mercredi 14 mai 2014

Compétence du maître d'ouvrage et responsabilité partagée (immixtion)

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 6 mai 2014
N° de pourvoi: 13-13.520
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Didier et Pinet, avocat(s)


--------------------------------------------------------------------------------


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 novembre 2012), que l'EARL la Champagne a confié la construction de bâtiments à usage de porcherie à la coopérative agricole Le Gouessant, chargée d'établir les plans, et à la société Serupa chargée du lot charpente-couverture-bardage-serrurerie ; que se plaignant d'oxydation de la structure des bâtiments, l'EARL La Champagne a, après expertise, assigné la coopérative agricole Le Gouessant et la société Serupa en responsabilité et indemnisation ;

Sur le moyen unique :

Attendu que la société Serupa fait grief à l'arrêt de la condamner, solidairement avec la coopérative agricole Le Gouessant au paiement de certaines sommes et de la condamner à garantir la coopérative agricole Le Gouessant des condamnations prononcées à son encontre, alors, selon le moyen :

1°/ que les jugements doivent être motivés à peine de nullité ; que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motivation ; que, pour condamner la société Serupa à garantir la coopérative agricole Le Gouessant de toutes les condamnations prononcées à son encontre, la cour d'appel a retenu qu'« il n'est pas établi qu'elle ait eu une compétence particulière en matière de construction de bâtiments industriels destinés à l'élevage porcin » ; qu'en statuant ainsi, après avoir par ailleurs retenu que « dans les faits, la coopérative agricole Le Gouessant, qui disposait des compétences techniques nécessaires, s'est comportée comme un véritable maître d'oeuvre », la cour d'appel s'est contredite et a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le maître d'oeuvre est tenu d'un devoir de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage, dont il ne saurait s'exonérer ni en prétendant être intervenu à titre bénévole, ni en invoquant sa propre incompétence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que la coopérative agricole Le Gouessant avait « eu, en fait, un rôle de conception et de contrôle d'exécution », que celle-ci, « qui disposait des compétence techniques nécessaires, s'était comportée comme un véritable maître d'oeuvre » et qu'elle n'avait informé l'EARL La Champagne ni des risques que présentait le recours à une protection « primaire » des éléments métalliques du bâtiment, ni de l'obligation d'assurer dans des délais brefs une protection complémentaire, manquant ainsi à ses obligations de conseil ; qu'en condamnant néanmoins la société Serupa à garantir la coopérative de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, au motif qu'elle n'aurait pas eu une compétence particulière en matière de construction de bâtiments industriels destinés à l'élevage porcin, alors que cette incompétence ne pouvait exonérer le maître d'oeuvre de sa responsabilité, tant à l'égard du maître d'ouvrage qu'à l'égard de son coobligé avec lequel il a été condamné, en raison de sa faute, à indemniser le maître d'ouvrage, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ que les jugements doivent être motivés à peine de nullité ; que la société Serupa faisait valoir que les plans, lettres et comptes-rendus de chantier émanaient du service « bâtiment » de la coopérative agricole Le Gouessant, en particulier de M. X..., désigné comme étant un « technicien bâtiment », et que les documents ainsi produits étaient tous relatifs à des questions de construction, ce dont il résultait nécessairement que la coopérative était compétente en matière de construction de bâtiments destinés à l'élevage porcin ; qu'en affirmant péremptoirement qu'il n'était pas établi que la coopérative agricole Le Gouessant détenait une compétence particulière en matière de construction de bâtiments destinés à l'élevage porcin, sans s'expliquer sur ces éléments de nature à établir cette compétence, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que les jugements doivent être motivés à peine de nullité ; que, pour condamner la société Serupa à garantir l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre, la cour d'appel a affirmé que la coopérative agricole Le Gouessant aurait interrogé la société Serupa sur « la pertinence de la technique constructive adoptée » et qu'elle lui aurait prétendument répondu que « l'absence de galvanisation n'était source d'aucune difficulté » ; qu'en statuant ainsi, sans préciser les documents sur lesquels elle se fondait pour parvenir à une telle affirmation expressément contestée par la société Serupa, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu la responsabilité du maître d'oeuvre sur le fondement de la garantie décennale, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant tiré de l'existence d'une faute de sa part, a pu, sans se contredire, retenir que la coopérative agricole Le Gouessant, qui disposait des compétences en matière de construction nécessaires pour se comporter comme le maître d'oeuvre de l'opération mais n'avait pas de compétence particulière en matière de galvanisation des ouvrages lui permettant d'écarter les solutions techniques proposées par l'entreprise et maintenues par elle après qu'elle l'eût interrogée sur la pertinence de la technique adoptée, devait être garantie par l'entreprise dans une proportion qu'elle a souverainement appréciée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Serupa aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Serupa à payer la somme de 3 000 euros à l'EARL La Champagne ; rejette la demande de la société Serupa ;


Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.