mardi 16 novembre 2021

L'ouvrage était affecté de graves désordres et non-conformités qui ne pouvaient être résolus que par sa démolition et sa reconstruction complètes

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 novembre 2021




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 778 F-D

Pourvoi n° B 20-19.769




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2021

La société Trecobat, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 20-19.769 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2020 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [H] [H], épouse [H], domiciliée [Adresse 4], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Trecobat, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [H], après débats en l'audience publique du 28 septembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 juillet 2020), Mme [H] a confié à la société Trecobat la construction d'une maison individuelle. Au cours des travaux, le maître d'ouvrage s'est plaint de leur non-conformité et a refusé, ensuite, la réception de l'ouvrage.

2. Après expertise, Mme [H] a assigné la société Trecobat aux fins de résiliation du contrat, indemnisation du coût de la démolition et de la reconstruction de l'ouvrage et paiement de dommages-intérêts et pénalités de retard.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. La société Trecobat fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme [H] la somme de 79 euros par jour à compter du 26 janvier 2011 jusqu'au jour du jugement, au titre des pénalités contractuelles de retard, alors « que les pénalités de retard prévues par l'article L. 231-2, i) du code de la construction et de l'habitation ont pour terme la livraison de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, la société Trecobat faisait valoir que l'immeuble était achevé le 31 janvier 2011 et en état d'être réceptionné, le cas échéant avec des réserves relatives aux désordres dont s'était plaint Mme [H] ; que pour condamner la société Trecobat à payer à Mme [H] la somme de 79 euros par jour jusqu'au jugement du 7 mars 2018 prononçant la résiliation du contrat de construction de maison individuelle, la cour d'appel a retenu qu'aucun élément ne justifiait que cette indemnité soit suspendue pendant le cours des mesures d'expertise, Mme [H] n'ayant pas varié dans ses demandes et la durée et le montant de cette indemnité étant dus à la seule obstination de la société Trecobat et que la résiliation du contrat n'ayant pas d'effet rétroactif, elle ne faisait pas obstacle à l'application des pénalités contractuelles de retard ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la maison construite par la société Trecobat n'était pas habitable à la date du 31 janvier 2011, en dépit des désordres objet du litige, de sorte qu'elle avait bien été livrée à cette date qui constituait dès lors le terme des pénalités contractuelles de retard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 231-2 et R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation, ensemble les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause (nouveaux articles 1103 et 1231-1 du code civil). »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a retenu que l'ouvrage était affecté de graves désordres et non-conformités qui ne pouvaient être résolus que par sa démolition et sa reconstruction complètes.

6. La cour d'appel, devant laquelle la société Trecobat ne soutenait pas que la livraison était intervenue et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que les pénalités contractuelles de retard couraient jusqu'à la date de la résiliation du contrat de construction aux torts du constructeur.

7. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Trecobat aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Trecobat

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société TRECOBAT fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR prononcé la résiliation du contrat de construction de maison individuelle conclu le 19 janvier 2010 entre Madame [H] et la société TRECOBAT, aux torts exclusifs de cette dernière, de l'AVOIR condamnée à payer à Madame [H] les sommes de 289.267,48 € TTC, au titre des travaux de démolition-reconstruction, somme indexée sur l'indice BT01, l'indice de base étant celui applicable au 27 novembre 2012, de 79 € par jour à compter du 26 janvier 2011 jusqu'au jour du jugement, au titre des pénalités de retard, de 31 € HT par mois, assortie de la TVA en vigueur, à compter du mois de novembre 2010 inclus jusqu'au 23 avril 2016, outre 52 € par mois TTC à compter de cette date jusqu'au 31 mars 2017 et la somme de 54,60 € TTC par mois du 1er avril 2017 jusqu'au jour du jugement, au titre du coût de gardiennage de la cuisine, et de 2.000 € au titre du préjudice moral, et D'AVOIR rejeté ses demandes ;

