse, et à l'égard desquelles ils n'ont pas valablement formé appel incident, sont irrecevables alors :

« 1°/ que vaut demande de réformation du jugement, le dispositif des écritures d'une partie demandant à la cour d'appel de statuer à nouveau sur des demandes qui ont été rejetées par les premiers juges et de les accueillir ; qu'en jugeant que les intimés ne sollicitaient pas la réformation du jugement dans le dispositif de leurs écritures, tout en constatant qu'ils sollicitaient de la cour d'appel qu'elle « statue à nouveau sur les points suivants », ce dont il résultait que les consorts [U] demandaient la réformation du jugement sur ces demandes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 954, 542 et 562 du code de procédure civile ;

2°/ que les juridictions ne peuvent, dans l'application, de règles de procédure, faire preuve d'un formalisme excessif susceptible de porter atteinte à l'équité de la procédure ; qu'en exigeant que les intimés fassent explicitement figurer au dispositif de leurs conclusions les mots « infirmer » ou « réformer », quand ces derniers sollicitaient que la cour d'appel statue
à nouveau sur plusieurs points, dans un sens contraire à la décision des premiers juges, la cour d'appel a fait montre d'un formalisme excessif portant atteinte au droit d'accès à un juge et, partant, a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

12. Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626 ) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

13. Rappelant que l'appel incident n'est pas différent de l'appel principal par sa nature ou son objet, que les conclusions de l'appelant, qu'il soit principal ou incident, doivent déterminer l'objet du litige porté devant la cour d'appel, que l'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du code de procédure civile, le respect de la diligence impartie par l'article 909 du code de procédure civile est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de cet article 954, l'arrêt retient que les conclusions des intimés ne comportant aucune prétention tendant à l'infirmation ou à la réformation du jugement attaqué, ne constituaient pas un appel incident valable, quelle que soit, par ailleurs, la recevabilité en la forme de leurs conclusions d'intimés.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 16 mai 2018, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutissant à priver M. [U] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.

Condamne M. [F] [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [K] [U] et Mmes [Z] et [B] [U]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé l'ordonnance rendue le 5 mai 2019 par le magistrat chargé de la mise en état, d'AVOIR dit que Mmes et M. [K], [Z] et [B] [U], intimés sur l'appel principal de M. [F] [U], n'ont pas valablement formé appel incident à l'encontre du jugement du 6 avril 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Bergerac et d'AVOIR dit que leurs demandes tendant à faire statuer la cour sur des prétentions déjà soumises aux premiers juges qui ont statué en réponse, et à l'égard desquelles ils n'ont pas valablement formé appel incident, sont irrecevables ;

