mardi 9 novembre 2021

Prescription décennale et intérêt à agir : action d'un copropriétaire à l'encontre du syndicat des copropriétaire pour les dommages subis du fait d'un défaut d'entretien des parties communes

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 novembre 2021




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 746 FS-D

Pourvoi n° A 20-19.193




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 NOVEMBRE 2021

1°/ M. [X] [J],

2°/ Mme [G] [W],

domiciliés tous deux [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° A 20-19.193 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2020 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 2), dans le litige les opposant au syndicat des copropriétaires résidence Marina di sole [Localité 1], [Localité 1], représenté par son administrateur provisoire M. [H] [L] [B] domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jobert, conseiller, les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. [J] et de Mme [W], et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jobert, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Laurent, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, Brun, M. Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 24 juin 2020), M. [J] et Mme [W] étaient propriétaires de lots de copropriété dans la résidence Marina di Sole, respectivement acquis en 2004 et 2006.

2. Invoquant des désordres affectant les canalisations d'évacuation des eaux usées, ils ont, le 19 avril 2016, assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence en réalisation des travaux de réfection du réseau commun et en indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. [J] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en ses demandes comme prescrites, alors « que le point de départ du délai de prescription décennale de l'action d'un copropriétaire à l'encontre du syndicat des copropriétaire pour les dommages subis du fait d'un défaut d'entretien des parties communes est la date à laquelle la cause des dommages a été révélée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'action de M. [J] engagée le 19 avril 2016 contre le syndicat des copropriétaires de la résidence Marina di Sole pour obtenir la réalisation de travaux tendant à la réfection des réseaux d'évacuation et des dommages-intérêts était prescrite dès lors que le dysfonctionnement des réseaux d'évacuation et l'absence d'assainissement étaient connus depuis l'acquisition de son lot par M. [J] le 19 août 2004 ; qu'en se fondant ainsi sur la connaissance des dommages par M. [J] et non sur la connaissance de leur cause, la cour d'appel a violé les articles 14 et 42 de la loi du 10 juillet 1965, et 2234 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a retenu que les désordres étaient constitués par le dysfonctionnement des réseaux d'évacuation et l'absence d'assainissement, lesquels étaient connus depuis l'acquisition de son lot par M. [J] le 19 août 2004.

5. Elle a relevé que le diagnostic du 23 janvier 2004 joint à l'acte du 19 août 2004, portant acquisition de l'immeuble par M. [J], mentionnait l'existence de nombreux désordres qu'il énumérait et dont il indiquait les causes, et que les actes de vente comportaient une liste de travaux à accomplir.

6. Elle en a souverainement déduit que les désordres et leurs causes étaient connus de M. [J] depuis le 19 août 2004, de sorte qu'elle a exactement retenu que l'action, engagée le 19 avril 2016, était prescrite.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. Mme [W] fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable, alors :

« 1°/ que pour déclarer Mme [W] irrecevable en ses demandes à défaut d'intérêt à agir, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que l'allégation d'un préjudice de jouissance découlant du retard d'exécution des travaux sur les parties communes qu'elle n'a plus intérêt à poursuivre ne suffit pas à sa démonstration ; que pourtant, le syndicat des copropriétaires a admis que Mme [W] aurait intérêt à agir pour solliciter l'allocation de dommages-intérêts si elle avait agi dans le délai prévu par l'article 42 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965, ce qui était le cas puisque la cour d'appel a relevé que son action n'était pas prescrite ; qu'en statuant par de simple affirmation sans justifier sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que Mme [W] n'avait pas d'intérêt à agir en réparation de son trouble de jouissance à l'encontre du syndicat des copropriétaires dès lorsqu'elle avait obtenu, par arrêt du 12 août 2015,avec les autres copropriétaires et le syndicat des copropriétaires, la condamnation de leur vendeur au paiement des travaux prévus par les actes de vente des lots, des travaux d'assainissement (376 583 + 55 000 €), des dommages-intérêts à titre personnel au titre des retards d'exécution des engagements contractuels et ont été déboutés de leurs demandes au titre du préjudice moral ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a relevé que Mme [W] avait vendu l'appartement, acquis en 2006, le 22 décembre 2015, et qu'au moment de l'introduction de l'instance elle n'était plus copropriétaire.

10. Elle en a exactement déduit, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants relatifs à l'arrêt de la cour d'appel du 12 août 2015, que Mme [W] n'avait plus d'intérêt à agir.

11.Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [J] et Mme [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [J] et Mme [W] et les condamne à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Marina di Sole à [Localité 1] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. [J] et Mme [W]

Premier moyen de cassation

M. [X] [J] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclaré irrecevable en ses demandes comme prescrites ;

Alors que le point de départ du délai de prescription décennale de l'action d'un copropriétaire à l'encontre du syndicat des copropriétaire pour les dommages subis du fait d'un défaut d'entretien des parties communes est la date à laquelle la cause des dommages a été révélée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'action de M. [J] engagée le 19 avril 2016 contre le syndicat des copropriétaires de la résidence Marina di Sole pour obtenir la réalisation de travaux tendant à la réfection des réseaux d'évacuation et des dommages-intérêts était prescrite dès lors que le dysfonctionnement des réseaux d'évacuation et l'absence d'assainissement étaient connus depuis l'acquisition de son lot par M. [J] le 19 août 2004 ; qu'en se fondant ainsi sur la connaissance des dommages par M. [J] et non sur la connaissance de leur cause, la cour d'appel a violé les articles 14 et 42 de la loi du 10 juillet 1965, et 2234 du code civil.

Second moyen de cassation

Mme [G] [W] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée irrecevable en ses demandes à défaut d'intérêt à agir ;

1°) Alors que pour déclarer Mme [W] irrecevable en ses demandes à défaut d'intérêt à agir, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que l'allégation d'un préjudice de jouissance découlant du retard d'exécution des travaux sur les parties communes qu'elle n'a plus intérêt à poursuivre ne suffit pas à sa démonstration ; que pourtant, le syndicat des copropriétaires a admis que Mme [W] aurait intérêt à agir pour solliciter l'allocation de dommages-intérêts si elle avait agi dans le délai prévu par l'article 42 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965, ce qui était le cas puisque la cour d'appel a relevé que son action n'était pas prescrite ; qu'en statuant par de simple affirmation sans justifier sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) Alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que Mme [W] n'avait pas d'intérêt à agir en réparation de son trouble de jouissance à l'encontre du syndicat des copropriétaires dès lors qu'elle avait obtenu, par arrêt du 12 août 2015, avec les autres copropriétaires et le syndicat des copropriétaires, la condamnation de leur vendeur au paiement des travaux prévus par les actes de vente des lots, des travaux d'assainissement (376 583 + 55 000 €), des dommages-intérêts à titre personnel au titre des retards d'exécution des engagements contractuels et ont été déboutés de leurs demandes au titre du préjudice moral ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2021:C300746

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.