1°) ALORS QUE le juge a l'obligation d'examiner un rapport d'expertise établi à la requête de l'une des parties, dès lors qu'il a été soumis à la discussion contradictoire et qu'il est corroboré par un autre élément de preuve ; qu'au cas d'espèce, la société TRECOBAT versait aux débats (sa pièce n°69) un courrier du cabinet d'experts ETICA AREXA, préconisant une nouvelle solution technique de reprise des désordres affectant la maison de Madame [H], permettant de répondre au souhait de cette dernière de privilégier un carrelage sur chape, et d'assurer une hauteur des pièces du rez-de-chaussée égale à celle des pièces de vie de l'étage ; que cet avis était corroboré par une étude technique du cabinet ATEBA INGENIERIE comportant des recommandations, plans et croquis (sa pièce n°70) ; que pour écarter la note établie par le cabinet ETICA AREXA, la cour d'appel a retenu que celle-ci ainsi que la note technique qui l'accompagnait étaient « tardives et non contradictoires », Monsieur [M] du cabinet ETICA AREXA étant l'expert de la société TRECOBAT depuis le début du litige et cette dernière n'expliquant pas pour quelle raison elle n'avait produit ces éléments que 18 mois après le dépôt du rapport d'expertise de Monsieur [R] (arrêt, p. 6), et que ce dernier n'ayant pu donner son avis sur sa faisabilité et sur son coût, la solution technique proposée devait être écartée (p. 7) ; qu'en statuant de la sorte, quand il lui incombait d'examiner la note établie par Monsieur [M], qui avait été régulièrement soumise au débat contradictoire et dont le contenu était corroboré par l'étude technique du cabinet ATEBA INGENIERIE, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la démolition et la reconstruction de l'ouvrage ne peut être ordonnée, en suite de l'annulation ou de la résiliation d'un contrat de construction de maison individuelle, que si elle est demandée par le maître de l'ouvrage et, en cas de contestation de la part du constructeur, si elle est proportionnée au regard des manquements imputés à ce dernier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il résultait du rapport d'expertise de Monsieur [R] que la hauteur de la construction édifiée par la société TRECOBAT était supérieure de 0,15 m au règlement du lotissement, sans pour autant que la mairie ait refusé l'octroi du permis de construire, et qu'il existait une solution alternative à la démolition, consistant à la réalisation d'une étanchéité sur plots, laquelle était conditionnée à des modifications des prévisions contractuelles tenant à la différence du mode d'étanchéité (protection sur plots au lieu de carrelage) et entraînait une diminution de 2,50m à 2,35m de la hauteur sous plafond des pièces situées sous la terrasse ; que pour ordonner la démolition et la reconstruction de la maison, la cour d'appel a retenu que même s'il n'existait aucun impératif réglementaire en matière de hauteurs sous plafond, un logement n'étant plus décent qu'en dessous de 2,20 m, cette réduction est significative pour les chambres et constitue une contrainte qui ne peut raisonnablement être imposée au maître de l'ouvrage, peu important que le coût des travaux de reprise soit peu élevé par rapport à la solution de démolition ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à écarter le caractère disproportionné de la décision de démolition de l'ouvrage eu égard au caractère mineur des désordres constatés, dont elle a relevé qu'ils pouvaient faire l'objet de travaux de reprise d'un coût (15.830 €) sans commune mesure avec celui des travaux de démolition et de reconstruction (289.267,48 € TTC) et qu'ils n'entraîneraient qu'une diminution de la hauteur sous plafond pouvant donner lieu à indemnisation, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause (nouvel article 1231-1 du code civil), ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice ;

3°) ALORS, EN OUTRE, QUE la démolition et la reconstruction de l'ouvrage ne peut être ordonnée, en suite de l'annulation ou de la résiliation d'un contrat de construction de maison individuelle, que si elle est demandée par le maître de l'ouvrage et, en cas de contestation de la part du constructeur, si elle est proportionnée au regard des manquements imputés à ce dernier ; que par ailleurs, le principe de réparation intégrale du préjudice interdit d'allouer à la victime une indemnisation supérieure aux préjudices qu'elle a effectivement subis ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel de la société TRECOBAT, spéc. p. 19-20 ; p. 46 à 49), si les modalités d'indemnisation choisies par le tribunal de grande instance, consistant à ordonner la démolition et la reconstruction de l'ouvrage, pour un coût de 289.267,48 € TTC, indexés sur l'indice BT01, outre des pénalités de retard à compter du 26 janvier 2011 et jusqu'au jugement ayant prononcé la résiliation du contrat, pour un montant total de 205.242 €, et des dommages-intérêts de 2.000 € pour préjudice moral, n'aboutissaient pas à un enrichissement injustifié de Madame [H], qui bénéficiait ainsi gratuitement de la construction d'une nouvelle maison tout en se voyant allouer des dommages et intérêts sans commune mesure avec le préjudice effectivement subi résultant de la diminution de 15 centimètres de la hauteur sous plafond de certaines pièces du rez-de-chaussée, et quand les travaux de reprise des non-conformités constatées ne s'élevaient qu'à la somme de 15.830 €, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1149 du code civil (nouvel articles 1231-1 et 1231-2 du code civil), ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société TRECOBAT fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Madame [H] la somme de 79 € par jour à compter du 26 janvier 2011 jusqu'au jour du jugement, au titre des pénalités contractuelles de retard ;

ALORS QUE les pénalités de retard prévues par l'article L. 231-2, i) du code de la construction et de l'habitation ont pour terme la livraison de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, la société TRECOBAT faisait valoir (ses conclusions d'appel, p. 46 à 48) que l'immeuble était achevé le 31 janvier 2011 et en état d'être réceptionné, le cas échéant avec des réserves relatives aux désordres dont s'était plaint Madame [H] ; que pour condamner la société TRECOBAT à payer à Madame [H] la somme de 79 € par jour jusqu'au jugement du 7 mars 2018 prononçant la résiliation du contrat de construction de maison individuelle, la cour d'appel a retenu qu'aucun élément ne justifiait que cette indemnité soit suspendue pendant le cours des mesures d'expertise, Madame [H] n'ayant pas varié dans ses demandes et la durée et le montant de cette indemnité étant dus à la seule obstination de la société TRECOBAT (jugement entrepris, p. 8) et que la résiliation du contrat n'ayant pas d'effet rétroactif, elle ne faisait pas obstacle à l'application des pénalités contractuelles de retard (arrêt, p. 7) ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la maison construite par la société TRECOBAT n'était pas habitable à la date du 31 janvier 2011, en dépit des désordres objet du litige, de sorte qu'elle avait bien été livrée à cette date qui constituait dès lors le terme des pénalités contractuelles de retard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 231-2 et R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation, ensemble les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause (nouveaux articles 1103 et 1231-1 du code civil).ECLI:FR:CCASS:2021:C300778

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