AUX MOTIFS QUE « l'appelant conteste la recevabilité de l'appel incident formé par les intimés ; qu'il résulte de l'article 548 du code de procédure civile que l'appel peut être incidemment relevé par l'intimé tant contre l'appelant que contre les autres intimés, et de l'article 551 du même code qu'il est formé de la même manière que le sont les demandes incidentes, c'est à dire par voie de conclusions ; qu'aux termes de l'article 909 du même code, l'appel incident de l'intimé doit être formé dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant ; qu'en l'espèce, M. [K] [U], après son appel du 16 mai 2018, a déposé ses conclusions d'appelant le 13 août 2018 ; que Mmes et M. [Z], [B] et [K] [U] ont déposé le 8 novembre 2018 leurs conclusions, intitulées "conclusions n° 1 d'intimé et d'appel incident devant la cour d'appel de Bordeaux", comportant un dispositif complexe libellé comme suit :
"Par ces motifs, plaise à la cour (... série de visas qu'il n'est pas utile de reprendre ici) les concluants demandent la confirmation de la décision dont appel en ce qu'elle a :
ECARTE les conclusions tardives déposées le 25 janvier 2018 ;
DIT n'y avoir lieu à rapport de donations déguisées ou de dons manuels au profit de Madame [B] [H] née [U], Madame [Z] [W] née [U] et Monsieur [K] [U] ;
REJETE la demande indemnitaire de Monsieur [F] [U].
Et les concluants demandent à ce qu'il soit statué à nouveau sur l'appel incident suivant :
À TITRE PRINCIPAL :
CONSTATER l'existence de l'acte de partage du 22 août et 27 décembre 1986 ;
DIRE ET JUGER que l'acte de partage vaut partage de la succession et de la communauté de Monsieur et Madame [U] ;
CONSTATER l'absence de donation déguisée et de recel successoral pour Monsieur [K] [U] et Mesdames [Z] et [B] [U] ;
DEBOUTER Monsieur [F] [U] de toutes ses demandes plus amples et contraires ;
À TITRE SUBSIDIAIRE :
CONSTATER la partialité de l'expert et le manquement au principe du contradictoire du rapport d'expertise ;
En conséquence, PRONONCER la nullité, tout du moins l'inopposabilité du rapport d'expertise aux défendeurs ;
CONSTATER que le principe de légalité et de loyauté de la preuve n'a pas été respecté;
En conséquence, EXCLURE des débats les pièces qui ont été produites illégalement et déloyalement sauf celles qui permettent aux défendeurs de se défendre, à savoir la feuille d'impôt datant de 1982 de Madame [B] [U] ainsi que la demande de la Direction des Impôts ;
CONSTATER que les biens de Monsieur [K] [U] ne font pas partie de la succession ;
CONSTATER que ce dernier les a acquis par des moyens propres et sans donation déguisée ;
DEBOUTER Monsieur [F] [U] de sa demande de rapport dans la succession des fruits obtenus par Monsieur [K] [U] ;
CONSTATER que les biens de Madame [B] [U] ont été acquis par des moyens propres et sans donation déguisée ;
CONSTATER que les biens de Madame [Z] [U] ont été acquis par des moyens propres et sans donation déguisée ;
En conséquence,
CONSTATER l'absence de donation déguisée et de recel successoral pour Monsieur [K] [U] et Mesdames [Z] et [B] [U] ;
DEBOUTER Monsieur [F] [U] de sa demande de rapport à la succession et de toutes ses demandes plus amples et contraires ;
A TITRE RECONVENTIONNEL :
CONSTATER que Monsieur [F] [U] a fait l'objet de donations déguisées ;
CONSTATER le recel successoral de Monsieur [F] [U] ;
En conséquence,
RAPPORTER les donations déguisées réalisées au profit de Monsieur [F] [U] dans la succession correspondant aux sommes d'argent perçues et tout autre avantage perçu soit la somme totale de 2.247.942?40 ;
DIRE que Monsieur [F] [U] ne pourra prétendre au partage de ces sommes;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONSTATER l'irrecevabilité de la demande de Monsieur [F] [U] relatives au mobilier du cujus sis au [Adresse 5] pour demande nouvelle ;
CONDAMNER Monsieur [F] [U] au paiement de la somme de 50.000? à chacun des défendeurs au titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNER Monsieur [F] [U] à verser à chacun des défendeurs la somme de 7.000? au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur [F] [U] aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile et, au surplus, à tous les frais d'exécution, en ce compris le droit proportionnel dû à l'huissier de justice sur le fondement de l'article A 4 4 4-32 du code de commerce" ;

