Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 7 avril 2016
N° de pourvoi: 15-13.900
Publié au bulletin Cassation partielle
M. Chauvin (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Le Bret-Desaché, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 novembre 2014), que M. X... et la société IC Saint-Etienne ont conclu un contrat de construction d'une maison individuelle ; que M. X... a obtenu un prêt de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Loire Haute-Loire (la CRCAM) ; qu'invoquant des malfaçons en cours de chantier, M. X... a, après expertise, assigné la société IC Saint-Etienne en nullité du contrat de construction et la CRCAM en nullité du contrat de prêt et remboursement des échéances versées, outre le coût de l'assurance, et les deux en indemnisation de ses préjudices ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société IC Saint-Etienne fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat de construction de maison individuelle, de la condamner à restituer la somme de 10 976, 75 euros versée en exécution du contrat annulé, de dire que la somme de 10 000 euros séquestrée en exécution de l'ordonnance de référé du 21 février 2009 sera libérée au profit de M. X... et, y ajoutant, de la condamner à assurer par elle-même ou par un tiers rémunéré par ses soins la démolition de la construction existante et la remise en état du terrain dans le délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt, de dire qu'à défaut et après une mise en demeure demeurée infructueuse pendant quinze jours supplémentaires, elle sera condamnée à verser à M. X... la somme de 8 000 euros, celui-ci faisant alors son affaire personnelle d'une telle démolition, alors, selon le moyen, que les règles d'ordre public de l'article L. 231-2 du code de construction et de l'habitation, relatives aux énonciations que doit comporter ce contrat, constituent des mesures de protection édictées dans l'intérêt du maître de l'ouvrage, dont la violation est sanctionnée par une nullité relative susceptible d'être couverte ; qu'en l'espèce, la société IC Saint-Etienne avait fait valoir dans ses conclusions récapitulatives que M. X... avait manifesté sa volonté de confirmer le contrat de construction litigieux d'une part en n'invoquant pas au stade du référé et de l'expertise judiciaire la nullité du contrat alors qu'il était assisté d'un avocat et d'autre part en exécutant les travaux restés à sa charge (dalle de sous-sol, fosse de vidange), ce qui établissait qu'il avait accepté les travaux déjà effectués ; que d'ailleurs, dans ses conclusions récapitulatives n° 3, M. X... avait lui-même reconnu que ce n'était que parce qu'il n'avait pas trouvé un terrain d'entente avec la société IC Saint-Etienne qu'il avait alors sollicité la nullité du contrat, ce dont il s'induisait qu'il avait parfaitement connaissance des motifs de nullité du contrat ; qu'en statuant comme elle l'a fait en prononçant la nullité du contrat sans prendre en compte ces différents éléments qui étaient de nature à démontrer que le maître de l'ouvrage avait renoncé à se prévaloir de la nullité du contrat litigieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1338 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que le fait de signer des plans plusieurs mois après le contrat, de couler la dalle du rez-de-chaussée et de créer une fosse de vidange ne constituait pas un élément suffisant pour établir que M. X... avait connaissance du vice affectant le contrat du 5 novembre 2007, ni son intention de le réparer, et que les indices invoqués pour démontrer l'intention de réparer n'étaient pas univoques en ce qu'ils pouvaient s'expliquer par un autre motif que le désir de confirmer l'acte nul, la cour d'appel, qui a pu prononcer la nullité du contrat, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1304 du code civil ;
Attendu que, pour condamner la société IC Saint-Etienne à payer à M. X... la somme de 15 000 euros toutes causes de préjudices confondues à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'au principe selon lequel la mise à néant du contrat implique pour le créancier le droit d'exiger un strict retour à l'état antérieur par l'enlèvement des parties de construction d'ores et déjà mises en place, doivent s'ajouter les préjudices indirects mais avérés, notamment nés du retard dans l'exécution du projet de construction, qu'il convient de fixer à la somme globale et forfaitaire de 15 000 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... ne pouvait se prévaloir des conséquences dommageables du non-respect du délai prévu par le contrat annulé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi provoqué :
Vu les articles L. 231-10 et L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. X... tendant à ce que la CRCAM soit condamnée à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la nullité du contrat, l'arrêt retient qu'il n'est imposé à la banque qu'un contrôle formel des énonciations du contrat de construction n'allant pas jusqu'à lui imposer de s'assurer que la notice descriptive contient bien les plans de la construction et que la négligence éventuellement commise par la banque est sans lien avec la nullité du contrat de construction ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le banquier est tenu de vérifier, avant toute offre de prêt, que le contrat qui lui a été transmis comporte les énonciations visés à l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation, parmi lesquelles figurent les plans de la construction à édifier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société IC Saint-Etienne à payer à M. X... la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts et en ce qu'il rejette la demande de M. X... formée contre la CRCAM, l'arrêt rendu le 12 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société IC Saint-Etienne aux dépens du pourvoi principal et la CRCAM Loire et Haute-Loire aux dépens du pourvoi provoqué ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société IC Saint-Etienne et de la CRCAM Loire et Haute-Loire et les condamne à payer à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;
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mercredi 13 avril 2016
Construction et devoir de conseil du banquier
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