que M. [F] [U], invoquant les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, fait alors valoir de manière exacte que les intimés ne sollicitent pas la réformation du jugement dont appel dans ce dispositif, ni d'ailleurs dans la partie discussion de ces conclusions ; qu'il en conclut que, les intimés ne sollicitant pas la réformation du jugement de première instance, ils n'ont pas formé appel incident, de sorte que leurs demandes tendant à faire statuer la cour sur des demandes déjà soumises aux premiers juges et à l'égard desquelles ils n'ont pas formé appel incident, devront être rejetées comme irrecevables ; que l'article 954 du code de procédure civile invoqué prévoit, pour ce qui est utile au présent déféré, que les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961 ; qu'elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation ; qu'un bordereau récapitulatif des pièces est annexé ; que les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions ; que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que les intimés ont déposé le 8 novembre 2008 des conclusions de 66 pages dans le délai qui leur était imparti par l'article 909 ci-dessus ; qu'il est toutefois constant que le long dispositif de ces conclusions déposées par les intimés, repris intégralement ci-dessus, s'il présente à tort nombre de considérations demandant de "Constater que" ou "Dire et juger que", lesquelles ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, si elles demandent de débouter M. [F] [U] de ses demandes, et si "à titre reconventionnel" elles présentent des demandes propres aux intimés et particulièrement la demande rejetée par le tribunal de "rapporter les donations déguisées au profit de M. [F] [U] (... ) [pour] 2 247 942 euros" ne présentent effectivement aucune prétention tendant expressément à l'infirmation ou à la réformation du jugement, comme le soutient à juste titre M. [F] [U] ; que d'ailleurs, et contrairement à ce qu'ils écrivent dans leurs conclusions du 1er août 2019 devant la cour statuant en déféré, la partie "portée de l'appel" qu'il citent (page 12 des conclusions du 8 novembre 2018) et qui ne peut saisir la cour, ne comporte pas non plus de demande d'infirmation ou de réformation du jugement ; que c'est à bon droit que M. [F] [U] leur oppose que le juge ne peut pas faire d'interprétation implicite de leurs prétentions ; qu'il résulte des termes de l'article 542 du code de procédure civile que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel ; que l'appel incident n'est pas différent de l'appel principal par sa nature ou son objet, et les conclusions de l'appelant, qu'il soit principal ou incident, doivent déterminer l'objet du litige porté devant la cour d'appel ; que l'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du code de procédure civile, le respect de la diligence impartie par l'article 909 du code de procédure civile est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de cet article 954 ; qu'il en résulte que les conclusions des intimés exigées par l'article 909 du code de procédure civile, qui, comme en l'espèce, ne comportent aucune prétention tendant à l'infirmation ou à la réformation du jugement attaqué, ne constituent pas un appel incident valable, quelle que soit par ailleurs la recevabilité en la forme de leurs conclusions d'intimés ; que les intimés n'ont donc pas valablement formé appel incident dans le délai qui leur était imparti pour ce faire, et leurs demandes tendant à faire statuer la cour sur des prétentions déjà soumises aux premiers juges, qui ont statué en réponse, et à l'égard desquelles ils n'ont pas formé appel incident, sont irrecevables ; que l'ordonnance rendue le 5 mai 2019 par le conseiller de la mise en état sera réformée en conséquence » ;

1°) ALORS QUE vaut demande de réformation du jugement, le dispositif des écritures d'une partie demandant à la cour d'appel de statuer à nouveau sur des demandes qui ont été rejetées par les premiers juges et de les accueillir ; qu'en jugeant que les intimés ne sollicitaient pas la réformation du jugement dans le dispositif de leurs écritures, tout en constatant qu'ils sollicitaient de la cour qu'elle « statue à nouveau sur les points suivants », ce dont il résultait que les exposants demandaient la réformation du jugement sur ces demandes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 954, 542 et 562 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les juridictions ne peuvent, dans l'application, de règles de procédure, faire preuve d'un formalisme excessif susceptible de porter atteinte à l'équité de la procédure ; qu'en exigeant que les intimés fassent explicitement figurer au dispositif de leurs conclusions les mots « infirmer » ou « réformer », quand ces derniers sollicitaient que la cour d'appel statue à nouveau sur plusieurs points, dans un sens contraire à la décision des premiers juges, la cour d'appel a fait montre d'un formalisme excessif portant atteinte au droit d'accès à un juge et, partant, a violé l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. ECLI:FR:CCASS:2021:C200682

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